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L'impact du tax shift fédéral pour la Wallonie et la concertation avec le Gouvernement fédéral

  • Session : 2014-2015
  • Année : 2015
  • N° : 217 (2014-2015) 1

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  • Question écrite du 03/09/2015
    • de HAZEE Stéphane
    • à LACROIX Christophe, Ministre du Budget, de la Fonction publique et de la Simplification administrative

    Le Gouvernement fédéral a présenté un certain nombre de mesures fiscales, qu'il a appelé « tax shift », à la fin du mois de juillet dernier.

    Si nous ne développons pas ici l'analyse de fond de ces mesures qui sont très loin d’une réforme qui rétablisse la justice fiscale et assure la transition vers une société plus durable, et qui, à l'inverse, augmenteront encore les inégalités dans notre pays, il y a lieu d'évaluer l'impact qu'elles représenteront pour notre Région.

    À titre principal, il convient d'aborder l'enjeu de l'IPP, puisque l'IPP régional est calculé à partir de l'IPP État, qui est défini par l’État fédéral.

    Même si les modalités précises n'ont pas encore été communiquées, le Gouvernement fédéral a annoncé une diminution de l'IPP de 100 euros par ménage par mois pour les revenus faibles et moyens.

    Des concertations ont-elles eu lieu en la matière avec les Régions ?

    Monsieur le Ministre a-t-il d'ores et déjà établi les estimations potentielles de l'impact que pourrait avoir une telle mesure, selon différents scénarios possibles ?

    Des contacts ont-ils été pris avec ses homologues des deux autres Régions ?

    Lors d'un précédent échange, j'avais suggéré que notre Région formule des propositions de mesures compensatoires à adopter par l’État fédéral, qui viseraient une plus grande justice fiscale et qui pourraient avoir en même temps un impact positif pour les finances de notre Région et, dès lors, neutraliser l'impact, par exemple, d'une réduction par l’État fédéral de certains taux ou barèmes.

    A-t-il pu avancer en la matière ? Quelles sont les conclusions de cette étude ?

    Enfin, a-t-il estimé l'impact, positif ou négatif, sur la Wallonie des autres mesures contenues dans le tax shift fédéral (TVA, accises, etc.) ?
  • Réponse du 24/09/2015
    • de LACROIX Christophe

    Sur la base des tableaux budgétaires transmis aux parlementaires fédéraux, l’opération du « tax shift » se décompose de la manière suivante :
    - une diminution de l’impôt des personnes physiques de 1,7 milliard (850 millions en 2016 et 850 millions en 2018) financée par l’État fédéral et les Régions ;
    - des mesures compensatoires dont le seul bénéficiaire est l’État fédéral destinées à financer cette diminution de l’impôt des personnes physiques à concurrence de 1,62 milliard à savoir une augmentation des accises sur le diesel à concurrence 300 millions d'euros, sur le tabac à concurrence 225 millions d'euros, sur les boissons à concurrence de 233 millions d'euros et une hausse du taux de la TVA applicable sur l’électricité de 712 millions d'euros.

    Aucun document fiscal se rapportant à la manière de diminuer l’impôt des personnes physiques n’a été transmis par le fédéral aux Régions.
    Les mesures que le pouvoir fédéral est susceptible de prendre peuvent être les suivantes :
    - Soit la forme d’une réduction d’impôt fédérale (par exemple une modification du bonus à l’emploi) : une telle mesure n’a aucun impact sur les recettes additionnelles des Régions ;
    - Soit la forme d’une augmentation de la quotité d’impôt exemptée d’impôt uniquement en faveur des « bas et moyens » revenus : une telle mesure a un impact sur les « recettes centimes additionnels ».
    - Soit la forme d’une modification du « barème fiscal » : une telle mesure a un impact sur les « recettes centimes additionnels ».

    À défaut de connaître la manière dont le fédéral veut réaliser son tax shift, on peut estimer le coût maximum pour l’ensemble des trois Régions à 442 millions.

    À ce coût potentiel de 442 millions, il convient également d’ajouter 234 millions résultant de l’augmentation de la déduction des frais forfaitaires en 2015 et 2016 qui était destinée à compenser partiellement les effets du saut d’index.

    Enfin, il convient également de signaler les incertitudes qui règnent notamment sur les éléments suivants :
    - les notifications budgétaires font apparaître une diminution supplémentaire de l’IPP en 2020 à concurrence de 850 millions soit un coût potentiel supplémentaire pour les Régions de 221 millions ;
    - les mesures concernant les indépendants (200 millions) susceptibles d’être prises peuvent également se concrétiser par une diminution de la « base imposable des indépendants ». Vu également l’absence d’information à ce stade, on peut signaler que si toutes les mesures concernant les indépendants sont de nature fiscale et se concrétisent effectivement par une diminution de la base imposable, l’impact maximum peut être estimé pour les trois Régions à 52 millions d'euros.

    Par à conséquent, globalement depuis le début de la législature, on peut estimer que les décisions prises par le fédéral sont susceptibles d’impacter les entités fédérées à concurrence de plus ou moins 1 milliard et plus précisément pour la Région wallonne plus ou moins 300 millions.

    Le CFFW arrive aux mêmes conclusions ; en effet, dans son rapport du 4 septembre 2015, le Conseil observe que certaines mesures prises ou envisagées par le Gouvernement fédéral ont ou auraient un impact potentiellement non négligeable sur les finances des Régions.

    Pour les mesures contenues dans les lois programme de décembre 2014 et août 2015, le Conseil constate qu’il n’y a eu aucune concertation avec les Régions, notamment sur l’augmentation des frais professionnels forfaitaires.

    Pour les mesures prévues dans le cadre du budget 2016 en préparation, le Conseil constate que certaines mesures pourraient avoir un impact important sur les finances régionales en fonction du dispositif mis en œuvre. Dans ce cadre, il recommande au Gouvernement wallon de demander à l’autorité fédérale de privilégier les dispositifs n’ayant aucun impact sur l’impôt État réduit et donc les additionnels régionaux. Ainsi, le Gouvernement wallon pourrait suggérer à l’autorité fédérale d’examiner les possibilités d’utiliser par exemple des réductions d’impôt fédérales existantes (comme le bonus à l’emploi), mettre en œuvre de nouvelles réductions d’impôts fédérales ou crédits d’impôt fédéraux, voire augmenter les réductions de cotisations sociales personnelles (comme le bonus à l’emploi social). Ainsi ces dispositions permettraient à l’État fédéral d’atteindre son objectif d’accroissement du pouvoir d’achat des faibles et moyens revenus sans impact négatif sur les finances régionales.

    Dans cet esprit, le Conseil estime également nécessaire que les Régions soient associées à la mise en œuvre des mesures fiscales en matière d’IPP afin de pouvoir mieux appréhender l’impact de ces réformes sur les recettes régionales et coordonner davantage les politiques fiscales régionales et fédérales.

    À l’occasion du comité de concertation qui s’est tenu le mercredi 16 septembre 2015, le Premier Ministre a mentionné qu’une conférence interministérielle réunira les différents niveaux de pouvoir afin d’estimer comment chaque niveau de pouvoir est touché par le tax shift. Aucune date n’a été mentionnée ! Cela signifie que cette conférence interministérielle n’aura pas pour vocation d’associer les Régions au processus du tax shift, mais simplement de les informer.

    En ne divulguant aucune information sur la manière dont les Régions sont impactées, l’autorité fédérale ne permet pas aux Régions de respecter les contraintes de la nouvelle gouvernance budgétaire européenne.

    Vu le brouillard quasi permanent qui règne autour de ce tax shift, l'honorable membre comprend que le Gouvernement n’a pas envisagé pour l’instant de déterminer la manière la plus adéquate de financer la baisse des centimes additionnels qui découleront des décisions prises par le pouvoir fédéral.