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La prévention des chocs anaphylactiques

  • Session : 2014-2015
  • Année : 2015
  • N° : 533 (2014-2015) 1

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  • Question écrite du 19/05/2015
    • de TROTTA Graziana
    • à PREVOT Maxime, Ministre des Travaux publics, de la Santé, de l'Action sociale et du Patrimoine

    Le choc anaphylactique consiste en une réaction allergique exacerbée qui peut s'avérer très grave. Il peut s'accompagner d'une chute de la pression artérielle, d'une accélération du rythme cardiaque et, dans les cas les plus graves, il peut conduire au coma et même au décès par arrêt circulatoire ou asphyxie suite à un spasme bronchique.

    Les symptômes peuvent être divers, dont des signes cutanés, respiratoires ou digestifs par exemple.

    En cas de choc anaphylactique, il est recommandé d'appeler les services de secours, d'allonger la personne sur le dos avec les jambes surélevées (ou si elle est inconsciente la placer en position latérale de sécurité), d'administrer de l'adrénaline par voie intramusculaire et d'attendre les secours auprès de la victime.

    Selon les données médicoscientifiques, le geste d’urgence du choc anaphylactique est l’injection précoce d’adrénaline, car celle-ci est indiscutablement le traitement de choix à la suite d'un choc.

    Le délai d’administration de l’adrénaline conditionne le pronostic, autrement dit « l’incidence des complications et la mortalité augmentent proportionnellement avec le retard d’utilisation de l’adrénaline »(F. Rancé/Revue française d'allergologie et d'immunologie clinique 44 (2004) 336-341).

    S'ils ne sont pas les seules sources des anaphylaxies, de nombreux aliments sont impliqués dans les chocs anaphylactiques. Et « les leçons du passé issues des réactions fatales précisent que la majorité des réactions anaphylactiques surviennent au restaurant et à l’extérieur du domicile et chez des patients qui n’ont pas à leur disposition d’adrénaline »(Idem).

    Depuis décembre 2014, une nouvelle réglementation européenne sur les denrées alimentaires, le règlement INCO (Information du Consommateur) est entré en application. Une partie importante de cette réglementation concerne la déclaration des allergènes, et le secteur de la restauration hors foyer doit fournir l’information sur 14 allergènes présents dans les denrées alimentaires proposées aux consommateurs.

    Cette mesure, qui vise à renforcer la protection des consommateurs, sera surtout utile aux personnes qui savent qu'elles sont allergiques à l'un ou l'autre de ces 14 allergènes. Malheureusement les allergies évoluent (elles peuvent apparaître tout au long de la vie) et beaucoup d'allergiques s'ignorent jusqu'au jour où ils font une réaction potentiellement grave.

    D'autres mesures doivent par conséquent venir compléter la législation sur l'information de la présence d'allergènes dans les aliments.

    La prévention des chocs anaphylactiques peut par exemple passer par l'obligation, pour le secteur de la restauration, de disposer d'auto-injecteurs d'adrénaline. Cela permettrait une réaction rapide à un choc et par conséquent de réduire le risque de complications. Et cela à un coût raisonnable puisqu'un auto-injecteur coûte seulement quelques dizaines d'euros.

    Ainsi, par exemple, au Québec une chaîne de restaurants (« La cage aux sports ») a été la première à donner accès à des auto-injecteurs dans l’ensemble de son réseau. Au Québec la législation prévoit qu’en l’absence de premier répondant, toute personne peut administrer de l’épinéphrine (l'autre nom de l'adrénaline) à l’aide d’un dispositif auto-injecteur à une personne présentant les symptômes d’un choc anaphylactique dû à une réaction allergique grave.

    Il conviendrait également d'informer la population sur les modalités d'utilisation de l'adrénaline, somme toute très simple en auto-injection, à l'instar de l'information sur l’utilisation des DEA (défibrillateurs externes automatiques).

    Que pense Monsieur le Ministre de ces propositions ?

    La prévention en matière de santé relevant en partie de votre champ de compétences, comptez-vous prendre des mesures destinées à renforcer la prévention des chocs anaphylactiques ?

    Monsieur le Ministre compte-t-il, par exemple, proposer, en conférence interministérielle, d'instaurer une obligation pour le secteur de la restauration hors foyer de disposer d'auto-injecteurs d'adrénaline ?
  • Réponse du 04/06/2015
    • de PREVOT Maxime

    Les réactions allergiques sévères (comme le choc anaphylactique) surviennent lorsque le système immunitaire réagit à un allergène ou à un irritant donné.
    Les allergies sont causées par de multiples facteurs. Elles peuvent être déclenchées par certains aliments comme le souligne l'honorable membre, mais également par des médicaments et des piqûres d’insectes.

    Au regard de mes compétences, c’est plus sur l’évitement du risque allergique que sur la prévention du choc lui-même qu’il me paraît possible et utile de travailler. Une sensibilisation accrue du public est sans doute une perspective intéressante afin d’amener chacun à choisir autant que possible les produits les moins allergisants.
    Ainsi, la réglementation européenne à laquelle il est fait référence concernant l’obligation de déclarer les allergènes présents dans les denrées alimentaires est une action importante, dont la mise en application est une compétence fédérale.

    L'honorable membre propose une obligation, pour le secteur de la restauration, de disposer d’auto-injecteurs d’adrénaline comme mesure de prévention des chocs anaphylactiques.
    Bien que cette proposition semble intéressante, je souhaiterais la mettre en regard avec une gestion de la santé publique efficiente.

    Parmi l’ensemble des décès survenus en Wallonie, seulement 4 décès sont attribués à un choc anaphylactique alimentaire en 2012 (soit 0,01 % de décès causés par un choc anaphylactique alimentaire parmi toutes les autres causes décès). Les chiffres sont identiques en 2013. Ces décès se sont tous produits en milieu hospitalier au cours des deux années de référence.

    En Belgique, les services mobiles d’urgence et de réanimation (SMUR) sont assez performants puisque l’intervalle de temps moyen entre le départ et l’arrivée du SMUR sur le lieu d’intervention est en moyenne de 9 minutes (1).

    Une étude canadienne démontre que (là-bas en tout cas) les enfants allergiques aux arachides sont plus exposés chez eux qu’à l’école (2).

    L’administration d’adrénaline est un acte médical qui relève de l’art de guérir. Comme tout médicament, l’adrénaline peut provoquer des effets secondaires comme une accélération du rythme cardiaque, un étourdissement, la pâleur, etc. Il semble peu prudent que tout citoyen dans un restaurant puisse poser un diagnostic et injecter un médicament de sa propre initiative.
    Pour rappel, les auto-injecteurs ne sont disponibles que sur prescription médicale.

    De plus, il ne faudrait pas négliger non plus la gestion logistique des auto-injecteurs et la surveillance des dates de péremption des produits.

    Enfin, je voudrais rappeler le rôle central du médecin dans la prévention, la réduction des risques et la prise en charge d’allergie. En effet, c’est lui qui, au travers de l’anamnèse, pourra dépister les personnes à risque, prescrire la médication ad hoc et conseiller son patient avec l’aide, le cas échéant, d’autres professionnels de la santé (diététicien, infirmier, etc.).



    (1) Service Public Fédéral – Santé publique, Sécurité de la chaîne alimentaire et Environnement : « rapport annuel SMUR ». année 2013
    (2) http://www.ctajournal.com/content/5/1/16