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Le défi démographique en matière de logement

  • Session : 2015-2016
  • Année : 2015
  • N° : 198 (2015-2016) 1

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  • Question écrite du 17/12/2015
    • de STOFFELS Edmund
    • à FURLAN Paul, Ministre des Pouvoirs locaux, de la Ville, du Logement et de l'Energie

    Monsieur le Ministre a récemment déclaré que « La Wallonie se trouve devant un défi de taille. D'ici 2030, il manquera 300.000 logements. Ça reviendrait à construire 1.250 logements par mois. Nous sommes conscients que le logement public ne suffira pas. Il faut donc agir avec le privé. Avec la sixième réforme de l'État, nous avons désormais aussi la compétence sur le logement privé. Nous pouvons mettre en place des grandes réformes. ».

    Avec la meilleure volonté du monde, les autorités publiques locales et régionales n'auront pas des moyens budgétaires en suffisance, pour créer tous les logements nécessaires au départ du seul budget public, ni d'ailleurs pour moderniser le parc de logement existant, qui pose quelques soucis, sur le plan de la salubrité, de la sécurité et de la performance énergétique des bâtiments (PEB).

    Ne serait-il donc pas judicieux et nécessaire qu'il y ait entre les autorités publiques, les partenaires sociaux, le secteur de la construction et le secteur des finances un accord sur les objectifs en matière de création et de modernisation de 110.000 nouveaux logements d'ici 2025 et de 800.000 logements existants ?

    Ces deux chantiers mobiliseront probablement une vingtaine de milliards d'euros. Quelles initiatives Monsieur le Ministre compte-t-il prendre en la matière ?
  • Réponse du 04/02/2016
    • de FURLAN Paul

    En ce concerne la part du parc de logement à moderniser en priorité, la dernière enquête wallonne sur la qualité de l'habitat renseigne que, selon l’indice de salubrité classant le parc occupé en cinq catégories de très bon à très mauvais, 4,7 % des logements disposent d'un mauvais voire très mauvais indice de salubrité. On peut dès lors estimer, grosso modo, sur un parc existant de 1.662.102 logements, qu’il y a environ 78.119 logements à moderniser en urgence. Il faut toutefois tenir compte du fait que ces logements sont souvent occupés par des personnes en grande précarité qui peuvent difficilement apporter des moyens pour la rénovation même avec des incitations puissants (primes ou avantage fiscal).

    Pour rappel, entre 2006 et 2013 (deux dernières enquêtes sur la qualité de l’habitat), la part des logements occupés disposant d'un très mauvais indice de salubrité est passée de 3,9 % à 2,7 %, tandis que celle des logements occupés disposant d'un mauvais indice de salubrité passe de 3,7 % à 2 %. L’effort de réduction est activement poursuivi, mais il ne se fera pas en un jour.

    Si la part des logements disposant d'un indice de salubrité moyen estimée en 2013 à 18,7 % (contre 20,6 % en 2006) fait l’objet d’une modernisation, cela donnerait une estimation de 310.813 à rénover avec un degré de gravité intermédiaire.

    En ce qui concerne la création de logements nouveaux pour faire face au défi démographique annoncé, le nombre de constructions de nouveaux logements au cours des cinq dernières années (2010-2015) en Wallonie selon les données cadastrales est de 77.544 nouvelles habitations. Cela donne donc un rythme moyen de croissance de 15.509 nouveaux logements annuellement, soit 1.292 logements nouveaux en moyenne par mois. Comme l’honorable membre le rappelle dans sa question, j’ai indiqué précédemment une estimation de 1.250 logements à créer d’ici 2030 pour faire face au défi démographique. L’objectif peut donc être atteint. Il est donc impératif de maintenir le rythme de croissance que la Wallonie est parvenue à stabiliser malgré les conditions économiques difficiles dans le secteur la construction qui ont suivi la crise de 2008.

    La création de nouveaux logements en raison de l’augmentation du nombre de ménages doit aussi tenir compte de deux paramètres importants.

    D’une part, l’estimation du nombre de ménages du Bureau fédéral du Plan d’ici 2030 doit être précisée en tenant compte d’une vacance immobilière pour éviter que les marchés se tendent (et éviter ainsi une envolée des prix et des loyers). Selon le Bureau fédéral du Plan, il y aura par rapport à la situation actuelle 173.364 ménages en plus. En considérant qu’un ménage occupe un logement et que le taux de vacance du parc immobilier estimé reste inchangé à 6,5 % dans les années à venir, le parc devrait augmenter 186.662 logements entre 2015 et 2030 (soit par construction neuve, par transformations d’immeubles existants ou par division d’immeubles). Cela donnerait un nombre de 12.444 logements supplémentaires annuellement sur les quinze années considérées.

    D’autre part, le défi démographique est avant tout associé à un changement dans la composition des ménages à loger. Cette situation générera des besoins d’habitat différents du passé. Il faut donc encourager la construction de nouveaux types de logements, tels que les immeubles collectifs, ou favoriser la mobilité au sein du parc, à travers par exemple une forme de « bail glissant » ou l’amélioration des contrats de colocation comme le prévoit la note d’orientation sur la réforme du logement privé déposée en juillet dernier. En effet, si le nombre total de ménages augmente de 11,1 % entre 2015-2030, le nombre d’isolés augmentera lui plus vite de 22,8 % sur la même période, soit 126.258 isolés en plus qui devront trouver un logement adapté à leur âge et à leurs moyens. De même, les foyers monoparentaux augmenteront de 10,1 %, soit 20.519 unités en plus en Wallonie d’ici 2030 selon les prévisions. Tandis que, dans le même temps, le nombre de ménages mariés avec enfants aura chuté de 37.707 unités selon les dernières prévisions détaillées du Bureau fédéral du Plan (soit – 12 %).

    Concrètement, la déclaration de politique régionale 2014-2019, compte tenu du boom démographique, a prévu que la Wallonie s’était donné l’objectif de construire 250.000 nouveaux logements, privés et publics, d’ici 2030. Des mesures sont prévues sur deux leviers pour la création de nouveaux logements. Premièrement, en matière d’aménagement du territoire du territoire, une part significative des logements privés à créer d’ici 2030 se localisera dans des quartiers urbains et ruraux réhabilités ou de nouveaux quartiers, ainsi que dans une ou plusieurs villes nouvelles en extension des pôles urbains existants, exemplaires sur le plan urbanistique. Depuis décembre dernier, le plan des quartiers nouveaux en est d’ailleurs à l’appel à projets auprès des communes.

    Deuxièmement, en matière de logement public, afin d’atteindre les objectifs régionaux de 6.000 nouveaux logements publics, nous travaillons actuellement à un fonds d’investissement du logement pour mettre en œuvre les prochains ancrages communaux du logement. Comme l’indique la DPR 2014-2019, les modalités de financement pourront se réaliser par un mécanisme de droit de tirage spécifique, par lequel chaque commune sera encouragée, via le maintien du système actuel de sanctions, à créer un nombre minimal de logements afin d’atteindre 10 % de logements publics sur son territoire.

    Compte tenu des perspectives chiffrées évoquées plus haut, ces logements devront tenir compte des évolutions démographiques et sociales : des logements adaptables aux personnes âgées et handicapées permettant le maintien à domicile (en ce compris des résidences-services), des logements adaptés aux familles recomposées, des logements intégrant une mixité intergénérationnelle (de type habitat kangourou), le développement de projets pilotes d’habitat communautaire (coopératives de logements, logement social communautaire, etc.).