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La diminution du nombre d'espèces d'oiseaux en Wallonie.

  • Session : 2004-2005
  • Année : 2004
  • N° : 37 (2004-2005) 1

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  • Question écrite du 24/11/2004
    • de STOFFELS Edmund
    • à LUTGEN Benoit, Ministre de l'Agriculture, de la Ruralité, de l'Environnement et du Tourisme

    Les oiseaux représentent une des composantes les plus visibles et facilement identifiables de l'environnement biologique. Ils sont présents dans tous les milieux, des plus artificialisés aux plus naturels. Prédateurs ou végétariens, ils ont conquis la multitude de niches écologiques offertes par la végétation et le milieu physique. Toutefois, de nombreuses espèces sont sensibles aux variations, en superficie et en qualité, de leurs habitats de reproduction et de séjour, ce qui leur confère une évidente valeur bioindicatrice. Voilà les propos qu'on peut lire sur le site Internet du Ministère de la Région wallonne.

    Selon un journal verviétois du 9 novembre dernier, AVES aurait réalisé une étude dans des dizaines de pays européens et constate que, sur 524 espèces d'oiseaux, 42 % sont en danger. Birdlife International arrive à une conclusion identique : en comparaison avec il y a dix ans, 45 espèces d'oiseaux ont vu leur population fortement diminuer, 14 autres espèces, par contre, ont vu leur situation s'améliorer.

    L'avifaune dépend de la qualité de l'environnement naturel, mais aussi de plus en plus de l'action humaine et de son impact sur l'environnement. La biodiversité, en général, et l'évolution de l'avifaune, en particulier, dépendront donc largement de l'impact de l'action humaine sur la qualité de l'environnement, en Wallonie et ailleurs.

    La DGRNE, quant à elle, compare les données des dix dernières années avec celles des états des lieux antérieurs et observe les tendances suivantes, je cite : “Le nombre d'espèces indigènes nicheuses régulières a progressé de 130 dans les années soixante, à 140 en 1992. Cet enrichissement résulte en grande partie de l'accroissement de la qualité et de la densité du réseau d'observation et des effets positifs de la protection légale accordée à la plupart des espèces ou encore de la multiplication de milieux d'origine artificielle.”.

    L'évolution est, par contre, globalement défavorable pour la majorité des espèces spécialisées et, parmi elles, singulièrement pour les espèces migratrices. Les problèmes rencontrés en migration et en hivernage sont de toute évidence croissants pour notre avifaune, y compris dans le bassin méditerranéen où l'on constate la disparition de nombreuses zones humides, la mise en culture ou l'urbanisation de multiples zones naturelles, l'intensification de l'agriculture et des prélèvements importants.

    Aux problèmes qui se posent dans les régions d'hivernage et de passage, s'ajoutent ceux qui agissent dans l'aire de reproduction. La présence et le nombre de beaucoup d'espèces

    en Wallonie sont en effet tributaires de populations principales réparties dans les pays et régions voisins. Le nombre peut varier en raison de la faiblesse numérique de nos nicheurs, de l'aspect marginal, voire temporaire, de leur répartition wallonne, de la situation de la Wallonie en bordure de l'aire de répartition ou d'une réussite insuffisante de la reproduction.

    La DGRNE conclut qu'il convient de “s'inquiéter fortement de l'ampleur et de la rapidité des diminutions en cours, en général sous l'action de facteurs anthropiques dont la force et l'ampleur surpassent maintenant les capacités d'adaptation ou de simple survie de nombreuses espèces. Ce sont principalement la réduction des habitats disponibles et la diminution de leurs potentialités d'accueil, et en particulier des ressources alimentaires, qui sont responsables des régressions observées. Ce phénomène se distingue des fluctuations naturelles, plus ou moins cycliques, liées à l'incidence de facteurs alimentaires et climatiques comme, par exemple, l'impact d'hivers rigoureux ou, encore, les fluctuations des populations de rapaces.”.

    Différentes raisons sont invoquées :

    - l'extraordinaire régression des landes, pelouses semi-naturelles et fagnes menant l'avifaune qui y est associée au seuil de l'extinction;

    - la disparition d'une partie des petits sites relictuels (destruction, construction, boisement, dépotoirs, ...);

    - l'augmentation des superficies boisées provenant surtout des plantations de conifères favorisant progressivement l'installation d'espèces qui leur sont associées;

    - les conséquences de l'urbanisation et de l'industrialisation de l'espace entraînant des pertes substantielles d'habitats naturels, surtout au niveau des prairies permanentes, des zones humides et de milieux rares;

    - l'emploi excessif de pesticides, de plantations à base d'essences exotiques peu attractives pour les insectes ou encore de l'entretien de gazons ras inhospitaliers pour la quasi totalité des invertébrés et des plantes.

    Ainsi, entre 1982 et 1992, la DGRNE constate, notamment, que :

    - 28 espèces, dont la moitié est des nicheurs irréguliers ou éteints avant 1980, ont connu une situation sans modification fondamentale;

    - la situation de 34 espèces, toutes plus ou moins spécialisées, s'est détériorée.

    La DGRNE conclut : les espèces pour lesquelles des mesures de protection, prises en Région wallonne, pourraient améliorer le plus significativement le statut sont celles des catégories “nicheurs éteints”, mais revenant naturellement, espèces en danger et espèces vulnérables.

    Vu la valeur évidente bioindicatrice de l'avifaune wallonne, je souhaite poser les questions suivantes :

    - Monsieur le Ministre a-t-il connaissance de l'étude réalisée par AVES dont il était question dans la presse;

    - y a-t-il des données plus récentes de la DGRNE que celles publiées sur le site Internet du Ministère de la Région wallonne;

    - quelles sont les conclusions concrètes de Monsieur le Ministre sur le plan politique des constats que je viens d'évoquer ?
  • Réponse du 05/08/2005
    • de LUTGEN Benoît
    Le constat dressé par AVES sur base notamment de l'étude de BirdLife International n'est malheureusement ni neuf ni surprenant. Lors du récent colloque organisé pour les 25 ans de la Directive Oiseaux le 21 octobre 2004, j'ai pu entendre de la part de nombreux orateurs que la situation n'était en effet pas très favorable pour bon nombre d'espèces. Je voudrais également ajouter que grâce au soutien financier de la Région wallonne depuis 1989, AVES a déjà mis sur pied plusieurs outils de suivi de l'avifaune (suivi par points d'écoute, atlas, suivi ciblé, …) mais aussi des batraciens et des reptiles.

    Je ne veux pas m'étendre sur les multiples raisons qui conduisent à la régression des oiseaux et plus largement à la perte de biodiversité. Il est en tous cas important de rappeler le contexte dans lequel s'est inscrite la Région wallonne, comme les autres régions et états membres de l'Union européenne. En 2001 au sommet de Göteborg, il a en effet été décidé de fixer un ultimatum : 2010, arrêt de la perte de biodiversité en Europe.

    Au vu du constat qui est dressé par les récentes études, il est clair que le Gouvernement wallon doit se donner des moyens suffisants afin d'atteindre cet objectif. Le travail qui sera développé dans ce sens permettra également de respecter nos engagements vis-à-vis des deux Directives européennes Oiseaux et Habitats.

    Voici donc les trois axes de travail qui me semblent les plus importants :
    - La mise en œuvre complète et effective du réseau Natura 2000 est certainement un moyen prioritaire. La désignation des sites n'est que la première étape. Leur caractérisation est tout aussi fondamentale.
    - Continuer les actions de conservation de la nature en dehors de ces sites (puisque même certaines espèces que nous côtoyons fréquemment comme les moineaux ou les hirondelles sont aujourd'hui en net déclin). Ainsi, il faudra continuer à développer les initiatives telles que les PCDN, le fauchage tardif des bords de route, Combles et Clochers, biodiversité en forêt…
    - Enfin, une meilleure sensibilisation et communication autour des concepts de nature et de biodiversité est certainement primordiale, afin d'éviter les destructions irréfléchies.

    Des données actualisées sur l'état de la biodiversité et de l'avifaune en particulier sont disponibles dans le Tableau de Bord de l'Environnement, consultable sur Internet (http://environnement.wallonie.be/eew).