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Les examens linguistiques dans la fonction publique wallonne

  • Session : 2014-2015
  • Année : 2015
  • N° : 125 (2014-2015) 1

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  • Question écrite du 20/04/2015
    • de STOFFELS Edmund
    • à LACROIX Christophe, Ministre du Budget, de la Fonction publique et de la Simplification administrative

    Les examens linguistiques pour entrer dans la fonction publique belge devraient pouvoir être organisés par d’autres instances que le seul Selor, estime la Cour européenne de Justice.

    En Fédération Wallonie-Bruxelles, en Région bruxelloise et dans la Communauté germanophone, seul le certificat du Selor permet aux candidats qui n’ont pas fait leurs études en néerlandais, en français ou en allemand de prouver que leurs connaissances linguistiques sont suffisantes.

    Comment la question est-elle réglée en Région wallonne ?

    Non seulement concernant les documents à fournir de la part des candidats qui postulent pour un emploi exigeant la maîtrise d’une autre langue que le français, mais aussi concernant la connaissance effective des fonctionnaires qui occupent un tel poste.

    Est-ce qu’ils ont tous (à tous les niveaux où le fonctionnaire est susceptible d’avoir un contrat avec les charges de la langue allemande) le niveau de maîtrise demandé et certifié de la langue allemande ?
  • Réponse du 06/05/2015
    • de LACROIX Christophe

    1. Contexte juridique en Région wallonne

    Pour occuper un emploi dans la fonction publique wallonne, la preuve de la connaissance d’une langue nationale doit toujours être apportée conformément aux modes de preuve prévus par l’article 15, § 1er, des lois sur l’emploi des langues en matière administrative coordonnées le 18 juillet 1966.

    Cela signifie que la preuve de la connaissance de la langue requise doit être apportée soit par la production d’un diplôme ou certificat d’études dans cette langue pour le niveau concerné ou par l’attestation de réussite d’un examen linguistique.

    À cet égard, l’article 53 des lois précitées prévoyait initialement que seul le Selor était compétent pour délivrer les attestations de réussite d’un examen linguistique.

    Comme le souligne l’Honorable Membre, la Belgique a récemment été condamnée par un arrêt du 5 février 2015 de la Cour de justice de l’Union européenne au motif que, exiger « des candidats aux postes établis dans les régions de langue française ou de langue allemande, dont il ne résulte pas des diplômes ou certificats requis qu’ils ont suivi l’enseignement dans la langue concernée, à faire la preuve de leurs connaissances linguistiques au moyen d’un unique type de certificat, exclusivement délivré par un seul organisme officiel belge après un examen organisé sur le territoire belge » est contraire aux dispositions de l’article 45 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne à et celles du règlement (UE) n°492/2011 qui consacrent la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de l’Union.

    Autrement dit, le monopole du Selor prévu par l’article 53 des lois précitées est contraire au principe de libre circulation des travailleurs à l’intérieur de l’Union.

    Préalablement à cet arrêt, la Commission avait déjà mis la Belgique en demeure de rendre l’article 53 des lois précitées conforme au principe de libre circulation des travailleurs.

    Dans ce cadre, la Communauté flamande a élaboré un projet de décret de la Communauté flamande relatif à la preuve de la connaissance de la langue, requise par les lois sur l'emploi des langues en matière administrative, coordonnées le 18 juillet 1966 à propos duquel le Conseil d’État a eu l’occasion de rendre un avis le 24 mai 2011.

    Selon la section de législation du Conseil d’État, en vertu de l’article 129, § 2, de la Constitution, l’emploi des langues en matière administrative relève des entités suivantes :
    - pour le territoire de langue néerlandaise : la Communauté flamande ;
    - pour le territoire de langue française : la Communauté française ;
    - pour le territoire de langue allemande : le fédéral ;
    - pour les communes à statut spécial, la Région de Bruxelles-Capitale et les administrations fédérales : le fédéral.

    On relève à cet égard que le Conseil d’État ne reconnaît aucune compétence à la Région wallonne pour modifier les lois sur l’emploi des langues en matière administrative, coordonnées le 18 juillet 1966.

    C’est dans ce contexte que la Communauté française a adopté le décret du 7 novembre 2013 relatif à la preuve de la connaissance de la langue, requise par les lois sur l'emploi des langues en matière administrative, coordonnées le 18 juillet 1966. Ce décret, entré en vigueur le 13 janvier 2014, entend répondre aux critiques de l’Europe en modifiant l’article 53 des lois coordonnées précitées.

    Un arrêté d’exécution a également été adopté, il s’agit de l’arrêté du Gouvernement de Communauté française du 22 octobre 2014 portant exécution du décret du 7 novembre 2013 relatif à la preuve des connaissances linguistiques requises par les lois sur l'emploi des langues en matière administrative, coordonnées le 18 juillet 1966. Il est entré en vigueur le 15 décembre 2014.

    Depuis l’adoption de ces dispositions prises par la Communauté française et applicables en Région wallonne, la situation est assez complexe pour la fonction publique wallonne dans la mesure où la preuve de la connaissance de la langue pour occuper un emploi apparaît relever de règles différentes.

    En effet, au sein de la fonction publique wallonne, la preuve de la connaissance de la langue pour occuper un emploi dont l’activité ne s’étend pas au-delà de la région de langue française doit être apportée selon les règles prévues par l’article 53 des lois coordonnées précitées dans sa version adoptée par la Communauté française.

    En revanche, s’il s’agit de pourvoir un emploi dont l’activité s’étend au-delà de la région de langue française, c’est-à-dire lorsque l’activité du service concerné couvre une ou des communes de la Région de langue allemande (1), une ou des communes malmédiennes (2), ou une ou des communes de la frontière linguistique (3) c’est l’article 53 des lois coordonnées précitées dans sa version adoptée par le Fédéral qui s’applique (4).

    Cela signifie par exemple que s’il s’agit de pourvoir un emploi d’un service central, dont l’activité s’étend dès lors à l’ensemble de la Région wallonne, en ce compris les communes de la Région de langue allemande et les communes malmédiennes, la preuve de la connaissance de la langue pour occuper cet emploi devra être apportée par l’article 53 des lois coordonnées précitées dans sa version adoptée par le Fédéral.

    Il en irait de même s’agissant d’apporter la preuve de la connaissance de la langue utile pour occuper un emploi d’un service régional dont l’activité s’étend uniquement à la province de Liège puisque celle-ci englobe les communes de la Région de langue allemande.

    En revanche, s’il s’agit de pourvoir un emploi au sein d’un service dont l’activité s’étend exclusivement à des communes de la province de Namur ou du Brabant wallon, la preuve de la connaissance de la langue pour occuper cet emploi doit être apportée selon les règles prévues l’article 53 des lois coordonnées précitées dans sa version adoptée par la Communauté française.



    2. Certificats linguistiques à fournir pour attester de la connaissance de l’une des langues nationales

    Conformément à ce qui vient d’être exposé au point 1, il faut distinguer les modes de preuves possibles selon qu’il s’agit de pourvoir un emploi relevant d’un service dont l’activité s’étend ou ne s’étend pas au-delà de la région de langue française.


    2.1. Emplois dont l’activité s’étend au-delà de la région de langue française

    En pratique, la plupart des emplois à pourvoir au sein de la fonction publique wallonne le sont au sein de services dont l’activité s’étend au-delà de la région de langue française.

    Comme indiqué au point 1, pour ces emplois, c’est l’article 53 des lois coordonnées précitées dans sa version adoptée par le Fédéral qui s’applique.

    En conséquence, pour ces emplois, les candidats qui ne disposent pas du diplôme ou du certificat d’études attestant qu’ils ont suivi l’enseignement dans la langue concernée pour le niveau concerné, ont pour seul mode de preuve admissible le certificat linguistique du Selor.

    En effet, aussi longtemps que législateur fédéral n’aura pas modifié les dispositions de l’article 53 des lois coordonnées précitées, seul le certificat linguistique du Selor sera recevable pour prouver la connaissance de la langue requise.

    Concrètement, à l’heure actuelle, cela signifie que, dès lors qu’un emploi de la fonction publique wallonne requiert la connaissance de l’allemand parce qu’il relève d’un service dont l’activité s’étend au-delà de la région de langue française, seul le certificat linguistique Selor est admissible comme mode de preuve de la connaissance de cette langue à défaut de produire, pour le niveau de l’emploi concerné, un diplôme ou un certificat d’études attestant avoir suivi l’enseignement dans cette langue.

    Cela vaut également pour la preuve de la connaissance du français dès lors qu’il s’agit de pourvoir un emploi dont l’activité s’étend au-delà de la région de langue française.

    En conclusion, pour les emplois de la fonction publique wallonne relevant de services dont l’activité s’étend au-delà de la région de langue française, la Région wallonne reste tributaire des dispositions qui seront adoptées au niveau Fédéral, lesquelles ne sont à ce jour pas conformes au principe de libre circulation des travailleurs dans l’Union européenne.


    2.2. Emplois dont l’activité ne s’étend pas au-delà de la région de langue française

    Pour occuper un emploi relevant d’un service dont l’activité ne s’étend pas au-delà de la région de langue française, il convient d’apporter la preuve de la connaissance de la langue (5) selon les règles prévues par l’article 53 des lois coordonnées précitées dans sa version adoptée par la Communauté française.

    C’est donc l’arrêté du Gouvernement de Communauté française du 22 octobre 2014 portant exécution du décret du 7 novembre 2013 relatif à la preuve des connaissances linguistiques requises par les lois sur l'emploi des langues en matière administrative, coordonnées le 18 juillet 1966. Il est entré en vigueur le 15 décembre 2014.

    L’article 1er de cet arrêté dispose que :

    « L'équivalence entre les qualifications linguistiques délivrées dans les autres États de l'Espace économique européen et la Confédération suisse et les certificats délivrés par Selor est reconnue par le Gouvernement de la Communauté française, sur avis d'une commission d'experts.

    Le Gouvernement habilite le Ministre de la Fonction publique à arrêter une liste de qualifications linguistiques délivrées dans les autres États de l'Espace économique européen et la Confédération suisse qui sont automatiquement reconnues équivalentes aux certificats de connaissance du français délivré par le Selor.

    Autrement dit, le Selor n’est plus le seul organe compétent pour délivrer des certificats de connaissance du français. La preuve de la connaissance de cette langue pourra être apportée par le biais de certificats délivrés par des instances autres que le Selor, notamment des instances établies dans d’autres États, pour autant que le Gouvernement de la Communauté française ou son ministre de la Fonction publique, selon le cas, en ait reconnu l’équivalence avec les certificats linguistiques délivrés par le Selor.



    3. Connaissance effective de la langue allemande

    En ce qui concerne les services du Gouvernement wallon, l’emploi des langues en matière administrative est régi par le titre III « Emploi des langues » de la loi ordinaire de réformes institutionnelles du 9 août 1980.

    Des dispositions différentes sont applicables selon que l’activité du service concerné s’étend ou non à l’entièreté de la circonscription de la Région wallonne. Elles prévoient que les services doivent être organisés de manière telle qu’ils puissent respecter, « sans la moindre difficulté » selon les termes de la loi, les dispositions imposant une forme de bilinguisme, implicite ou explicite.

    Ces obligations légales en matière d’emploi de la langue allemande par les services du Gouvernement wallon sont fort lourdes. Cela étant, je ne puis qu’assurer l’Honorable Membre que le Gouvernement a toujours essayé et continuera d’essayer de garantir, dans le respect de la réglementation, un service dans sa langue à la population de langue allemande.



    (1) Soit Amblève, Bullange, Burg-Reuland, Bütgenbach, Eupen, La Calamine, Lontzen, Raeren et Saint-Vith
    (2) Soit Malmédy et Waimes
    (3) Soit Comines-Warneton, Mouscron, Flobecq et Enghien
    (4) Dans son avis n°52326/2 du 28 novembre 2012, le Conseil d’État confirme que la Communauté française n’est plus compétente pour les services régionaux dès lors que leur activité s’étend sur le territoire des communes « à facilités » mentionnées dans l’article 129, § 2, premier tiret, de la Constitution.
    (5) En l’occurrence le français puisque seule la connaissance de cette langue est requise dans ces services