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Les actions de lutte contre la pauvreté

  • Session : 2014-2015
  • Année : 2015
  • N° : 137 (2014-2015) 1

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  • Question écrite du 27/07/2015
    • de DAELE Matthieu
    • à MAGNETTE Paul, Ministre-Président du Gouvernement wallon

    Dans une étude sur les causes et les conséquences des inégalités présentée lundi 15 juin, des économistes du Fonds monétaire international (FMI) établissent que, plus la fortune des riches s’accroît, moins forte est la croissance, contrairement aux tenants de la théorie du «ruissellement» ou « trickle down », selon laquelle les revenus des plus riches contribueraient à la croissance.

    Lorsque la part de gâteau des 20 % les plus aisés augmente de 1 %, le produit intérieur brut (PIB) progresse moins (– 0,08 point) dans les cinq ans qui suivent. Autrement dit, les avantages des plus riches ne ruissellent pas vers le bas, contrairement aux convictions des économistes néolibéraux qui défendirent les politiques de Margaret Thatcher et de Ronald Reagan et les baisses d’impôt pour les hauts et très hauts revenus.

    En revanche, une augmentation de même importance (+ 1 %) de la part des revenus détenue par les 20 % les plus pauvres est associée à une croissance plus forte de 0,38 point. Cette corrélation positive vaut aussi pour la classe moyenne.

    Les auteurs de cette étude tirent de leurs travaux la conclusion générale que les dirigeants politiques doivent faire porter leurs efforts sur les plus pauvres et sur la classe moyenne pour réduire les inégalités et soutenir la croissance. L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) est parvenue à des conclusions similaires. Elle établit que l’augmentation des inégalités entre 1985 et 2005 a coûté en moyenne près de 4,7 points de croissance cumulée dans les pays avancés, moins du fait de l’envolée des revenus des plus riches que du sort réservé aux 40 % les plus défavorisés.

    Comment Monsieur le Ministre-Président compte-t-il porter ses efforts sur les plus pauvres et sur la classe moyenne pour réduire les inégalités et soutenir la croissance ?

    Au mois de février, Monsieur le Ministre-Président nous avait parlé du plan de lutte contre la pauvreté.

    Où en est-on dans la mise en place de ce plan ? A-t-il terminé les consultations du secteur ?

    Quelles sont les conclusions et perspectives pour réduire les inégalités entre les plus riches et les plus pauvres ?
  • Réponse du 17/08/2015
    • de MAGNETTE Paul

    En réponse à la question écrite de l’honorable membre, je préciserai que j’ai également pris connaissance de la récente étude du FMI relative aux conséquences des inégalités de revenus.

    Celle-ci met effectivement en évidence combien la « théorie du ruissellement » ne trouve pas de fondement, une fois confrontée à la réalité économique.

    Pour rappel, il s’agit d’une théorie économique d'inspiration libérale selon laquelle, sauf destruction ou thésaurisation (accumulation de monnaie), les revenus des individus les plus riches sont, in fine, réinjectés dans l'économie, soit par le biais de leur consommation, soit par celui de l'investissement (notamment via l'épargne), contribuant ainsi, directement ou indirectement, à l'activité économique générale et à l'emploi dans le reste de la société. Cette théorie est notamment avancée pour défendre l'idée que les réductions d'impôt y compris pour les hauts revenus ont un effet bénéfique pour l'économie globale. L'image utilisée est celle des cours d'eau qui ne s'accumulent pas au sommet d'une montagne, mais ruissellent vers la base.

    À l’inverse de cette théorie, l’étude du FMI démontre, en mobilisant des données sur une période de trente ans, que donner des avantages aux plus riches afin qu’ils redynamisent l’économie par leurs choix judicieux est un échec.

    À l’inverse, l’étude montre que c’est en misant sur l’augmentation des revenus des 20 % les plus pauvres qu’on génère un effet positif sur la croissance, et ce, tant dans les sociétés en voie de développement que dans les économies avancées.

    De ce point de vue, l’analyse du FMI met en évidence de manière rigoureusement scientifique une réalité qui est d’une criante vérité pour tout observateur de la vie politique et économique mondiale.

    À ce propos, il convient de souligner que ce rapport du FMI s’inscrit dans la lignée d’une série d’études ayant déjà mis ces constats en exergue, dont :

     le rapport de l’OCDE intitulé « In it together.
Why less inequality benefits all » qui invite les responsables politiques à ne pas seulement essayer d’améliorer le sort des plus démunis, mais à viser plus large. Par exemple en mettant en place des politiques qui soutiennent les 40 % des plus pauvres de la société, car ce n’est pas juste en évitant l’indigence qu’on stimule l’économie, mais bien en permettant un enrichissement de la base ;

     le livre de Joseph Stiglitz « Le prix de l’inégalité », qui abordait la théorie du ruissellement dès 2012 et mettait déjà en évidence ses limites ;

     ou l’ouvrage mondialement applaudi de Thomas Piketty, qui démontre comment les revenus peuvent être aspirés vers le haut de la pyramide sociale au lieu de couler vers le bas, à la différence de ce que prétend la théorie néolibérale de l’effet de ruissellement (« Trickle-down effect »).

    Cela étant, le rapport de recherche évoqué par l’honorable membre est la première étude en ce sens qui émane directement du Fonds monétaire international, organisme qui n’est pas réputé pour sa grande ouverture aux dimensions sociales des politiques économiques, pourtant essentielles.

    Les récents épisodes sur la situation économique de la Grèce ne dérogent pas à cette règle, qui n’a été que trop souvent vérifiée.

    Au-delà de ces constats, les experts du FMI formulent aussi des recommandations pour les pouvoirs publics.

    Ainsi, dans les pays émergents et en développement, ils recommandent de donner accès aux services financiers aux plus pauvres.

    Dans les pays avancés, ils recommandent que l’accent soit mis sur le développement du capital humain et des compétences et sur une politique fiscale plus redistributive, notamment par le biais des impôts sur la fortune et la propriété, ainsi que par une fiscalité des revenus plus progressive.

    On notera que toutes ces pistes sont défendues depuis de nombreuses années par le parti auquel j’appartiens et que certaines ont même été mises en œuvre sous la précédente législature fédérale.

    Par ailleurs, dans le même esprit, le Plan Marshall a retenu parmi ses axes prioritaires, le soutien à la formation, affirmant sa volonté de faire du capital humain, non seulement un facteur de compétitivité, mais aussi une variable essentielle du développement d’une société plus juste.

    Concernant plus spécifiquement le Plan de lutte contre la pauvreté (PLCP), il convient de noter que les recommandations du FMI portent en partie sur des compétences ne relevant pas des entités régionales. Dans notre sphère d’action, le PLCP entend identifier, à partir des compétences wallonnes, des pistes concrètes pour répondre à la réalité de la précarisation.

    Mon objectif est, en ce sens, de proposer un « ensemble de mesures prioritaires » afin d’appréhender le phénomène de la pauvreté dans sa globalité, c’estàdire en répondant non seulement aux préjudices multiples que les citoyens vivant dans la pauvreté subissent, mais aussi en visant à briser le cercle vicieux dans lequel une frange de nos concitoyens se trouvent et qui les maintient dans une situation de précarité.

    La nécessité de développer une stratégie transversale en matière de lutte contre la pauvreté ne doit pas se limiter aux contours de l’action sociale au sens strict. Bien au contraire, toutes les compétences wallonnes  logement, énergie, tourisme, santé, aménagement du territoire, mobilité, économie…  sont concernées par cet objectif global de réduction des inégalités.

    Voilà pourquoi j’ai, effectivement, rencontré des représentants des différents secteurs pouvant contribuer à cet objectif.

    Sur base de ces rencontres et des échanges avec les cabinets concernés, des pistes concrètes ont été identifiées et sont en cours de finalisation au sein de mes services.

    J’entends ainsi présenter, à la rentrée parlementaire, un plan cohérent qui soit à la hauteur des attentes du secteur et des enjeux sociaux que la précarisation impose à tout décideur public.