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La prostitution masculine

  • Session : 2015-2016
  • Année : 2015
  • N° : 341 (2015-2016) 1

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  • Question écrite du 15/12/2015
    • de BONNI Véronique
    • à PREVOT Maxime, Ministre des Travaux publics, de la Santé, de l'Action sociale et du Patrimoine


    Je souhaite profiter du rapport 2014 de Myria, concernant les cas recensés d’exploitation sexuelle dans notre pays, pour rebondir sur un phénomène peu visible mais pourtant bien réel : la prostitution masculine.

    Bien que des données chiffrées fiables soient difficiles à établir, on estime qu’entre un tiers et un cinquième des personnes qui se prostituent en Fédération Wallonie-Bruxelles seraient des hommes. Comme pour les prostituées, le portrait de ces hommes est difficile à établir.

    Toutefois, il semble que contrairement à ce qui se fait du côté des femmes, ces hommes soient jeunes voire très jeunes. Les clients de ces prostitués sont dans une très large majorité des hommes.

    On distingue différentes formes de prostitution selon la manière dont le client est approché : en rue, dans les bars, ou, c’est de plus en plus fréquent, via internet. Bien que la prostitution « virtuelle » se répande, la prostitution de rue existe toujours bel et bien et traduit souvent des situations de grandes vulnérabilités. En Wallonie, quelques ASBL aident, socialement et/ou médicalement, les prostitués.

    Bien que vu la clandestinité de la prostitution des chiffres fiables et représentatifs soient difficiles à obtenir, disposez-vous de données récentes concernant la prostitution masculine en Wallonie ?

    Quelles sont les ASBL qui aident les prostitués ? De quels moyens disposent-elles ?

    Comment se fait la sensibilisation auprès des hommes prostitués, sachant qu’il s’agit parfois d’hommes très jeunes ou de personnes immigrées ?
    L’approche est-elle différente que pour des prostituées ?

    Le site internet BNMP (Belgium Network Male Prostitution), rassemblant les différentes associations travaillant avec les hommes prostitués est-il très consulté ?

    L’un des défis majeurs demeure toujours la réinsertion socioprofessionnelle des prostitués.

    Monsieur le Ministre a-t-il des projets en la matière pour tenter d’y répondre ?
  • Réponse du 21/12/2015
    • de PREVOT Maxime

    Je me permets de faire observer à l'honorable membre que cette problématique concerne, certes le niveau de pouvoir régional, mais également celui de mes collègues de la Fédération Wallonie-Bruxelles, voire de l’État fédéral.

    Par exemple, l’ASBL « Alias » est un service bruxellois destiné au public cible des hommes prostitués qui bénéficie d’un financement de l’INAMI et de la FWB. J'invite l'honorable membre à consulter le rapport 2014 de l'ASBL sur son site Internet : http://www.alias-bru.be/rapport-dactivites-2014/).

    J’ai pointé quelques éléments d’information dans ce rapport qui apportent des éclairages intéressants sur ses questionnements et constats.

    Comme le signale l'honorable membre, le public des hommes prostitués est un groupe hétérogène, mobile, difficilement dénombrable et mal connu. Son profil peut différer selon les villes (Bruxelles/Liège/Namur) et les lieux de prostitution (rue, bars, parcs, parking, Internet, etc.).

    Il se révèle impossible de définir un « profil type » d’hommes prostitués, tandis qu’une quantification et une caractérisation exhaustives sont tout aussi difficiles vu que ce public est en partie « clandestin », tant par son statut de séjour que par l’activité de prostitution ou encore par sa (ses) pratique(s) sexuelle(s).

    Par ailleurs, le public rencontré par l’équipe d’Alias est un public relativement « jeune » et cela se confirme d’année en année. En 2014, 55% du public avait moins de 30 ans et 11% avait moins de 20 ans. Les auteurs du rapport constatent toutefois que la tranche d’âge des « 26- 30 ans » reste la plus représentée. Le jeune âge des hommes prostitués correspond apparemment aux difficultés relayées par le public de continuer l’activité de prostitution au-delà d’un certain âge.

    En Wallonie, à l’origine, l’objectif de l’ASBL Icar-Wallonie était de développer un travail de rue visant à rencontrer les garçons prostitués dans la ville de Liège. Depuis, un travail est également réalisé avec les femmes prostituées. Les services principaux sont l’accueil, l’écoute, l’aide administrative et juridique et l’accompagnement vers des services spécialisés ainsi qu’une permanence médicale. Icar intervient en première ligne et l’efficacité de son action réside dans un partenariat et une collaboration importante avec différents services sociaux publics et associations privées.

    Deux autres ASBL, Entre 2 Wallonie et Espace P sont également actives en Wallonie, couvrant avec Icar les besoins des différentes provinces wallonnes. Ces 3 ASBL s’adressent au public des personnes prostituées, quel que soit leur sexe.
    Le 27 mars 2014 a été adopté au Parlement wallon le décret modifiant certaines dispositions du Code wallon de l’Action sociale et de la Santé en créant des services d’aide et de soins aux personnes prostituées. Il a pour objectif de pérenniser l’action menée par les associations connues et reconnues sur le terrain par leur agrément et un subventionnement réglementé. En 2015, ces trois associations auront reçu plus de 423 000 euros de subventions en Action sociale, en plus des aides à l’emploi obtenues par ailleurs.

    Les services et structures sont constitués sous forme d’ASBL dont l’objet principal est de poursuivre les missions suivantes :
    - rompre l’isolement social ;
    - permettre une participation à la vie sociale, économique, politique et culturelle ;
    - promouvoir la reconnaissance sociale, notamment par le biais d’un accompagnement visant à l’insertion sociale ;
    - améliorer le bien-être et la qualité de la vie ;
    - favoriser l’autonomie ;
    - proposer une écoute et un accompagnement adaptés ;
    - améliorer l’accès aux soins et réduire les risques de transmission des IST et MST ;
    - assurer un hébergement sûr aux personnes qui souhaitent quitter un réseau de prostitution.

    Je n’ai pas d’information particulière concernant la fréquentation du site Belgium Network mal prostitution.

    En ce qui concerne la réinsertion socioprofessionnelle des personnes prostituées, je tiens d’abord à préciser que l’emploi et la formation ne relèvent pas de mes compétences.

    Mais je ne doute pas que le travail en réseau des services d’aide et de soins aux personnes prostituées intègre cette dimension importante qui est la suite logique du travail d’insertion sociale qu’ils réalisent : en effet, dans son art.6, le décret du .27 mars 2014 développe ce qu’il entend par « participation à la vie sociale, économique, politique et culturelle ». Il s’agit d’assurer :
    « une formation aux personnes qui souhaitent quitter un réseau de prostitution » et
    « lorsque les conditions sont réunies, un accompagnement visant à l’insertion socioprofessionnelle des personnes qui souhaitent quitter la prostitution ».

    Je souhaite en tout cas les encourager à travailler en ce sens notamment grâce au projet d’arrêté du décret en cours de finalisation qui sera soumis au Parlement wallon dans les meilleurs délais et constituera une reconnaissance de leur travail tout en entraînant une stabilisation et même une augmentation de leurs moyens.