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Espèces en voie de disparition.

  • Session : 2004-2005
  • Année : 2005
  • N° : 54 (2004-2005) 1

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  • Question écrite du 26/01/2005
    • de STOFFELS Edmund
    • à LUTGEN Benoit, Ministre de l'Agriculture, de la Ruralité, de l'Environnement et du Tourisme

    Les oiseaux représentent une des composantes les plus visibles et facilement identifiables de l'environnement biologique. Ils sont présents dans tous les milieux, des plus artificialisés aux plus naturels. Prédateurs ou végétariens, ils ont conquis la multitude de niches écologiques offertes par la végétation et le milieu physique. La diversité de leurs spécialisations et de leurs exigences spatiales rend toutefois de nombreuses espèces sensibles aux variations, en superficie et en qualité, de leurs habitats de reproduction et de séjour, ce qui leur confère une évidente valeur bio-indicatrice. Voilà les propos qu'on peut lire sur le site Internet du MRW.

    Selon un journal verviétois du 9 novembre dernier, AVES aurait réalisé une étude dans des dizaines de pays européens et constate que, sur 524 espèces d'oiseaux, 42 % sont en danger. Birdlife International arrive à une conclusion identique : comparé à il y a dix ans, 45 espèces d'oiseaux ont vu leur populations fortement diminuer, 14 autres espèces par contre ont vu leur situation s'améliorer.

    L'avifaune dépend de la qualité de l'environnement naturel, mais aussi de plus en plus de l'action humaine et de son impact sur l'environnement. La biodiversité en général, et l'évolution de l'avifaune en particulier, dépendront donc largement de l'impact de l'action humaine sur la qualité de l'environnement, en Wallonie et ailleurs.

    La DGRNE, quant à elle, compare les données des dix dernières années avec celles des états des lieux antérieurs et observe les tendances suivantes, je cite : le nombre d'espèces indigènes nicheuses régulières a progressé de 130 dans les années 1960 à 140 en 1992. Cet enrichissement résulte en grande partie de l'accroissement de la qualité et de la densité du réseau d'observation et des effets positifs de la protection légale accordée à la plupart des espèces ou encore de la multiplication de milieux d'origine artificielle.

    L'évolution est, par contre, globalement défavorable pour la majorité des espèces spécialisées, et parmi elles, singulièrement pour les espèces migratrices. Les problèmes rencontrés en migration et en hivernage sont de toute évidence croissants pour notre avifaune, y compris dans le bassin méditerranéen où l'on constate la disparition de nombreuses zones humides, la mise en culture ou l'urbanisation de multiples zones naturelles, l'intensification de l'agriculture et des prélèvements importants.

    Aux problèmes qui se posent dans les régions d'hivernage et de passage, s'ajoutent ceux qui



    agissent dans l'aire de reproduction. Les effectifs et la présence en Wallonie de nombreuses espèces sont en effet tributaires de populations principales réparties dans les pays et régions voisins. Ceci peut résulter de la faiblesse numérique de nos nicheurs, de l'aspect marginal, voire temporaire, de leur répartition wallonne, de la situation de la Wallonie en bordure de l'aire de répartition, d'une réussite insuffisante de la reproduction.

    La DGRNE conclut qu'il convient de « s'inquiéter fortement de l'ampleur et de la rapidité des diminutions en cours, en général sous l'action de facteurs anthropiques dont la force et l'ampleur surpassent maintenant les capacités d'adaptation ou de simple survie de nombreuses espèces. Ce sont principalement la réduction des habitats disponibles et la diminution de leurs potentialités d'accueil, et en particulier des ressources alimentaires, qui sont responsables des régressions observées. Ce phénomène se distingue des fluctuations naturelles, plus ou moins cycliques, liées à l'incidence de facteurs alimentaires et climatiques ; par exemple, l'impact d'hivers rigoureux, ou encore, les fluctuations des populations de rapaces. ».

    Sont en cause, entre autres :

    - l'extraordinaire régression des landes, pelouses semi-naturelles, et fagnes menant l'avifaune qui y est associée au seuil de l'extinction ;
    - la disparition d'une partie des petits sites relictuels (destruction, construction, boisement, dépotoirs, …) ;

    - l'exploitation des campagnes, restée longtemps assez extensive, s'amplifie à charge des espèces des campagnes ;

    - l'augmentation des superficies boisées provenant surtout des plantations de conifères favorisant progressivement l'installation d'espèces qui leur sont associées ;

    - les conséquences de l'urbanisation et de l'industrialisation de l'espace entraînant des pertes substantielles d'habitats naturels, surtout au niveau des prairies permanentes, des zones humides et de milieux rares ;

    - l'emploi excessif de pesticides, de plantations à base d'essences exotiques peu attractives pour les insectes ou encore de l'entretien de gazons ras inhospitaliers pour la quasi totalité des invertébrés et des plantes.

    Ainsi, entre 1982 et 1992, la DGRNE constate :

    - 24 espèces, dont beaucoup ont profité des mesures de protection et d'habitat d'origine artificielle ;

    - que 28 espèces, dont la moitié sont des nicheurs irréguliers ou éteints avant 1980, connaissent une situation sans modification fondamentale ;

    - que la situation de 34 espèces, toutes plus ou moins spécialisées, s'est détériorée:

    La DGRNE conclut : les espèces pour lesquelles des mesures de protection, prises en Région wallonne, pourraient améliorer le plus significativement le statut sont celles des catégories nicheurs éteints, mais revenant naturellement, espèces en danger et espèces vulnérables.

    Vu la valeur évidente bio indicatrice de l'avifaune wallonne, je souhaite poser les questions suivantes :

    - Monsieur le Ministre a-t-il connaissance de l'étude réalisée par AVES dont il était question dans la presse ;



    - y a-t-il des données plus récentes de la DGRNE que celle publiée sur le site Internet du MRW ?

    - quelle sont les conclusions concrètes de Monsieur le Ministre sur le plan politique ?

    Je souhaiterais que notre patrimoine naturel soit tout aussi bien conservé que notre patrimoine culturel. Avec chaque espèce qui disparaît, nous laissons derrière nous un monde plus pauvre en biodiversité.
  • Réponse du 22/02/2005
    • de LUTGEN Benoît

    Partageant la préoccupation de l'honorable Membre face au constat alarmant de crise de la biodiversité, je suis heureux qu'il soulève ce problème, tout comme la presse le fait maintenant régulièrement.

    La lutte contre l'érosion de la biodiversité est, selon moi, un enjeu de société qui devrait être reconnu par tous. Tout comme pour les changements climatiques, il est à présent urgent d'agir, sous peine de passer au-delà du point de non-retour.

    Au cours des dernières décennies, et plus particulièrement depuis 1995, année européenne de la conservation de la nature, la Région wallonne a mis en place de nombreuses mesures destinées à préserver la biodiversité wallonne, ou tout au moins à en limiter la régression.

    La base de ces actions repose sur le programme suivi de la biodiversité wallonne coordonnée par le Centre de recherche de la nature, des forêts et du bois, en collaboration avec la cellule chargée de l'établissement de l'Etat de l'environnement wallon (DGRNE). Ce programme de suivi de la biodiversité repose sur plusieurs réseaux de collaborateurs issus des mondes associatif et universitaire. L'asbl « AVES », spécialisée dans la connaissance et le suivi des oiseaux, est fortement impliquée dans le programme de suivi de la biodiversité wallonne. Dans ce cadre, ainsi que dans le cadre des collaborations internationales développées, mon administration et moi-même sommes informés des résultats d'études menées au-delà des frontières de la Région wallonne et, notamment, dans les pays de l'Union européenne. Les résultats dont il est fait état dans l'article de presse ne me surprennent donc pas et vont dans le sens d'autres études menées à différentes échelles, y compris mondiale.

    En ce qui concerne les résultats pour la Région wallonne, les données les plus récentes sont celles publiées dans le cadre de l'état de l'environnement wallon 2004 et sont disponibles à l'adresse suivante : http://mrw.wallonie.be/dgrne/eew.

    Jusqu'à présent, les actions menées en conservation de la nature concernaient en premier lieu les aires protégées, puis elles ont été étendues à certains milieux en dehors des aires protégées (combles et clochers et bords de routes, par exemple) en privilégiant dès que possible la participation citoyenne (plans communaux de développement de la nature, parcs naturels).

    Malheureusement, ces actions, initiées et coordonnées par le service compétent en matière de conservation de la nature, n'ont jusqu'à présent pas suffi à stopper l'érosion de la biodiversité. Ces actions méritent d'être poursuivies, mais leur extension et une appropriation des enjeux par une majorité de citoyens est à présent urgente.

    A cet effet, Natura 2000 me paraît être un excellent outil, car il vise la préservation du patrimoine naturel pour les générations à venir dans des portions du territoire généralement soumises à une exploitation humaine. Il s'agit donc bien d'un outil de développement durable et je n'ai pas tardé, depuis le début de mon mandat, à mettre en place les mesures et moyens nécessaires à la réussite de cet ambitieux projet, parmi lesquels : la mise en place, au début de cette année, d'une équipe de vingt personnes chargées de la réalisation des arrêtés de désignation des sites Natura 2000, la prise en compte de Natura 2000 dans le cadre de l'écoconditionnalité, en vigueur dès 2005, et la mise en place des moyens de financement des mesures de gestion.

    Si Natura 2000 est un outil majeur pour la préservation de la biodiversité, tant wallonne qu'européenne, l'arrêt de la perte de la biodiversité d'ici 2010, demandé par les Ministres et responsables des Gouvernements européens dans le cadre de « l'Objectif 2010 », nécessitera des actions complémentaires à appliquer également sur les 87 % du territoire non repris dans le réseau Natura 2000.

    Cet Objectif 2010 a d'ailleurs été inscrit, à mon initiative, dans la version finale du Contrat d'Avenir pour la Wallonie.

    Je prévois la mise en place, dès cette année, d'un groupe de travail chargé de la proposition d'actions concrètes concourant à atteindre cet objectif. J'espère, par ce biais, impliquer la collaboration de tous les secteurs exerçant une action sur l'aménagement de l'espace, à commencer par les matières pour lesquelles j'exerce une compétence. En effet, comme je l'ai souligné plus haut, la biodiversité ne pourra être préservée durablement que sur la base d'une prise en compte par l'ensemble des gestionnaires de l'espace.

    Ainsi, en ce qui concerne l'agriculture, je tiens à souligner l'évolution dans le sens d'une plus grande prise en compte de l'environnement, laquelle se marque principalement par l'adoption du principe d'écoconditionnalité, par la modification des mesures agri-environnementales dans un sens plus favorable à la biodiversité et par l'augmentation de certaines primes pour accroître leur attractivité, par une réflexion sur l'adaptation du remembrement agricole en un outil davantage multifonctionnel, intégrant notamment des préoccupations écologiques.

    Comme l'honorable Membre le sait, toute nouvelle orientation politique nécessite un temps d'adaptation pour les acteurs chargés de l'appliquer, a fortiori en cas d'enjeux économiques importants comme c'est le cas pour la politique agricole. Aussi, mon fer de lance sera également la multiplication des actions d'information et de sensibilisation, au niveau de chaque catégorie d'acteur, à commencer par le public jeune.