/

La mise en place d'une stratégie de lutte contre la pauvreté

  • Session : 2014-2015
  • Année : 2015
  • N° : 87 (2014-2015) 1

2 élément(s) trouvé(s).

  • Question écrite du 31/03/2015
    • de TROTTA Graziana
    • à MAGNETTE Paul, Ministre-Président du Gouvernement wallon

    La lutte contre la pauvreté constitue une priorité absolue qui requiert des actions multiples, fondée sur une stratégie transversale rassemblant de nombreux acteurs et nécessitant l'activation de leviers divers.

    En la matière, les plans et les actions se sont multipliés ces dernières années. Citons, entre autres, le plan fédéral de lutte contre la pauvreté, le plan d’action flamand de lutte contre la pauvreté (VAPA), le Fonds contre la pauvreté infantile géré par la Fondation Roi Baudouin et, pour ce qui concerne la Wallonie, les « plans de cohésion sociale » largement mis en place au niveau communal et coordonnés par la Région, ainsi que l'adoption en avril 2014 par le Parlement wallon d'une résolution relative à la lutte contre la pauvreté infantile.

    Malgré les actions mises en place, plusieurs chiffres relatifs à la pauvreté rappellent l'importance, mais aussi l'urgence d'un renforcement des politiques mises en œuvre.

    En effet, selon l'Annuaire fédéral « Pauvreté en Belgique 2015 », le risque de pauvreté ou d’exclusion sociale s’élève à 21,5 % chez les enfants, à 24,2 % chez les jeunes, à 21,2 % pour les plus de 55 ans, à 34,7 % pour les personnes possédant un faible niveau de formation et à 69,8 % pour les personnes sans emploi.

    Par ailleurs, 54,5 % des familles monoparentales et 39,2 % des isolés vivent sous le seuil de pauvreté, et les locataires (40,3 %) se trouvent beaucoup plus souvent en situation de pauvreté ou d’exclusion sociale que les propriétaires (8 %). Un autre facteur de risque est la nationalité, puisque 68,4 % des individus de nationalité non européenne vivent en situation de pauvreté ou d’exclusion sociale.

    Les disparités régionales en matière de pauvreté, et notamment de pauvreté infantile, sont particulièrement interpellantes. En effet, le risque de pauvreté touche un enfant sur dix en Flandre, un enfant sur quatre en Wallonie et pas moins de quatre enfants sur dix à Bruxelles.

    Face à ces statistiques, les auteurs de l'Annuaire indiquent que « Lorsque nous observons les plans en matière de pauvreté aux différents niveaux de la politique, nous sommes contraints de constater la fracture qui existe entre les enjeux et les actions concrètes. [...] la liste des initiatives prises n’est pas suffisamment inspirée du contexte réel. Peu d’actions sont parvenues à percer le cœur du problème de la pauvreté. ».

    Ce constat est sévère et doit nous inciter à une volonté politique commune renforcée. L'importance accordée à la lutte contre la pauvreté dans la Déclaration de politique régionale qui cible plus de septante actions liées directement à cet enjeu fondamental constitue à ce titre une des raisons d'espérer une amélioration de la situation dans les années à venir.

    En réponse à ma question n°13 (2014-2015) 1 du 04/11/2014, Monsieur le Ministre-Président m'indiquait travailler à l'élaboration, avec les autres membres du Gouvernement, d'une stratégie wallonne de lutte contre la pauvreté basée sur un plan d'action, avec une attention particulière aux enfants et aux personnes âgées.

    Dans le cadre de ce travail, un diagnostic le plus précis possible de la pauvreté en Wallonie et de l'impact des politiques publiques a été entamé dès septembre 2014 et de nombreux acteurs ont été rencontrés, en associant notamment le Réseau wallon de lutte contre la pauvreté qui est désormais le centre d'expertise wallon en la matière.

    Par conséquent, Monsieur le Ministre-Président peut-il me faire part de l'évolution du travail réalisé eu égard à cet enjeu primordial ? Le diagnostic de la pauvreté en Wallonie a-t-il été finalisé et l'impact des politiques publiques a-t-il été évalué ? Dans l'affirmative, quels sont-ils ? La stratégie wallonne va-t-elle bientôt pouvoir voir le jour et si oui, à quelle échéance ?
  • Réponse du 22/04/2015
    • de MAGNETTE Paul

    Depuis septembre 2014, les efforts en matière de coordination de la lutte contre la pauvreté ont été résolument poursuivis. Après l’étape de diagnostic menée par mon cabinet, un groupe de travail composé de l’IWEPS, de la DGO5, de la Direction interdépartementale de la Cohésion sociale (DICS) et du Réseau wallon de lutte contre la pauvreté (RWLP) s’est réuni, sous ma présidence, à trois reprises entre décembre 2014 et février 2015.

    Ces réunions ont permis d’affiner le diagnostic de la pauvreté et d’élaborer des balises méthodologiques précises pour la mise en œuvre du futur plan transversal de lutte contre la pauvreté.

    Elles ont, en outre, permis d’établir un relevé des principaux indicateurs statistiques disponibles pour cerner la situation de la pauvreté en Wallonie, de dresser l’inventaire des dispositifs existants et de mettre en lumière des besoins prioritaires à rencontrer par le plan.

    Enfin, elles ont conduit à poser les constats suivants :
    - malgré des dispositifs pérennes (plans de cohésion sociale, relais sociaux, Plan HP, médiation de dettes…), de nombreux Wallons vivent encore sous le seuil de pauvreté (soit avec des revenus inférieurs à 60 % du revenu médian) ou, à tout le moins, dans des conditions d’existence très difficiles ;
    - l’indice de déprivation matérielle (enquête EU-SILC) permet de mieux appréhender les réalités de vie quotidienne des personnes pauvres ou à risque de pauvreté. Cet indice favorise aussi l’identification des politiques sur lesquelles le Gouvernement wallon a la capacité d’agir via des mesures concrètes ;
    - il est nécessaire d’avoir une vision « holistique » de la pauvreté. Ce phénomène n’est pas seulement un problème économique, mais un problème multidimensionnel qui englobe à la fois l’absence ou l’insuffisance de revenus et l’inexistence de moyens de base nécessaires pour vivre dignement.

    Ma volonté est donc de développer une stratégie transversale et universaliste visant donc à la fois les personnes vivant dans la pauvreté et celles risquant d’y basculer (vision préventive).

    En ce sens, je souhaite développer, dans le cadre des compétences régionales, des axes spécifiques ayant des impacts concrets sur ces groupes. Il importe aussi de veiller à la lisibilité et l’accessibilité de ce dispositif au plus grand nombre. En ce sens, la stratégie ne reprendra pas les dispositifs existants, souvent centrés sur des publics précis (relais sociaux, HP…), mais sera complémentaire à ceux-ci.

    Ce futur plan aura donc pour but d’organiser un ensemble de mesures régionales pour lutter contre la pauvreté et réduire les inégalités sociales en Wallonie. Pour cela, il partira de l’indice de déprivation matérielle afin de développer des mesures pertinentes dans les domaines de l’énergie, du logement, de la santé, de la mobilité, de l’alimentation, des TIC ainsi que du sport, de la culture et des loisirs.

    Dans ce cadre, nous envisageons également d’opérer un focus particulier sur deux publics cibles : les familles monoparentales et les jeunes de 17 à 25 ans.

    Dans l’optique de garantir le plus large accès aux aides, le dispositif mettra l’accent sur la simplicité administrative et favorisera une meilleure coordination entre les acteurs (régionaux et locaux, publics et associatifs voire privés). Dans une logique d’efficacité et d’efficience, des indicateurs de résultats seront définis pour assurer la qualité de l’évaluation en lien avec la stratégie EU 2020.

    Depuis la fin mars, des réunions bilatérales sont organisées avec les cabinets des différents ministres fonctionnels afin d’identifier quelles mesures (envisagées ou non dans la DPR) alimenteront les différents axes du PLCP. Une priorisation des actions au sein de chacun de ses axes sera opérée, compte tenu des réalités et besoins de terrain, mais aussi afin d’assurer un échelonnage dans le temps intégrant les priorités de chaque ministre et les impératifs budgétaires.

    J’entends, par ailleurs, interroger les autres niveaux afin de m’enquérir de leur volonté de développer, eux aussi, des stratégies de lutte contre la pauvreté. Si tel est le cas, la Wallonie ne manquera pas de se coordonner avec eux, même si l’objectif premier n’est pas nécessairement de s’engager dans l’établissement d’un accord de coopération sur le sujet, qui pourrait retarder notre volonté d’avancer dans le cadre de nos compétences.

    Le Plan transversal de lutte contre la pauvreté devrait être finalisé d’ici à juin et soumis à l’approbation du Gouvernement avant la fin juillet.

    Les moyens de pilotage et d’évaluation de cette politique publique seront conçus par l’IWEPS en même temps que les différents axes et mesures du plan. Il s’agira, d’une part, d’indicateurs de suivi de la politique (tableaux de bord et indicateurs de réalisation) et, d’autre part, d’indicateurs d’évaluation qui étudieront l’impact des mesures prises. Sur cette base, le plan fera l’objet d’une évaluation annuelle formelle par le Gouvernement, à laquelle sera associé le Réseau wallon de lutte contre la pauvreté.