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L'arrêté du Gouvernement wallon du 30 avril 2015 et son impact sur l'intégration des personnes handicapées

  • Session : 2014-2015
  • Année : 2015
  • N° : 673 (2014-2015) 1

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  • Question écrite du 03/07/2015
    • de LUPERTO Jean-Charles
    • à PREVOT Maxime, Ministre des Travaux publics, de la Santé, de l'Action sociale et du Patrimoine

    Le 30 avril dernier, le Gouvernement adoptait l'arrêté modifiant certaines dispositions du Code réglementaire wallon de l'Action sociale et de la Santé afin de garantir la viabilité de l'offre de services de l'Agence wallonne pour l'intégration des personnes handicapées. Cet arrêté a pour finalité de garantir la viabilité de l'offre des services de l'Agence.

    La modification de l'article 1116 concernant les primes de compensation pour un travailleur présentant un handicap, passe de 50 % à 45 % à partir du 1er janvier 2015, ce qui induit un effet rétroactif dont les impacts risquent fort de bouleverser l'action des acteurs de terrain.

    Certains employeurs avaient déjà perçu une intervention au premier trimestre pour l'engagement de travailleurs répondant aux conditions, ce qui nécessitera que la Région récupère les sommes indues. Cette rétroactivité ne risque-t-elle pas d'alourdir la charge de travail de l'AWIPH et de l'administration qui devraient notifier les décisions de révision à tous les employeurs concernés ?

    Je m'étonne par ailleurs du choix opéré puisque, dans la DPR, le Gouvernement s'est engagé à encourager et renforcer le travail des personnes souffrant d'un handicap. La réduction de l'intervention en faveur des entreprises qui engagent une personne ne risque-t-elle pas de provoquer l'effet inverse ? Ne doit-on pas craindre que certains employeurs profitent de cette aubaine pour se séparer de travailleurs fragiles ?

    Dans l'affirmative, nous risquerions alors de placer, à terme, ces travailleurs sur un marché du travail qui rencontre d'ores et déjà des difficultés à les intégrer, pour les confronter par voie de conséquence à un système de chômage qui aura vite fait de les exclure, vu leurs difficultés à trouver un emploi adapté.

    L'arrêté prévoit également que les articles 1142 et 1145 seront modifiés comme suit :

    - suppression de l'intervention possible pour l'aide d'une tierce personne en transport en commun ;
    - diminution drastique de l'intervention pour le transport individuel, passant de 0,3498 euro/km à 0,15 euro/km :
    - intervention pour l'utilisation d'un taxi par le travailleur handicapé qui devra intervenir pour moitié alors qu'il n'est déjà pas très riche, nous pouvons en convenir aisément.

    Dans le détail, les mesures évoquées à l'article 1142 risquent de toucher dix familles tandis que la modification de l'article 1145 risque de frapper pas moins de 800 travailleurs dont le statut de travailleurs précaires risque fort de passer vers une absence d'activité. Monsieur le Ministre confirme-t-il ces chiffres ?

    Monsieur le Ministre a-t-il bien pris la mesure de l'arrêté proposé ? Son attention a-t-elle été attirée sur les suites qui risquent de frapper, si on l'applique, des travailleurs et familles déjà fragilisées ? D'autres mesures peuvent-elles être envisagées par vos services pour compenser les effets susmentionnés et assurer l'employabilité des travailleurs concernés ?
  • Réponse du 20/07/2015
    • de PREVOT Maxime

    Le Gouvernement précédent avait déjà été amené fin 2013 à prendre une mesure structurelle réduisant l'importance des aides octroyées aux entreprises qui emploient des travailleurs handicapés, en l'occurrence l'abandon de la prise en compte des doubles pécules de vacances dans l'assiette de la masse salariale sur laquelle portent la prime à l'intégration et la prime de compensation. Comme le souligne l'honorable membre, j'ai pour ma part été amené à prendre de nouvelles mesures en ce début d'année, notamment en réduisant le pourcentage maximum d'intervention qui peut être accordé dans le cadre de la prime de compensation.

    Il faut cependant savoir que le nombre de primes accordées a significativement augmenté. Il est ainsi passé de 3.494 au 31 décembre 2012 à 3.964 au 31 décembre 2014, soit une augmentation de plus de 13 %. Cela signifie que nous avons réduit l'importance de l'augmentation, mais que le budget alloué aux primes de compensation reste en augmentation. L'honorable membre imagine aisément que les besoins financiers pour l'intégration des personnes handicapées dans notre société sont immenses, et pas seulement en matière d'emploi.

    Sachant que le taux d'emploi des personnes handicapées est en Wallonie un des plus bas d'Europe (35.4 % contre 47.3 % en 2011 pour l'ensemble des pays qui participent à l'enquête sur les forces de travail coordonnée par Eurostat), on devrait en principe se réjouir du succès croissant des aides à l'emploi destinées à soutenir l'emploi des travailleurs handicapés, et espérer qu'elles conduisent à une augmentation du taux d'emploi. Malheureusement, l'état des finances wallonnes ne permettait pas de poursuivre dans cette voie et j'ai voulu permettre la poursuite de l'augmentation du nombre d'interventions tout en limitant le coût pour la collectivité qu'elle implique, en réduisant l'importance des aides accordées.

    Cette diminution du pourcentage d’intervention pour une partie des interventions en cours a bien entendu dû faire l’objet d’une notification aux employeurs concernés par l’administration, ce qui a effectivement ponctuellement alourdi sa charge de travail.

    Il me semble néanmoins que ce n’est pas sur la charge de travail de l’AWIPH qu’il faut voir le risque d’impact le plus négatif. Je mentirais si j'assurais que j'ai tous mes apaisements concernant les effets que pourrait avoir cette mesure sur les travailleurs handicapés et leurs employeurs. Dans l’immédiat, je veux néanmoins croire que tous les acteurs de l'emploi des personnes handicapées – les professionnels de l'Agence et de ses nombreux services partenaires, mais surtout bien entendu les employeurs – garderont le cap et poursuivront leurs efforts, valorisant ainsi le vivier de compétences que les travailleurs handicapés mettent à disposition de l'économie wallonne.

    Concernant la modification de l’intervention dans les frais de déplacement du domicile au lieu de travail, je me dois de préciser que la suppression de l’intervention pour accompagnement dans les transports en commun n’aura touché qu’un seul travailleur. Il s’agissait là d’une mesure quelque peu obsolète, ce qu’on peut regretter, mais qu’il faut bien constater.

    La modification des règles de calcul de l’intervention pour les quelque 800 travailleurs qui utilisent leur véhicule personnel ou sont véhiculés par un tiers représente certes une diminution des ressources pour ces personnes, mais il faut reconnaitre que le régime précédent était particulièrement généreux, puisque les travailleurs étaient remboursés intégralement de leurs frais. L’Administration de l’AWIPH avait d’ailleurs proposé dès 2002 de modifier ces modalités d’interventions issues de la réforme de 1998. Cela n’avait pas été fait jusqu’ici. On en revient donc grosso modo au niveau d’intervention qui prévalait avant 1998, en profitant au passage pour inclure une simplification administrative significative, puisque les interventions des employeurs et le coût de l’abonnement en transport en commun pour la même distance étaient jusqu’ici déduits de l’intervention (ce qui, notons-le au passage, neutralisait l’intervention des employeurs), mais ne le seront plus. Notons que de manière certes marginale, il y a des travailleurs qui verront l’intervention augmenter du fait de l’abandon des déductions dont je viens de parler. Rappelons aussi que par le biais d’une déclaration de leurs frais professionnels réels au niveau fiscal, pas mal des travailleurs concernés pourront limiter la diminution de leurs revenus.

    La mobilité des travailleurs nécessitera une réflexion et une action plus globale, afin de garantir aux travailleurs handicapés un soutien adéquat.