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La raréfaction des abeilles

  • Session : 2015-2016
  • Année : 2015
  • N° : 153 (2015-2016) 1

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  • Question écrite du 30/10/2015
    • de COURARD Philippe
    • à DI ANTONIO Carlo, Ministre de l'Environnement, de l'Aménagement du Territoire, de la Mobilité et des Transports, des Aéroports et du Bien-être animal

    Dans le courant du mois de mars, les services environnementaux de l’ONU publiaient leur rapport sur la raréfaction des abeilles, un phénomène inquiétant et en nette progression. Selon certains scientifiques, dans certaines régions, cette chute d’effectifs se chiffrerait à 85 %. En 2013, en Belgique, la mortalité des abeilles a augmenté de 6 % et a doublé depuis 2004.

    L’impact de cette situation sur le secteur agricole est préoccupant. En effet, les denrées agricoles dépendantes de la pollinisation des abeilles risquent de connaître de maigres productions si la situation actuelle demeure inchangée. Achim Steiner, directeur exécutif du Programme des Nations Unies pour l’environnement, corrobore ce constat en affirmant : « Le fait est que sur les 100 espèces végétales qui fournissent 90 % de la nourriture dans le monde, plus de 70 % sont pollinisées par les abeilles. La manière dont l'humanité gère ses actifs liés à la nature, notamment les pollinisateurs, définira en partie notre avenir collectif au XXIe siècle ».

    Soyons clairs, l’alimentation humaine, tributaire de ces pollinisateurs, est en péril. A telle enseigne que le marché du miel, mais également des fruits et des légumes, a subi l’impact de la raréfaction des abeilles.

    En cause, plusieurs facteurs : le manque d’apiculteurs, la pollution de l’air, les pesticides, et la présence d’un parasite mortel au nom de Varroa Destructor. Celui-ci est observé essentiellement dans les pays industrialisés. Le dépérissement des abeilles est aussi expliqué par le manque de biodiversité, autrement dit, le déclin des variétés de plantes sur lesquelles elles peuvent butiner, selon des chercheurs de l’Institut néerlandais Alterra de recherches spécialisées dans l’environnement.

    Revenons-en aux pesticides, une des causes les plus néfastes pour la survie et la protection des abeilles. La Commission européenne, le 24 mai 2013, a décidé de restreindre l’utilisation de trois pesticides (appartenant à la famille des néonicotinoïdes) dans toute l’Union européenne, et ce, à partir du 1er décembre 2013. Cette décision vise les pesticides utilisés dans le traitement des végétaux, dont les céréales. Malgré la mesure décrétée, la situation demeure alarmiste et ne cesse de s’étioler.

    Je pense que l’action à mener doit se faire sur base de cette analyse multifactorielle où les éléments coexistent. Cependant, ma première question est la suivante : pourrions-nous envisager d’étendre cette interdiction à toute forme de pesticides ? Ce qui, je le souhaite, réduirait sensiblement le taux de mortalité des abeilles.

    En Wallonie, pour préserver notre biodiversité et assurer la pérennité de nos abeilles, a été impulsé le Plan Maya en 2011, reconduit chaque année. Ma deuxième question s’attache dès lors à connaître les résultats, les aboutissants de ce plan. En d’autres termes, où en est-on, Monsieur le Ministre sur cette question ? A-t-on pu produire des statistiques ? Le cas échéant, quelles sont les analyses qui en ressortent et comment les mettre en perspective avec les constats actuels sur la raréfaction des abeilles ?
  • Réponse du 18/11/2015
    • de DI ANTONIO Carlo

    L’impact du moratoire restreignant l’utilisation en enrobage de semences des trois insecticides systémiques de la famille des néonicotinoïdes à laquelle l'honorable membre fait allusion devrait bientôt faire l’objet d’une évaluation par l’Europe, l’appel à contribution scientifique étant terminé depuis le 30 septembre dernier. Mais il faut savoir que la Commission et les États membres de l’UE, contre toute attente, ont récemment autorisé un nouveau néonicotinoïde à action similaire aux trois molécules précédentes, le SULFOXAFLOR, alors que l’avis de l’EFSA conclut qu’« avec les évaluations disponibles, un risque pour les abeilles n’est pas à exclure pour les utilisations en champs… » ! Cela, ajouté au fait que le moratoire précité n’a qu’une portée réduite (les céréales d’hiver et les betteraves ne sont pas concernées), aura sans doute pour effet qu’aucune conclusion fiable ne pourra être tirée quant à l’effet délétère de ces insecticides sur les pollinisateurs.

    Outre cette incertitude qui demeure, la décision de se passer totalement de l’outil « PPP » consisterait probablement à un retour à une agriculture exposée à des risques élevés de pertes de récoltes conséquentes, bien qu’elle soit nettement mieux encadrée qu’auparavant. La pression parasitaire n’a pas diminué (loin s’en faut), et certaines cultures seraient davantage exposées que d’autres (ex. : la culture de betteraves, hypervulnérable en début de développement).
    Par contre, il y a lieu d’encourager la lutte intégrée des cultures, d’aller encore plus loin dans la recherche d’alternatives fiables et efficaces, et de s’assurer qu’elles soient d’une part bien gérées par le biais de systèmes d’avertissements et de conseils performants, et d’autre part bien comprises et acceptées par le monde rural et tous les utilisateurs de PPP à usage professionnel.

    À propos des néonicotinoïdes, j’ai interpellé mon collègue, le Ministre de l’Agriculture, afin qu’il charge le Centre wallon de recherches agronomiques (CRA-W) de mener des études spécifiques aux néonicotinoïdes. Ces études devraient permettre de démontrer ou non l’efficacité des néonicotinoïdes sur les rendements agricoles par type de culture et, le cas échéant, permettre de trouver des substituts efficaces et moins dangereux pour la santé et l’environnement.

    Au niveau du Plan Maya, suite au nouvel appel lancé en 2015, ce sont pas moins de 210 communes qui sont actuellement engagées à agir en faveur des pollinisateurs. La démarche multiacteurs implique également 3 provinces et 1391 particuliers, engagés à travers la charte « jardins Maya ».
    Le bilan quantitatif 2015 en termes de plantations mellifères se chiffre à 8.461 ares de prairies fleuries, 6.257 arbres fruitiers, 12.590 arbres d’alignement et 209.319 plants de haies.
    Nous ne disposons pas, à l’heure actuelle, de suivi scientifique sur les retombées directes de la mise en place du Plan Maya. Cependant, ce plan se base sur un des principes fondamentaux de la biologie des populations, à savoir que la conservation des espèces passe par la conservation de leur habitat. Le Plan Maya, en mettant à disposition le gîte et le couvert pour les abeilles, qu’elles soient domestiques ou sauvages, ne peut que contribuer positivement au développement de leurs populations. Ce plan contribue aussi largement à la sensibilisation des citoyens et donc à une meilleure prise de conscience de l’importance des services rendus par les pollinisateurs.