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La contamination des fruits et légumes par des pesticides

  • Session : 2014-2015
  • Année : 2015
  • N° : 285 (2014-2015) 1

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  • Question écrite du 23/06/2015
    • de TROTTA Graziana
    • à COLLIN René, Ministre de l'Agriculture, de la Nature, de la Ruralité, du Tourisme et des Infrastructures sportives, délégué à la Représentation à la Grande Région

    Dans un récent rapport, Greenpeace fait état d'importantes concentrations de pesticides dans des échantillons prélevés dans le sol et l'eau de vergers de douze pays européens, en pointant particulièrement les productions de pommes. Avec la France et l'Italie, la Belgique fait partie des pays où le nombre de pesticides détectés dans les sols est le plus élevé.

    L'organisation dénonce ce « cocktail de pesticides » qui montre « la réalité de l'usage vraiment important, systématique et multiproduit des pesticides dans la production agricole conventionnelle ».

    Cette problématique n'est pas neuve, mais elle tend à perdurer. En 2008, la Commission européenne pointait déjà le fait que la moitié des fruits, légumes et céréales vendus dans l'UE contiennent des pesticides, soit le plus haut niveau de contamination enregistré au niveau européen jamais enregistré, alors en augmentation de près de 20 % en 5 ans.

    L'institution européenne indiquait que près de 4,7 % de fruits, légumes et céréales (8,6 % en Belgique) contenaient des concentrations en pesticides au-delà des limites maximales légales, et que 23 substances relevées à des niveaux importants représentaient un risque aigu pour la santé publique selon les calculs de risque européens.

    Ces indications sont très interpellantes, car, comme l'indique Greenpeace, c'est notamment l'effet cocktail, autrement dit l'effet de synergie des substances toxiques, qui est inquiétant.

    En 2013, l'Institut national français de la recherche agronomique (INRA) a démontré expérimentalement pour la première fois, via un test de génotoxicité, cet effet cocktail pour un mélange de cinq pesticides trouvés dans l’alimentation humaine. Selon l'Institut « cela signifie qu’en mélange, ces molécules sont plus toxiques que prises séparément ».

    Lorsque des molécules révèlent une toxicité et un effet cocktail, celles-ci ne devraient plus être autorisées. Si l’autorisation des produits phytopharmaceutiques, adjuvants et biocides est une compétence fédérale, et que le contrôle de la mise sur le marché et de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques est effectué par l’AFSCA, une concertation avec le Fédéral devrait avoir lieu sur cet enjeu de santé publique.

    Dans son champ de compétences, Monsieur le Ministre compte-t-il prendre de nouvelles mesures pour contribuer à la réduction de l'utilisation des pesticides en agriculture et en horticulture et en particulier pour la production de fruits, légumes et céréales ? Dans l'affirmative, quelles seront ces mesures ?

    Comment le secteur agricole et horticole est-il sensibilisé à cette problématique et incité à produire sans pesticides, ou à tout le moins avec moins de pesticides ?

    Une discussion avec le secteur de la grande distribution pour les inciter à proposer dans leurs rayons des produits peu ou pas contaminés est-elle à l'ordre du jour ?
  • Réponse du 03/07/2015
    • de COLLIN René

    L’Union européenne a adopté en 2009 la Directive 2009/128/CE définissant un cadre communautaire pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable. Un des volets de cette directive est la réalisation, dans chaque État membre, d’un plan d’action national baptisé en Belgique, le NAPAN (Nationaal Actieplan – Plan d’Action National). Le Programme wallon de réduction des pesticides (PWRP) constitue la partie wallonne de ce plan.

    L’objectif principal de la Directive 2009/128/CE est de parvenir à une utilisation des pesticides qui soit compatible avec le développement durable en réduisant les risques et les effets des pesticides sur la santé humaine et sur l’environnement. Elle vise aussi à encourager le recours à la lutte intégrée contre les ennemis des cultures et à des méthodes ou techniques de substitution, telles que les moyens non chimiques alternatifs aux pesticides.

    L’article 14 de la directive prévoit la mise en œuvre de la lutte intégrée contre les ennemis des cultures à partir du 1er janvier 2014. C’est ce qu’on appelle « Integrated Pest Management », en abrégé l’IPM. Les États membres doivent promouvoir la lutte intégrée et veiller à ce que les utilisateurs professionnels aient à leur disposition l’information, des outils de surveillance ainsi que des services de conseil qui leur permettent la mise en œuvre de celle-ci.

    Les producteurs sont en cela aidés et suivis par les Centres pilotes agréés, qui développent et vulgarisent par secteur de production des techniques plus respectueuses de l’environnement (entre autres). Onze centres pilotes sont actuellement agréés en Wallonie. La plupart des centres pilotes horticoles et agricoles fournissent des avertissements aux producteurs. Ces alertes se basent sur des modèles scientifiques de développement des maladies et ravageurs et sur les conditions météorologiques afin de calculer un indice de risque de développement de la maladie. Grâce à ces alertes, il est possible de réduire le nombre de traitements et de ne pulvériser que quand cela s’avère vraiment nécessaire. Les centres pilotes incitent et encadrent également les horticulteurs et agriculteurs dans la mise en œuvre d’alternatives à l’utilisation de produits chimiques : utilisation de moyens de lutte biologique ou méthode biotechnologique (confusion sexuelle, virus de la granulose, …), introduction de variétés tolérantes aux maladies, …

    Dans le cadre de la lutte intégrée, les utilisateurs de produits phytosanitaires sont également incités à mettre en œuvre huit principes généraux de lutte intégrée développés par la directive 2009/128/CE.

    Par ailleurs, pour évoluer vers une production sans pesticides, la Wallonie soutient également le développement de l’agriculture biologique. Elle s’est dotée pour cela d’un plan stratégique à l’horizon 2020, qui permet l’octroi d’un soutien financier important à l’ASBL « Biowallonie » chargée d’encadrer les agriculteurs biologiques, et au Centre wallon de Recherches agronomiques qui est quant à lui chargé de développer un programme de recherche en matière d’agriculture biologique, en liaison étroite avec les agriculteurs, pour apporter des réponses techniques à leurs besoins concrets.

    En ce qui concerne l’impact des cocktails de substances actives sur la santé publique, c’est là clairement une responsabilité de la Ministre fédérale de la Santé publique et de son administration d’étudier avec attention les évolutions scientifiques et de prendre toute mesure utile pour appliquer le principe de précaution dès lors que des évidences scientifiques remettraient en question les autorisations de mise sur le marché en vigueur.