/

Recours en justice en matière de respect des normes par les entreprises wallonnes.

  • Session : 2004-2005
  • Année : 2004
  • N° : 38 (2004-2005) 1

2 élément(s) trouvé(s).

  • Question écrite du 15/12/2004
    • de BERTOUILLE Chantal
    • à ANTOINE André, Ministre du Logement, des Transports et du Développement territorial


    Aujourd'hui, les entreprises ne bénéficient plus d'un blanc-seing leur permettant de tout faire au détriment de la santé des riverains et de l'environnement. Les règles édictées en la matière sont des plus strictes au travers, notamment, d'un permis unique.

    En cas de non-respect, des sanctions peuvent être adoptées par l'autorité communale, sanctions allant jusqu'à la fermeture de l'entreprise.

    Monsieur le Ministre peut-il me rappeler quels sont les moyens mis à la disposition des autorités locales, des autorités régionales et des riverains en vue de faire respecter les normes environnementales ? Quelles sont les sanctions qui peuvent être adoptées ?

    Il semblerait que ces sanctions soient difficilement applicables sur le terrain. Des recours en justice seraient bien souvent introduits contre les décisions des administrations et,pour la plupart du temps, la justice donne raison à l'entreprise au nom, notamment, de la protection de l'emploi.

    Quels sont les moyens mis à la disposition des autorités dans ces cas-là ? Sur l'ensemble des décisions prises en matière de non-respect des normes environnementales par les entreprises, combien ont fait l'objet d'un recours en justice ? Quel est le pourcentage de ces décisions ayant donné satisfaction aux administrations et celui ayant donné satisfaction aux entreprises ?
  • Réponse du 07/01/2005
    • de ANTOINE André

    1. Les moyens mis à la disposition des autorités locales et des autorités régionales en vue de faire respecter les normes environnementales sont essentiellement ceux prévus par le décret du 11 mars 1999 relatif au permis d'environnement. Par rapport à la question posée, les dispositions les plus importantes du décret sont les suivantes.

    1.1. Les instances habilitées à surveiller l'exécution du décret et de ses arrêtés d'exécution sont le bourgmestre et les fonctionnaires et agents désignés à cette fin par le Gouvernement. Cette mission de surveillance est exercée « sans préjudice des devoirs incombant aux officiers de police judiciaire » (article 61, § 1er).

    Ces « fonctionnaires et agents » avaient été désignés par arrêté du 23 décembre 1992 : il s'agit des agents de la Division de la police de l'environnement. Cette division fait partie de la Direction générale des ressources naturelles et de l'environnement du Ministère de la Région wallonne. A la date de la présente réponse, cette division compte septante inspecteurs. Au départ des directions extérieures de Mons, Charleroi, Namur et Liège, ils instruisent sur plainte des riverains ou d'office les nuisances générées par les établissements régis par le décret relatif au permis d'environnement. Ils surveillent également d'autres décrets environnementaux (décret sur la protection des eaux de surface, décret sur la protection des eaux souterraines, …).

    1.2. Moyens mis à la disposition des agents chargés de la surveillance

    En cas d'infraction (exploitation sans permis d'environnement, non respect d'une ou de plusieurs conditions du permis, …), ils peuvent :

    - donner avertissement ;
    - dresser procès-verbal transmis au Procureur du Roi ;
    - proposer à l'autorité compétente la suspension ou le retrait du permis ;
    - ordonner l'arrêt de l'activité.

    A cette fin, ces agents ont le pouvoir de :

    - pénétrer à toutes heures du jour ou de la nuit en tous lieux lorsqu'ils ont des raisons sérieuses de croire qu'il s'y commet une infraction au décret ;
    - requérir l'assistance de la police locale ou de la police fédérale ;
    - prélever des échantillons ;
    - faire procéder à des analyses ;
    - arrêter les véhicules utilisés pour le transport ;
    - etc.

    2. Outre les sanctions administratives rappelées ci-dessus, les sanctions pénales prévues par le décret sont huit jours à trois ans d'emprisonnement et/ou une amende de 2,5 euros à 25.000 euros. Ces peines peuvent être portées au double du maximum si une nouvelle infraction est commise dans un délai de cinq ans à dater d'une condamnation antérieure.
    Pour certaines infractions mineures à caractère administratif, une amende administrative d'un maximum de 12.500 euros peut être infligée par l'administration après accord du Procureur du Roi.

    3. Les fonctionnaires qui ont en charge la mission de surveillance ne sont pas d'avis que les sanctions sont difficilement applicables sur le terrain. Ils n'ont pas non plus l'impression que la justice donne raison aux entreprises au nom, notamment, de la protection de l'emploi. Des recours en justice sont évidemment introduits contre les décisions des administrations mais les décisions qui sont prises par les cours et tribunaux sont généralement empreintes de l'objectivité requise.

    A cet égard, je dois souligner la collaboration structurée qui s'est développée avec les autorités judiciaires. Ainsi, deux fois par an (en mars et en octobre), depuis le 11 octobre 2001, la Direction générale des ressources naturelles et de l'environnement dans ses différentes composantes (Division de la nature et des forêts, Police de l'environnement, Office wallon des déchets) rencontre les magistrats qui ont en charge les dossiers répressifs environnementaux.

    Chacune des parties fait des propositions pour les points qu'elle souhaite voir figurer à l'ordre du jour. Sont ainsi abordés soit des thèmes de discussion générale (amélioration des contacts entre les intervenants, mesures d'amélioration de la politique criminelle, problématique des dépotoirs à réhabiliter, déontologie, …), soit des thèmes particuliers (présentation de l'éco-diagnostic, enquêtes « lisier », accès aux propriétés privées par les agents, dépôts de pneus, …).

    Ces rencontres ont tout d'abord permis d'établir des contacts fructueux avec le monde judiciaire et ont amélioré la qualité des rapports entre l'administration et les parquets pour la gestion de

    dossiers ponctuels. En effet, la prise de contact direct entre les intervenants améliore la compréhension mutuelle. Ces rencontres ont sensibilisé les magistrats sur les dossiers environnementaux et les ont encouragés à poursuivre les infractions environnementales d'une manière plus systématique. Par les conseils qu'ils fournissent à l'administration, les magistrats ont contribué à l'amélioration de la qualité des procès-verbaux et des dossiers qui leur sont transmis (face à un dossier complet comportant un procès-verbal rédigé conformément aux législations en vigueur, le magistrat est mieux armé pour lancer les poursuites à l'encontre du contrevenant).

    4. Les dernières statistiques qui m'ont été communiquées par les parquets concernent la période comprise entre le 1er janvier 2000 et le 31 décembre 2002. Pendant cette période, 451 procès-verbaux émanant de la Division de la police de l'environnement ont été enregistrés. Pour cette même période, trente-trois jugements ont été prononcés sur la base des constats émanant de cette division.

    Il est impossible de communiquer un pourcentage des décisions « ayant donné satisfaction aux administrations » et un pourcentage des décisions « ayant donné satisfaction aux entreprises ». Les décisions de justice, notamment dans le domaine de l'environnement, ne s'analysent pas en fonction de ces critères trop simples qui ne pourraient qualifier que les rares jugements et arrêts dont le dispositif serait péremptoire. En effet, les décisions sont souvent nuancées et, surtout en cas de première condamnation, les jugements sont assortis de sursis concernant une partie ou la totalité de sanction. En fait, sauf cas exceptionnel (multi récidive de l'exploitant, volonté manifeste d'enfreindre la réglementation environnementale, …), les agents chargés de l'inspection environnementale trouvent surtout leur satisfaction dans la cessation des infractions et dans l'amélioration de la situation environnementale d'une exploitation, plutôt que dans la condamnation plus ou moins lourde d'un contrevenant.

    5. Concernant l'efficacité de l'inspection, je dois mentionner un outil administratif qui se révèle d'une grande efficacité : il s'agit de la collaboration entre la Division de la police de l'environnement et la Direction générale de l'économie et de l'emploi du Ministère de la Région wallonne. Lorsqu'une entreprise sollicite de la Région une aide à l'investissement, l'avis de la police de l'environnement est demandé sur la situation de l'entreprise par rapport à la réglementation environnementale. En fonction de ses observations sur le terrain, la police de l'environnement remet un avis qui est regardé comme contraignant par la Direction générale de l'économie et de l'emploi. En 2003, 513 enquêtes ont été réalisées dans le cadre de cette collaboration ; 276 avis favorables et 237 avis défavorables ont été transmis. Il n'est pas courant qu'un avis soit d'emblée favorable. Les premières observations génèrent souvent un avis défavorable qui se transforme ultérieurement en avis favorable parce que l'exploitant s'est plié aux injonctions de la police de l'environnement et que, de ce fait, celle-ci a observé qu'il a été mis fin à une ou plusieurs situations infractionnelles et que la situation environnementale s'est sensiblement améliorée. Les inspecteurs de la police de l'environnement jugent unanimement que cet outil est de loin le plus efficace dont ils disposent.

    Enfin, et compte tenu que le décret relatif au permis d'environnement confie aussi la mission de surveillance au bourgmestre (voir point 1.1 ci-dessus), la police de l'environnement, en collaboration avec l'ASBL Union des villes et communes de Wallonie, a mis au point un protocole de collaboration qu'elle propose aux communes. Compte tenu de ses effectifs limités et du fait qu'elle n'est pas une police de proximité qui ne peut ni se transporter rapidement sur les lieux d'une nuisance, ni assurer une présence constante sur le terrain, la police de l'environnement propose par ce protocole une répartition des missions de surveillance ainsi qu'un échange structuré d'informations avec les communes. A la date de la présente réponse, 139 communes ont adhéré au protocole de collaboration.