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La lutte contre le dumping social

  • Session : 2015-2016
  • Année : 2015
  • N° : 53 (2015-2016) 1

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  • Question écrite du 06/11/2015
    • de STOFFELS Edmund
    • à TILLIEUX Eliane, Ministre de l'Emploi et de la Formation

    La lutte pour l’emploi est un objectif majeur de l’actuelle législature. Il s’agit d’une compétence qui – à mes yeux – doit être exercée de façon transversale. D’où la question adressée à Monsieur le Ministre-Président. Toute décision doit être examinée sous cet angle de vue. En fait partie la question de savoir comment lutter plus efficacement contre le dumping social.

    Différents secteurs, ont fort à faire avec la concurrence déloyale consécutive au dumping social.

    Depuis 1996, la directive européenne concernant le détachement de travailleurs autorise une entreprise issue d’un pays de l’Union européenne à faire effectuer un travail dans un autre État membre, tout en payant les cotisations sociales pour le travailleur concerné dans l’État membre d’origine. Ainsi, des entreprises étrangères peuvent travailler à un prix défiant toute concurrence.

    En effet, une entreprise belge qui paie 38 % de cotisations pour leur main-d’œuvre belge ne peut donc concurrencer les entreprises étrangères qui emploient des Roumains et des Polonais qui ne paient respectivement que 13 ou 21% de cotisations ?

    C’est donc ainsi que les entreprises belges tombent en faillite. Ce sont surtout les secteurs touchés par le dumping social qui sont les plus à risque au niveau des faillites.

    En décembre 2013, les ministres européens du Travail ont conclu un accord pour lutter contre le dumping social. Les services nationaux d’inspection peuvent mieux contrôler les violations à la directive européenne, ils peuvent travailler main dans la main au niveau des frontières. Le Syndicat neutre pour indépendants (SNI) demande qu’une approche stricte du dumping social soit mise en place et appliquée au niveau européen.

    Enfin, les autres États membres pourront (mais ne seront pas obligés, comme c’est le cas en Belgique), introduire le principe de responsabilité solidaire dans leur propre législation.

    Il est dommage que cette introduction dans la législation ne soit pas obligatoire dans tous les pays européens.

    Madame la Ministre est-elle en mesure d’estimer l’ampleur du problème, le nombre d’emplois mis en cause par le dumping social ?

    Nous n’avons que des compétences partielles, quoiqu’efficaces, pour lutter contre le dumping social. La voie du cahier de charge intégrant des clauses précises pour lutter contre le dumping – au moins pour les travaux publics et subventionnés – est-elle une piste qui pourra bientôt être activée par le Gouvernement wallon ?

    Ne faut-il pas envoyer à l’Union européenne un signal clair : soit elle corrige ses politiques, soit on risque de bloquer certaines de ses politiques ayant pour effet de neutraliser les conséquences destructrices du dumping social ?
  • Réponse du 07/12/2015
    • de TILLIEUX Eliane

    Comme le sait l'honorable membre, les travaux de la table ronde sur le dumping social dans la construction qui se sont clôturés le 8 juillet dernier avec « un plan pour une concurrence loyale » reprenaient 41 mesures que le Gouvernement fédéral se doit de mettre en œuvre.

    Il me parait, en outre, essentiel que l’autorité fédérale profite de la transposition de la nouvelle Directive Marchés publics pour inclure dans la législation en la matière des signaux forts de lutte contre le dumping social.

    Au niveau régional, je suis pleinement consciente de la menace sur l’emploi que représente la concurrence déloyale résultant de l’arrivée massive de nombreux travailleurs étrangers bénéficiant de conditions salariales et de travail bien moins bonnes que celles pratiquées dans notre pays, dans des secteurs demandant régulièrement une main-d’œuvre peu qualifiée, tels que la construction, la logistique, le gardiennage ou encore le nettoyage. Le dumping social met notre économie en péril. La Fédération wallonne de la Construction avançait pour son secteur une perte de 17.000 emplois en 3 ans en raison de la concurrence déloyale et du dumping social intracommunautaire. L'abus des règles européennes de détachement permet souvent d'occuper des travailleurs étrangers et des (faux) indépendants en Belgique sous les prix légaux du marché.


    Au niveau régional, notre intervention se joue sur différents plans:
    * Par le renforcement des contrôles relatifs au dumping social effectués en première ligne par les cellules d’arrondissement au sein desquelles coopèrent les auditeurs du travail et les différents services d’inspection sociale, tant fédéraux que régionaux. Nos services y interviennent pour le contrôle de l’application de la loi du 30 avril 1999 relative à l’occupation des travailleurs étrangers et, plus précisément, le respect de l’obligation d’autorisation d’occupation et de permis de travail pour les travailleurs étrangers, cette matière relevant de la compétence des Régions. Les services d’inspection régionale contribuent par ce biais également à une lutte encore plus efficace contre le travail illégal et la fraude sociale, et ceci, en tenant compte des règles organisationnelles en vigueur ainsi que des compétences et des objectifs administratifs de chacun.

    En ce qui concerne les travailleurs détachés, l’Inspection sociale fédérale est seule compétente pour contrôler les dispositions relatives au détachement des travailleurs, en application de la LIMOSA, ainsi que le respect des conditions du détachement. Lors de la rédaction de la Note Cadre de la Sécurité Intégrale 2016-2018, j’ai, à nouveau, insisté auprès du Ministre-Président pour que l’accent soit maintenu sur ce type de contrôle et que les auditorats renforcent les poursuites et systématisent l’application de sanctions pénales en la matière.

    * La Région wallonne peut intervenir au niveau des marchés publics passés par les pouvoirs adjudicateurs wallons. Celle-ci offre déjà des possibilités juridiques de mener une politique d’achat durable en Wallonie.

    L’insertion de clauses sociales à plusieurs niveaux de la commande publique pour les marchés du SPW, mais aussi ceux des OIP régionaux, et ceux subsidiés par la Région wallonne en fait pleinement partie.

    En appui à la réalisation cet objectif, le Gouvernement wallon a en outre décidé de pérenniser le dispositif des facilitateurs des clauses sociales pour 4 ans, à partir de 2016.
    Ces facilitateurs jouent en effet un rôle essentiel dans l’accompagnement tant des pouvoirs adjudicateurs, pour l’introduction de clauses sociales dans leurs cahiers des charges, que dans celui des entreprises soumissionnaires, pour la réponse à apporter en matière de formation ou de sous-traitance à l’économie sociale et aux ETA, par exemple.

    L’insertion de clauses sociales dans les marchés de travaux constitue une des priorités de travail de la politique d’achats publics durables en Wallonie et à ce titre, le Gouvernement met tout en œuvre pour amplifier la démarche initiée fin 2013.

    La Commissaire européenne aux affaires sociales, Marianne Thyssen, a déjà été sensibilisée à la mobilité de travailleurs, à ses opportunités, mais également aux dérives qu’elle provoque. Elle propose d’ailleurs de présenter un important travail législatif sur ce thème, sans exclure la possibilité de revoir la Directive sur les travailleurs détachés. Avec mes Collègues du Gouvernement wallon, mais également avec les autorités fédérales, puisque c’est effectivement une matière transversale, nous restons très attentifs aux développements annoncés, dans l’intérêt de notre économie, mais également au regard des Wallonnes et des Wallons qui en constituent le moteur et dont le savoir-faire contribue à la compétitivité de nos entreprises.