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L'écart économique de la Wallonie sur la Flandre

  • Session : 2015-2016
  • Année : 2015
  • N° : 119 (2015-2016) 1

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  • Question écrite du 07/12/2015
    • de LAMBELIN Anne
    • à MARCOURT Jean-Claude, Ministre de l'Economie, de l'Industrie, de l'Innovation et du Numérique

    Une étude, publiée par l’Ires (l’Institut de recherches économiques et sociales de l’UCL) fin novembre et dont les résultats ont été relayés par les journaux l’Écho et le Soir, relève que, depuis une quinzaine d'années, l'écart entre la Flandre et la Wallonie, en termes de performances économiques, a cessé de se creuser.

    La part de chaque Région dans le PIB belge est restée constante entre 2000 et 2013, soit 25 % pour la Wallonie.

    Selon l’étude, le plan Marshall en Wallonie a permis de dynamiser la Région dans un développement harmonieux et a réussi à accrocher notre Région à la dynamique de la Flandre. Le décrochage qui existait lors de la grande crise industrielle, allant de la fin des années 70 jusqu’aux années 90, a donc disparu.

    Néanmoins, si l'écart nord-sud ne se creuse plus, il ne se réduit pas pour autant.

    La Wallonie n’a donc pas encore réussi à combler le retard qu’elle accuse vis-à-vis de la Flandre. Le PIB par habitant y est toujours inférieur. De plus, l’étude note qu’à l'intérieur de chaque région, la distribution de l'activité économique est devenue plus inégale du fait de la création des pôles de compétitivité.

    En effet, certains arrondissements wallons fonctionnent mieux que d’autres: ainsi, Nivelles, Huy et Tournai connaissent des résultats très satisfaisants, tandis que Virton, Arlon, Ath ou encore Charleroi semblent, quant à eux, faire face à plus de difficultés. Pourtant, si l’on s’intéresse aux revenus disponibles, calculés sur base du lieu de résidence, ces disparités diminuent fortement.

    En effet, si la Wallonie accuse un retard sur le reste du pays en termes de PIB belge, cet écart disparaît pratiquement lorsqu’on examine les revenus des Wallons. En cause, les nombreux Wallons qui vont, chaque jour, travailler à Bruxelles.

    J’en viens à mes questions.

    Quelle analyse Monsieur le Ministre titre-t-il de cette étude de l’UCL ?

    Confiera-t-il que le plan Marshall a permis de mettre un terme à l’agrandissement de l’écart avec la Flandre ? Croit-il que le Plan Marshall 4.0 permettra la diminution de cet écart ?

    Quelles sont les réelles inégalités entre les différents arrondissements wallons ? Comment remédier à celles-ci ?
  • Réponse du 22/06/2016 | Annexe [PDF]
    • de MARCOURT Jean-Claude

    Depuis les origines de la Belgique, les trois régions ont connu une évolution économique différenciée, mais les dernières statistiques disponibles semblent montrer une certaine convergence des taux de croissance (pour une analyse approfondie, cf. notamment H. Capron, « Croissance et développement spatial inégal des Régions », in B. Bayenet, H. Capron, P. Liégeois (ed.), L’Espace Wallonie-Bruxelles, Voyage au bout de la Belgique, De Boeck, Bruxelles, 2007). Une analyse plus approfondie relève aussi l’existence de disparités importantes également à l’intérieur de chaque Région (OCDE, Études économiques de l’OCDE, volume 2009/12, juillet 2009). Voir tableau en annexe.

    Le XIXe siècle et la première moitié du XXe siècle verront un essor prodigieux de l’économie wallonne, la Wallonie se distinguant comme une des régions les plus riches du monde et constituant la locomotive économique de la Belgique. Bruxelles ne deviendra que graduellement le centre administratif et financier du pays et ne jouera que tardivement un rôle dans son industrialisation. Handicapée par la fermeture de l’Escaut et la prépondérance de l’agriculture et de l’industrie textile, la Flandre restera en retrait de la révolution industrielle. La réouverture de l’Escaut en 1839, des investissements d’envergure et la position stratégique du port d’Anvers donneront une impulsion au développement économique de la Flandre. La découverte du bassin houiller de Campine au début du XXe siècle constituera un second élément déclenchant. L’entre-deux-guerres voit apparaître les premiers signes d’essoufflement de l’industrie wallonne alors que la Flandre poursuit son développement. Un phénomène de concentration financière fera passer les centres de décision des anciens capitaines d’industrie vers les milieux financiers bruxellois. Entre la Seconde Guerre mondiale et le début des années 1960, le PIB de la Flandre se situait à 80 % de la valeur nationale (B. Bayenet, H. Capron, P. Liégeois, L’Espace Wallonie-Bruxelles, Voyage au bout de la Belgique, op. Cit).

    De 1947 à 2000, alors que la Flandre voit son indice de PIB grimper de 78 à 99 par rapport à la moyenne belge (fixée à 100), celui de la Wallonie chute de 111 à 72, les deux courbes se croisant au milieu des années soixante. Bruxelles, quant à elle, se situe en 2000 à un niveau de création de richesse par habitant équivalant au double de la moyenne nationale.

    L’étude récente de M. Godin et J. Hindriks (« Disparités régionales et convergence économique : rattrapage économique wallon ? », Regards économiques, UCL, novembre 2015) complète cette analyse et examine la situation sur la période 2000-2013. Ils constatent que la disparité du PIB par habitant entre la Wallonie et la Flandre a baissé pendant la crise de 2007-2010 pour remonter ensuite et revenir au niveau de 2000. La Wallonie a donc mieux résisté à la récession économique que la Flandre. Depuis 2000, on constate également une faible évolution des disparités du PIB par habitant entre la Flandre et la Wallonie. Ces deux Régions réduisent leurs écarts par rapport à Bruxelles en termes de PIB par habitant, mais cela s’explique par une croissance démographique plus forte à Bruxelles. Enfin, les auteurs constatent que la contribution au PIB belge des trois Régions reste relativement stable sur la période :
    * 55 % pour la Flandre ;
    * 25 % pour la Wallonie ;
    * 20 % pour Bruxelles.

    I. Clerbois et Ch. Ernaelsteen (« Évolution des disparités de croissance régionale entre 1967 et 2013 », 21e Congrès des économistes belges de langue française, 26 novembre 2015) comparent l’évolution des croissances économiques régionales des 50 dernières années sur la base des taux de croissance réelle des valeurs ajoutées régionales aux coûts des facteurs. Ils constatent que les croissances régionales s’amenuisent toutes progressivement. Cette diminution est cependant plus marquée en Flandre que dans les autres Régions de sorte qu’en fin de période les taux de croissance régionaux sont fort semblables.

    Le récent rapport sur l’État de l’Économie wallonne (http://www.SOGEPA.be/fr/news/73_publication-du-premier-rapport-sur-leconomie-wallonne) constate également que, depuis les années 2000, les performances du PIB wallon sont même plutôt favorables en comparaison internationale. Elles s’approchent des évolutions flamandes sur l’ensemble de cette période (1,4 %).
    De manière générale, on constate donc que, après plusieurs décennies de crise, on assiste au XXIe siècle à une inversion de l’évolution de l’économie wallonne, peu spectaculaire certes, mais persistante, et ce malgré la crise économique la plus importante depuis l’après-guerre.

    Il est certes difficile d’évaluer l’impact du Plan Marshall, mais les mesures structurelles mises en œuvre depuis 10 ans ont permis de renforcer notre tissu économique et industriel. La poursuite d’une politique économique structurelle et proactive doit permettre désormais de permettre à l’économie wallonne de rebondir dès que les conditions économiques internationales seront plus favorables. C’est dans cet objectif que le gouvernement a lancé de nouvelles initiatives venant renforcer certaines politiques fortes comme les pôles de compétitivité. On peut ainsi citer le plan numérique lancé récemment ou encore le plan PME en cours de rédaction.

    En fonction de leur histoire économique propre et de leur tissu industriel spécifique, chaque sous-région de Wallonie connait un développement différent. C’est pourquoi certaines sous- régions bénéficient de mesures spécifiques notamment dans le cadre des fonds européens. Par ailleurs, il est irréaliste de penser que chaque sous-région connaitra un jour le même PIB par habitant. Certaines régions sont plus industrielles d’autres plus rurales. Ce qui est important c’est d’organiser la mobilité de nos forces de travail en fonction des différents pôles économiques et d’organiser des mécanismes de soutiens spécifiques pour certaines sous-régions.

    Les derniers chiffres de la comptabilité nationale pour les Régions s’arrêtent en 2014. Sur la base des premières estimations provisoires de l’ICN, l’économie wallonne s’est redressée en 2014 (+1,3 %, soit le même niveau de croissance que la Belgique). La valeur ajoutée à prix courants a progressé de 2 % (2 % en Belgique). La quasi-totalité de la reprise wallonne est à attribuer au secteur privé (Institut des Comptes nationaux, Communiqué de presse du 26 février 2016).