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Travail intérimaire dans l'administration.

  • Session : 2004-2005
  • Année : 2005
  • N° : 47 (2004-2005) 1

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  • Question écrite du 03/02/2005
    • de BERTOUILLE Chantal
    • à COURARD Philippe, Ministre des Affaires intérieures et de la Fonction publique

    Le Gouvernement fédéral estime qu'il n'est pas nécessaire de faire appel à des intérimaires dans le secteur public car, selon le Ministre fédéral de la Fonction publique, le secteur public doit donner l'exemple en ne mettant pas en péril l'emploi en son sein.

    Il est vrai que la loi prévoit déjà la possibilité d'engager du personnel contractuel pour pallier des nécessités temporaires ou exceptionnelles et pour remplacer des membres du personnel absents. Cette loi fédérale s'applique également aux entités fédérales et, donc, à la Région wallonne.

    Le Ministre fédéral de la Fonction publique pense qu'il n'est pas moins onéreux de recourir à des intérimaires que d'utiliser des contractuels. Il estime que le statut du secteur public est garant d'objectivité et d'indépendance et que le secteur a déjà sondé à plusieurs reprises les intentions de la Fonction publique en ce qui concerne le recours au travail intérimaire, mais la réponse négative n'a, selon lui, jamais varié.

    Ces dispositions s'appliquent donc à Monsieur le Ministre de la Fonction publique.

    Cependant, j'aimerais savoir s'il ne serait pas intéressant de faire évoluer les idées car, dans d'autres pays comme, notamment, aux Pays-Bas et en Angleterre, le travail intérimaire est autorisé au sein des pouvoirs publics. D'ailleurs, dans les hôpitaux publics comme dans les maisons de repos et les maisons de repos et de soins, où la pénurie d'infirmières se fait souvent sentir, il est indispensable parfois, pour répondre aux normes imposées, de faire appel à des intérimaires. On se trouverait donc dans une situation d'illégalité dans le cadre de ces contrats.

    Monsieur le Ministre de la Fonction publique partage-t-il ce point de vue ? N'estime-t-il pas qu'il devrait y avoir une concertation avec le Gouvernement fédéral et, notamment, avec le Ministre de la Fonction publique du Gouvernement fédéral, pour faire évoluer les principes à ce sujet ?

    Si l'on devait appliquer en Belgique la même règle qu'aux pays-Bas, où il y a 8 % des employés intérimaires qui travaillent pour les pouvoirs publics, cela correspondrait à 50.000 emplois en Belgique. Cela donnerait donc plus d'emplois et plus de flexibilité.

    Est-il possible de connaître à ce sujet, pour notre Gouvernement, les arguments du secteur intérimaire ?
  • Réponse du 28/02/2005
    • de COURARD Philippe

    La question de l'honorable Membre relative au travail intérimaire dans l'administration wallonne appelle les éléments de réponse suivants.

    Sur le plan strictement juridique, s'il est vrai que la loi du 24 juillet 1987 sur le travail temporaire, le travail intérimaire et la mise de travailleurs à la disposition d'utilisateurs est en principe applicable au secteur public, il convient de relever que cela ne peut être, conformément à l'article 21 de cette loi qu'en vue d'un « travail temporaire » défini comme « l'activité exercée dans les liens d'un contrat de travail et ayant pour objet de pourvoir au remplacement d'un travailleur permanent ou de répondre à une surcroît temporaire de travail ou d'assurer l'exécution d'un travail exceptionnel. ».

    Cependant, l'article 48 de la loi du 24 juillet 1987 dispose que « Le Roi peut, pour les services publics qui ne relèvent pas du champ d'application de la loi du 5 décembre 1968 sur les conventions collectives de travail et les commissions paritaires, fixer d'autres procédures, conditions et modalités, que celles prévues aux articles 1er et 32 de la présente loi. ».

    Or, à ce jour, aucun arrêté royal n'a été adopté pour exécuter cet article et, comme l'a relevé la Ministre fédérale de la Fonction publique (réponse donnée le 3 septembre 2003 aux questions posées par Mme la Député Annemie Turtelboom , Bulletin des questions et réponses 2003, pages 105 et suivantes), « la diversité des statuts syndicaux rend difficile une mise en œuvre homogène de la loi ».

    Renseignements pris auprès de la Fonction publique fédérale, l'interprétation à donner à cette disposition est que le recours au travail intérimaire est interdit en toute hypothèse dans les services publics qui ne relèvent pas du champ d'application de la loi du 5 décembre 1968 sur les conventions collectives de travail et les commissions paritaires (et donc à la Région wallonne) aussi longtemps que le Roi n'aura pas adopté de procédures, conditions et modalités relatives à toutes les hypothèses énoncées à l'article 1er de la loi du 24 juillet 1987.

    Cependant, il serait possible aux employeurs publics de recourir au travail temporaire (via un contrat de travail) pour l'exécution de travail temporaire ou par l'intermédiaire d'une entreprise de travail intérimaire, dans les cas suivants, en ce que ceux-ci ne nécessitent justement pas de mesures d'exécution :

    - le remplacement temporaire d'un travailleur dont l'exécution du contrat de travail est suspendue ;
    - le remplacement temporaire d'un travailleur sous contrat de travail qui a réduit ses prestations dans le cadre de l'interruption de la carrière professionnelle.

    Le recours à des intérimaires ne peut donc intervenir en aucune manière en vue de pourvoir au remplacement d'un agent statutaire temporairement absent ou dont les prestations sont réduites, ni en vue de rencontrer un surcroît temporaire de travail ou de permettre l'exécution d'un travail exceptionnel, hypothèses qui nécessitent de toute évidence l'adoption de mesures d'exécution.

    Même restreint aux deux hypothèses spécifiques qui viennent d'être évoquées, le recours à l'intérim se heurte à d'autres obstacles de nature juridique.

    En premier lieu, l'article 2 de l'arrêté royal du 22 décembre 2000 fixant les principes généraux du statut administratif et pécuniaire des agents de l'Etat applicables au personnel des services des Gouvernements de Communauté et de Région, des collèges de la Commission communautaire commune et de la Commission communautaire française, ainsi qu'aux personnes morales de droit public qui en dépendent, définit les conditions dans lesquelles il peut être recouru au contrat de travail dans des termes qui semblent exclure l'intérim.

    En effet, cette disposition, comme celles qui l'ont précédée et dont elle reprend la teneur,

    envisage un contrat de travail noué directement entre l'autorité fédérée – ici la Région wallonne ou un organisme en dépendant – et le travailleur. Or le travail intérimaire nécessite, d'une part, un contrat de travail entre l'intérimaire et l'entreprise de travail intérimaire et, d'autre part, un contrat entre l'autorité et l'entreprise de travail intérimaire.

    Une autre interprétation enlèverait toute signification à l'article 30 du même ARPG en ce que celui-ci dispose que « Les personnes engagées par contrat de travail ont droit à l'échelle de traitement, au revenu minimum garanti, au pécule de vacances, à l'allocation de fin d'année et aux indemnités, allocations et primes équivalents à ceux d'un agent ayant la même fonction ou une fonction équivalente. ».

    En passant par l'intermédiaire d'une entreprise intérimaire, la Région ne pourrait garantir au travailleur l'application stricte de l'adage qui sous-tend cette disposition, à savoir « à travail égal, salaire égal ».

    En second lieu, il convient de rappeler que la surveillance du respect des dispositions de la loi du 24 juillet 1987 sur le travail temporaire, le travail intérimaire et la mise de travailleurs à la disposition d'utilisateurs, est confiée aux fonctionnaires de l'Inspection sociale du service public fédéral « emploi, travail et concertation sociale », désignés à cette fin par le Roi (article 35 de la loi).

    Le souci de formuler une réponse complète à la question dont je suis saisi me conduit à rappeler qu'en cas de travail intérimaire dans une hypothèse non permise, les sanctions pénales prévues par les articles 39 à 44 de la loi du 24 juillet 1987 pourraient être appliquées à la Région wallonne.

    Par ailleurs, au-delà des obstacles strictement juridiques, il y a encore lieu de relever, avec la Ministre fédérale de la Fonction publique (voir réponse précitée du 3 septembre 2003) que « Les besoins en personnel peuvent être, dès à présent, rencontrés par le recours à des contractuels dont le coût à charge de l'employeur est plus avantageux pour les finances publiques. ».

    C'est sans doute la raison principale pour laquelle l'Inspection des Finances s'est encore récemment opposée, dans le cadre de la mise à disposition d'agents de la Région wallonne au sein de la Commission interrégionale de l'emballage, à la désignation d'intérimaires pour l'exercice de fonctions impliquant notamment la rédaction de procès-verbaux ayant foi jusqu'à preuve contraire.

    Le recours à l'intérim dans les services publics, au lieu de créer de l'emploi, ainsi que semble l'affirmer l'honorable Membre, obèrerait davantage encore les ressources budgétaires, tendrait à externaliser les missions relevant, de par leur nature, de l'administration et rendrait plus précaire la situation sociale des agents travaillant au sein de cette administration.

    La pénurie dénoncée par l'honorable Membre dans certains secteurs comme le secteur hospitalier reste par ailleurs spécifique : l'article 2, § 2, de l'ARPG du 22 décembre 2000 permet déjà aux services se trouvant, sur le plan du recrutement, en situation de concurrence avec d'autres opérateurs privés ou publics, de recourir exclusivement à l'engagement de contractuels. C'est la solution adoptée notamment par le Centre hospitalier universitaire de Liège depuis 2002.

    Quant à la flexibilité des effectifs des services publics en cas de surcroît temporaire de travail, évoquée également par l'honorable Membre, je préfère, pour ma part, tenter d'y trouver des solutions, d'une part, en engageant des personnes par contrat de travail dans les limites autorisées par l'ARPG et, d'autre part, en revoyant le Code wallon de la fonction publique dans le sens d'une mobilité accrue des membres du personnel plutôt que par le recours à l'intérim.

    N'ayant envisagé à aucun moment de recourir au travail intérimaire au sein des ministères wallons, je suis dans l'impossibilité de communiquer à l'honorable Membre les arguments du secteur intérimaire en la matière.

    L'honorable Membre peut en être rassuré : le secteur public donnera dorénavant l'exemple en ne

    mettant pas en péril l'emploi en son sein.