/

Le devoir de vigilance

  • Session : 2014-2015
  • Année : 2015
  • N° : 213 (2014-2015) 1

2 élément(s) trouvé(s).

  • Question écrite du 22/04/2015
    • de LUPERTO Jean-Charles
    • à MARCOURT Jean-Claude, Ministre de l'Economie, de l'Industrie, de l'Innovation et du Numérique

    Le 24 avril 2013, le Rana Plazza, un immeuble situé à quelques kilomètres de la capitale du Bangladesh, venait de s'effondrer. Plus de mille personnes ont perdu la vie. Cette tragédie nous invite, en Europe, à une prise de conscience sur notre mode de vie consumériste, en dévoilant sous un jour enfin visible les conditions de vie et de travail de milliers de travailleurs pauvres, un travail tenant plus d'un esclavage des temps modernes que d'un quelconque type d'emploi, tant l'exploitation humaine ainsi révélée est criante.

    Cette catastrophe a été mise en lumière, car le produit des travailleurs concernés se retrouvait dans les rayons d'enseignes populaires.

    Nous devons être attentifs à l'économie locale et mettre en oeuvre tous les moyens qui permettent d'assurer la pérennité des entreprises, qu'elles soient de production ou de service, et nous ne pouvons être inattentifs aux souffrances des travailleurs d'autres pays, beaucoup moins nantis que nous tant en termes de protection que de loi sur le bien-être et les conditions de travail, sans oublier la dimension éthique que tout acte économique doit comporter.

    Nous avons tenu en commission des débats sur le dumping social.

    À présent, l'État français a adopté le 30 mars dernier un texte instaurant un « devoir de vigilance » pour les entreprises françaises à l'égard de leurs sous-traitants, qu'ils soient nationaux ou étrangers.

    Quelle est la marge disponible pour adopter, en Région wallonne, des mesures, voire un décret, dont la visée serait comparable à cette législation française ?

    Que pourrait faire la Région pour encourager plus encore la protection les travailleurs d'autres pays, hors Europe, ce qui, d'ailleurs, contribuerait à favoriser le sort de nos entreprises en déjouant progressivement les pièges de la concurrence déloyale que certaines sociétés organisent, en jouant parfois avec la santé et la vie des travailleurs auxquelles elles recourent ?
  • Réponse du 30/04/2015
    • de MARCOURT Jean-Claude

    Comme le sait déjà l'honorable membre, le Gouvernement wallon est particulièrement sensible aux conditions de travail dans les entreprises qu’elles soient situées sur le territoire de la Région wallonne ou ailleurs.

    L’initiative prise par nos collègues du parlement français s’inscrit aussi dans cette préoccupation.

    Près de deux années après le terrible drame dont l'honorable membre fait état et qui a causé plus de 1 100 morts et plus de 2 000 blessés au Bangladesh, l’Assemblée nationale française a adopté un texte instaurant un « devoir de vigilance » pour les entreprises françaises. Il est ainsi créé pour les entreprises transnationales une obligation de montrer qu’elles agissent pour limiter les risques liés à leur activité, y compris chez leurs sous-traitants étrangers. Une fois la loi promulguée, les sociétés mères devront s’assurer que les fournisseurs avec lesquels elles entretiennent une relation commerciale établie respectent le droit syndical local, ne recourent pas au travail des enfants, disposent de conditions de sécurité correctes et respectent un ensemble de principes en matière de droits humains.

    Notons aussi que ce texte qui doit encore être soumis au Sénat français ; s’il prévoit des sanctions pour les entreprises qui ne respecteraient pas les obligations que je viens de mentionner ,ne s’appliquerait qu’aux très grandes entreprises françaises qui emploient plus de 5 000 salariés en France ou plus de 10 000 en France et dans le monde.

    Cette initiative est une première même si actuellement nous savons qu’au Royaume-Uni les parlementaires travaillent sur une législation qui imposerait aux entreprises des mesures de prévention contre l’esclavage moderne chez leurs fournisseurs ou que les USA avec le Dodd-Franck ACT contrôlent la filière de minéraux en provenance de zones de conflits.

    Indubitablement ces exemples démontrent qu’une réflexion en profondeur s’initie.

    En Wallonie, comme le souligne l'honorable membre le dumping social est une des préoccupations du Gouvernement.

    Dès le début de la législature, des collaborateurs ministériels ont rencontré la Confédération wallonne de la construction, secteur d’activité où cette problématique du dumping social se pose avec le plus d’acuité.

    Ces multiples contacts ont débouché sur la convocation en mars dernier du Comité permanent de concertation de la construction, un groupe de travail piloté par Monsieur le Ministre-Président. Le dumping social était au cœur de la réunion et de multiples pistes ont été explorées afin de tenter au maximum de limiter celui-ci.

    Nous ne doutons pas que des propositions concrètes émaneront rapidement de ce forum où se rencontrent tous les acteurs concernés du secteur, employeurs, syndicats, représentants des fédérations patronales et du gouvernement wallon. À cet égard, le Gouvernement peut préciser que l’agréation pour les marchés publics imposée à toute la chaine des sous-traitants comme règle générale a été évoquée.

    Mais l'honorable membre a raison de le souligner les conditions de travail sont un paramètre essentiel et ce tant à l’étranger qu’en Wallonie. Le gouvernement wallon et l’administration compétente travaillent sur les outils spécifiques qui permettent aux pouvoirs adjudicataires d’introduire des clauses environnementales, sociales et éthiques dans leurs marchés publics tout en respectant les contraintes légales et européennes.

    Comme le voit l'honorable membre au travers de ces exemples concrets, le Gouvernement wallon prend autour des compétences qui sont les siennes, de nombreuses initiatives en matière de dumping social.

    Nous restons toutefois convaincus que ces problématiques globales ne trouveront de solution réelle que dès lors qu’une réponse globale sera apportée.

    C’est au niveau européen que l’initiative devrait être soutenue, une position que la rapporteuse de projet de loi que l'honorable membre évoque dans sa question faisait sienne et nous conclurons en la citant «  il nous faut maintenant poursuivre le débat au niveau de l’Union européenne ».