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La rédaction d'un Code wallon des marchés publics

  • Session : 2014-2015
  • Année : 2015
  • N° : 175 (2014-2015) 1

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  • Question écrite du 23/06/2015
    • de STOFFELS Edmund
    • à LACROIX Christophe, Ministre du Budget, de la Fonction publique et de la Simplification administrative

    Je voudrais aborder avec Monsieur le Ministre une thématique importante pour la Wallonie dont le tissu économique est représenté par près de 95 % de PME.

    La Wallonie ne devrait-elle pas se doter de son propre "code" des marchés publics?

    En effet, il se fait que les grosses sociétés comme les petites entreprises sont toutes deux soumises aux mêmes conditions, aux mêmes clauses, en ce qui concerne l'accès aux marchés publics. Cela revient à défavoriser, léser les entreprises qui jouent le jeu, qui embauchent de la main-d'oeuvre locale, et qui, par conséquent, sont plus chères et loupent des marchés publics, incapables de lutter contre les plus grosses entreprises qui dominent le marché et/ou celles qui embauchent des ouvriers à prix écrasés.

    Nous ne devons pas attendre l'Europe pour agir, sans quoi cela risque de prendre encore des années.

    Pourquoi ne pas donner à la Wallonie sa propre codification des marchés publics?

    Sommes-nous compétents pour fixer nos propres règles en matière de marché public ? Comment intégrer des clauses éthiques, environnementales et sociales, protégeant les PME contre la concurrence déloyale pratiquée sur base du dumping social légal (détachement) et illégal (travail en noir) ? Devons-nous agir de concert avec les autres Régions de Belgique ? Ou peut-on faire cavalier seul ? Quelles sont les chances d'aboutir à des réformes de la règle du détachement sur le plan européen ? Peut-on être optimistes ?
  • Réponse du 10/07/2015
    • de LACROIX Christophe

    La réglementation sur les marchés publics est une compétence fédérale. La législation actuelle relève ainsi d’une loi fédérale (loi du 15 juin 2006). Cette loi et ses arrêtés royaux sont le résultat de la transposition des directives européennes de 2004.

    La Chancellerie du Premier Ministre œuvre actuellement à la transposition des nouvelles directives adoptées en 2014 par l’Union européenne. Ces directives doivent impérativement être transposées en droit interne belge pour le mois d’avril 2016.

    Cette transposition est obligatoire pour les marchés dont les montants atteignent les seuils européens (5.186.000 euros pour les travaux et 207.000 euros pour les fournitures et les services) et il appartient aux États membres d’assurer cette transposition, ce qui explique l’intervention des services du Premier Ministre.

    Pour les marchés n’atteignant pas les seuils européens, si les règles peuvent différer de celles prévues par les Directives européennes, il n’en reste pas moins que le caractère fédéral de la matière demeure du moins pour ce qui concerne les règles générales.

    Il est ainsi établi que pour les règles concernant les marchés en dessous des seuils de publicité européenne, l’ensemble des États membres de l’Union européenne doit en tout cas disposer d’une règlementation respectant les principes généraux de concurrence, de non-discrimination, d’égalité des soumissionnaires et de transparence.

    Ce caractère fédéral, en toute hypothèse pour ce qui relève des règles générales, est clairement exprimé dans la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles (l’article 6 §1er, VI, alinéa 4, 1°).

    La section de législation du Conseil d’État a d’ailleurs rappelé ce principe de répartition de compétences en matière de marchés publics, notamment à l’occasion de la rédaction de la loi du 15 juin 2006, qui régit actuellement cette matière.

    Dès lors, l’on peut considérer a priori que l’idée même d’un Code wallon des marchés publics – recueil censé contenir un ensemble de règles destinées à régir une matière dans tous ses aspects, principes de passation et d’exécution – risque de poser un problème au niveau de la répartition des compétences. En outre, la rédaction d’un tel code aurait pu être de nature à contraindre une PME wallonne désireuse d’accéder aux marchés publics sur le territoire de la Belgique d’être en capacité de maîtriser la législation fédérale au-dessus et en dessous des seuils ainsi que chaque législation communautaire et régionale sous les seuils. Il n’est pas certain que ce cas de figure soit bénéfique pour les entreprises wallonnes.

    Pour ce qui est de l’idée de mobiliser d’autres Régions européennes afin d’améliorer les chances des PME et TPE d’obtenir des marchés publics, ce thème pourrait être mis à l’ordre du jour de l’assemblée des régions d’Europe puisque ce réseau vise à influencer, à la source, les décideurs européens et nationaux à prendre en compte les intérêts régionaux.

    J’attire toutefois l'attention sur le fait qu’à l’instar des autres régions de Belgique, la Région wallonne participe au travail de transposition des nouvelles directives européennes en matière de marchés publics lors des réunions de la Commission fédérale des marchés publics et influence donc déjà, la Chancellerie du Premier Ministre dans ses choix de transposition.

    Dans ce cadre, l’objectif des membres représentant le Gouvernement wallon au sein de la Commission fédérale des marchés publics est déjà de veiller à la mise au point de textes permettant un meilleur accès aux marchés publics pour les PME et TPE.

    À cet égard, je peux préciser que l’accès à la procédure négociée sera élargi et que l’accent est mis sur la vérification des prix anormaux souvent vecteurs de dumping social. Le travail porte également sur la simplification et à tout le moins la lisibilité des règles, ce qui devrait faciliter le travail des entrepreneurs et sociétés souhaitant déposer une offre.

    D’autres avancées en la matière ont été introduites. Je les mentionne d’ailleurs dans la réponse formulée voici quelques semaines à M. Bruno LEFEBVRE, Député wallon.

    J'informe par ailleurs de la mise sur pied au niveau wallon d’un groupe de travail interministériel, assisté d’un avocat spécialisé en matière de marchés publics, qui a pour objectif de porter des projets de textes devant la Commission fédérale des marchés publics visant à soutenir l’action des PME wallonnes.

    En outre, je rappelle que le Gouvernement a décidé de tout mettre en œuvre pour augmenter la participation des PME et TPE aux marchés publics. Cette action est inscrite dans le Plan Marshall 4.0 et dans le Small Business Act 2015-2019 qui viennent tous deux d’être adoptés par le Gouvernement. À ce sujet, j'invite l'honorable membre à interroger mon collègue en charge de l’Économie ainsi que le Ministre-Président qui pourront lui en dire davantage.

    Plus haut dans ma réponse, j'indiquais que les règles générales en matière de marchés publics relevaient du champ fédéral. Il n’en reste pas moins que les régions ont la possibilité de fixer des règles complémentaires dans le cadre de leurs compétences respectives pour autant que ces règles complémentaires ne dérogent pas aux règles générales.

    C’est clairement dans ce cadre que notre Gouvernement a la volonté de promouvoir et de généraliser la pratique des marchés publics durables.

    Pour y parvenir, il a confié au Service public de Wallonie le développement d’outils pour aider les pouvoirs adjudicateurs régionaux et locaux à insérer des clauses environnementales, sociales et éthiques dans leurs marchés. C’est ainsi que des formations, un service d’assistance à la rédaction des cahiers des charges, un réseau d’acheteurs, des manuels tels qu’une note de cadrage juridique,… sont dès à présent accessibles via le portail des marchés publics. Des extraits de cahiers des charges contenant des clauses types sont par ailleurs en cours de développement.

    Si l’insertion de telles clauses ne permet pas de lutter directement contre le dumping social, elles peuvent y contribuer.

    Elles permettent notamment aux pouvoirs adjudicateurs de privilégier les offres à haute performance environnementale plutôt que les offres les moins chères, ou d’exiger certains engagements de nature sociale. Les entreprises qui fournissent des services de qualité, mais ne recourent pas à la main-d’œuvre détachée restent donc compétitives.

    D’autres mesures doivent cependant être prises pour lutter contre le dumping social.

    Un exemple de solution serait de mentionner les manquements en matière de droit social ou du travail dans l’attestation de bonne fin des travaux qui pourrait ensuite alimenter une base de données accessible à tous les pouvoirs adjudicateurs wallons. En effet, le projet de nouvelle loi sur les marchés publics prévoit expressément la possibilité d’exclure des marchés, les entreprises adjudicataires ou les sociétés sous-traitantes qui auraient manqué à leurs obligations en ces matières. La mise en place d’une telle base de données permettrait d’utiliser adéquatement les possibilités que s’apprête à nous offre le législateur (la loi en projet).

    Le Gouvernement wallon est tout à fait conscient de la problématique du dumping social et réfléchit à des propositions de solutions.

    En matière de réforme de la directive du détachement au niveau européen, la directive initiale datant de 1996 contient de nombreuses lacunes. Elle permet en effet aux travailleurs détachés temporairement de payer leurs cotisations sociales dans leur pays d’origine, ce qui rend cette main d’œuvre injustement concurrentielle. Une directive interprétative à la directive détachement initiale a été adoptée le 14 mai 2014 (directive 2014/67/UE). Celle-ci doit être transposée en droit belge pour le 18 juin 2016. Elle permettra d’améliorer certains aspects liés à l’exécution de la directive détachement, notamment concernant l’information et la coopération entre les services d’inspections des États membres. Elle ne résoudra cependant pas totalement les causes du dumping social.

    Une refonte totale de la directive initiale n’est pas à l’ordre du jour au niveau européen d’autant que de nombreux États membres, en particulier les pays entrés dans l’Union européenne depuis 2004, bénéficient de ce que nous appelons « les lacunes de cette directive ».

    Toutefois, un effort peut être réalisé au niveau des contrôles via les services d’inspection sociale sur le terrain au niveau de la vérification du respect des conditions des déclarations LIMOSA obligatoires pour tout étranger venant travailler en Belgique.

    Il est évident qu’un nombre de contrôles accrus sur le terrain aurait un effet dissuasif sur les contrevenants potentiels. Les inspecteurs sociaux chargés du contrôle des marchés publics pour le SPW sont à l’heure actuelle au nombre de deux. Le recrutement de nouveaux inspecteurs sociaux est effectivement à encourager en Wallonie pour autant que leur travail fasse l’objet d’une réflexion approfondie en termes de définition de stratégie et de coordination avec les autres agents du SPW chargés de missions d’inspection. Plus de contrôle permettra, de  facto, d’identifier plus d’entreprises employant de la main-d’œuvre illégale.

    En tout état de cause, la situation pourra sans doute s’améliorer lorsque la convention entre le SPW et le SPF emploi - particulièrement le Service d’information et de recherche sociale (SIRS) mis en place au niveau fédéral pour lutter contre la fraude sociale - sera entérinée par les deux parties.

    Sur la question relative à la carte d’identité sociale européenne, il est à noter que la réponse relève de la compétence fédérale. Le document actuellement existant est la Carte Européenne d’Assurance Maladie (CEAM) que le travailleur détaché, n’ayant pas transféré son domicile dans le pays d’accueil/de travail, doit retirer auprès de sa mutualité locale (pays d’origine) et qui présente les caractéristiques suivantes :
    * la CEAM ouvre uniquement un droit au remboursement des soins de santé durant la période de détachement et est un document individuel ;
    * la CEAM a une date d’expiration – en cas de dépassement de la date de validité mentionnée sur la carte, il suffit que le travailleur détaché demande une nouvelle CEAM à la mutualité du pays d’origine avant l’expiration de la carte.

    Cette CEAM prouve donc la couverture sociale du travailleur détaché dans son pays d’origine, mais ne constitue pas un document probant garantissant que durant la période de détachement, son employeur/utilisateur respectera les conditions de travail des travailleurs détachés en terme d’horaire de travail, de salaire net et conditions générales de travail réputées alignées, durant toute la durée du détachement, sur les conditions de travail reconnues aux travailleurs sous contrat de travail auprès d’employeurs du pays d’accueil.

    L’enregistrement électronique des travailleurs (actuellement obligatoire pour les marchés de travaux supérieurs à 800.000 euros) pour tous les marchés de travaux pourrait également être une piste à suivre.

    Enfin, sur la question soulevée au droit des subsides, il est à noter que ceux-ci pourraient en effet être conditionnés au respect des obligations sociales par les entreprises subsidiées, mais cela impliquerait de modifier en ce sens nombre de textes légaux (décret et arrêté du Gouvernement wallon d’exécution) en la matière.