/

L'impact potentiel du Partenariat transatlantique de commerce et d'investissement sur les politiques wallonnes en matière de santé

  • Session : 2014-2015
  • Année : 2015
  • N° : 635 (2014-2015) 1

2 élément(s) trouvé(s).

  • Question écrite du 23/06/2015
    • de SALVI Véronique
    • à PREVOT Maxime, Ministre des Travaux publics, de la Santé, de l'Action sociale et du Patrimoine

    La priorité pour l’Union européenne est de développer un modèle économique qui renforce la capacité de croissance des acteurs économiques européens, axé sur l’innovation, l’efficience énergétique et la relance des investissements.

    C’est dans ce contexte que, depuis près de deux ans, l’Europe négocie un accord de commerce et d’investissement avec les États-Unis, le « TTIP ». En 2013, les pays de l’Union ont mandaté la Commission pour négocier ce traité, et le 15 octobre 2014, le mandat de négociation fut rendu public. Plusieurs cycles de négociations ont eu lieu entre le Gouvernement américain et la Commission européenne, et le «neuvième round » de négociations vient de s'ouvrir …

    L’objectif affiché par les parties prenantes est d’aboutir à un accord avant la fin de l’année 2015 ! Mais voilà, de plus en plus de voix s’élèvent contre ce projet de Traité, notamment au sein de notre Région. Au niveau régional comme au niveau local, un nombre croissant d’autorités publiques redoutent l’entrée en vigueur d’un tel accord. Certaines villes ont déjà voté des motions les déclarant « zones hors TTIP ».

    Le Parlement wallon a quant à lui voté, il y a un mois, la résolution relative au projet de Partenariat transatlantique de commerce et d'investissement entre l'Union européenne et les États-Unis (Doc. 150 (2014-2015) N°s 1 à 5), qui demande au Gouvernement wallon « d’agir auprès du Gouvernement fédéral, et auprès des membres de la délégation belge du Comité des régions afin de soutenir une position visant à suspendre les négociations et de défendre cette position au sein des instances concernées du Conseil de l’Union européenne afin de procéder à une évaluation de l’état d’avancement des négociations, de redéfinir le mandat octroyé à la Commission européenne après un débat au sein du Parlement européen et de fixer les balises claires et respectueuses des valeurs européennes et les objectifs des phases ultérieures de la négociation; ».

    Le Parlement wallon demande également que le Gouvernement wallon agisse auprès du Gouvernement fédéral « afin de continuer à soutenir une position selon laquelle les acquis de l’Union européenne dans des domaines tels que l’environnement, la santé, la protection des consommateurs, la protection des données personnelles, la sécurité sociale, les droits des travailleurs, l’agriculture, le bien-être animal, la sécurité alimentaire et les services publics ne sont pas négociables et de rappeler que les négociations ne peuvent en aucun cas conduire à un abaissement du niveau de ces normes; ».

    L’inquiétude grandit au sein de la population à propos des conséquences qu’un tel Traité pourrait engendrer sur des aspects qui touchent la vie quotidienne de nos concitoyens. Le risque en serait que l’Europe doive s’adapter aux normes des États-Unis et donc abaisser ses standards de protections actuels… Le secteur de la santé est un des secteurs dont les règles pourraient ainsi complètement changer avec le TTIP. J’aurais dès lors souhaité entendre aujourd’hui Monsieur le Ministre, afin qu’il nous fasse part des conséquences que celui-ci pourrait engendrer s’il venait à être conclu en ses termes actuels, au niveau de la politique wallonne de la Santé. En effet, l’inquiétude est que les règles en matière de santé deviennent les mêmes qu'aux USA. Par exemple, on parle de conséquences en matière d’alimentation, et donc d’OGM ou d’utilisation de pesticides ou hormones dans les élevages, en matière de législation sur les produits chimiques REACH, ainsi que sur le clonage. On peut encore parler des substances interdites dans les cosmétiques, etc.

    Enfin, pourrait-on connaître la position de le Ministre, en tant que ministre wallon de la Santé, relativement à ces négociations et à ce potentiel accord transatlantique ?
  • Réponse du 13/07/2015
    • de PREVOT Maxime

    Lors de la « Working Party on public Health at senior Level » organisée par le Conseil de l’Europe, à Bruxelles ce 17 février 2015, la Commission européenne a informé les représentants des pays européens de l’état des travaux sur le « Transatlantic Trade and Investment Partnership », spécifiquement sous l’angle de la santé.

    Les négociations sont lancées depuis 18 mois. Deux cycles de négociation supplémentaires sont programmés dans la perspective d’un éventuel accord.
    On peut de manière générale en retenir une reconnaissance du rôle inaliénable de régulateur de l’autorité publique, un renforcement des accords réglementaires avec les USA et une reconnaissance mutuelle des inspections, avec pour objectif général le refus de toute mesure discriminatoire entre l’Europe et les USA.

    Deux sujets ont de larges implications en matière de santé :
    - le premier concerne les services publics : la position de l’UE n’est pas de prendre des engagements dans le sens de la libéralisation des services au public. Certains services, par leur nature, visent l’intérêt général public. Et à tout moment, des services doivent pouvoir être ramenés dans cette optique d’intérêt général : c’est un droit inaliénable des États. Selon la Commission européenne, cela ne constitue pas un risque dans le cadre de ces négociations commerciales avec les États-Unis ;
    - le deuxième sujet ayant de larges implications concerne le règlement des litiges entre États et investisseurs. Sur la question des investissements, une consultation publique a été lancée et est terminée. Il y aura une position européenne claire. La non-discrimination ne peut être envisagée comme une infraction menant à des poursuites en ce qui concerne les investissements si ces derniers visent des intérêts d’ordre public. Il convient fondamentalement de protéger les citoyens en matière de santé publique.

    Quelques éléments que je souhaite encore mettre en avant.

    En matière de cosmétique, le défi est de mettre des restrictions plus fortes quand il s’agit de produits non soumis à prescription aux USA, de réglementer la cosmétique au même titre que le pharmaceutique et de prévoir des délais d’approbation.

    De manière plus précise, concernant les dispositifs médicaux : il s’agit de faciliter une plus grande reconnaissance mutuelle des audits effectués. L’UE est plutôt en position d’observateur de ces programmes d’audit.

    En matière d’industrie pharmaceutique, il existe déjà une coopération étendue entre UE et USA, mais c’est l’occasion de l’approfondir dans certains domaines bien identifiés comme la reconnaissance mutuelle des bonnes pratiques de vérification – ce serait une première d’avoir un accord sur ce point-là.

    En matière d’Accord sur l’application des mesures sanitaires et phytosanitaires (l’accord SPS Phytosanitaire), il y a plus de points controversés, mais la dynamique est relancée. Ce sujet est très sensible et il faut obtenir la prise en compte des intérêts européens (ex. : OGM, poulets au chlore, etc.).

    Même si je suis convaincu par le bien-fondé de la liberté des échanges, je pense que certaines questions n’ont toujours pas été posées correctement : les États membres sont une et une seule entité, l’Europe toujours pas.

    La monnaie américaine reste la monnaie de référence. Réfléchir à un panier de références est certainement nécessaire dans le cadre des négociations du TTIP.
    Quelle place l’Asie et en particulier la Chine et l’Inde vont-elles avoir dans la suite ?

    Il est donc nécessaire de prendre le temps de la réflexion et, au-delà des craintes, de n’accepter d’aboutir que dans la mesure où les avancées permettent de sauvegarder des équilibres réels entre les populations concernées.