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L'éolien et les émissions de CO2

  • Session : 2015-2016
  • Année : 2016
  • N° : 273 (2015-2016) 1

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  • Question écrite du 18/01/2016
    • de STOFFELS Edmund
    • à FURLAN Paul, Ministre des Pouvoirs locaux, de la Ville, du Logement et de l'Energie

    La politique énergétique est du ressort du collègue de Monsieur le Ministre, mais celle de l’impact sur l’environnement est de son ressort.

    « L’éolien ne tient que la moitié de ses promesses en matière de CO2 ». Cette affirmation émane de « Vent de Raison » et repose en grande partie sur une étude de Eirgrid, le gestionnaire du réseau électrique irlandais.

    En effet, Eirgrid compare les émissions de CO2 de l’ensemble du système électrique irlandais sur une période d’un an où l’éolien produit 5.100 GWh sur les 34.200 GWh consommés, à un scénario dans lequel le vent ne soufflerait pas du tout. L’éolien permet d’économiser 826.00 tonnes de combustibles fossiles et de réduire les émissions de CO2 de 2,33 millions de tonnes, conclut Eirgrid.

    Mais si on examine les chiffres de CO2 produit par MWh, on voit que l’éolien, dont la production représente 15,3 % du total, ne réduit les émissions de CO2 que de 12,3 % et cela s’explique aisément. En effet, il faut compenser l’intermittence du renouvelable par l’arrêt et le redémarrage de centrales au gaz. Elles ne tournent donc pas à leur puissance optimale, ce qui augmente les émissions. Et c’est la première fois qu’un organisme public reconnaît que la substitution d’un MWh fossile par un MWh éolien n’est pas de 100 % mais bien de 80 %.

    Vu que les responsables de « Vent de Raison » ne sont jamais très loin lorsqu’il s’agit d’organiser la contestation citoyenne contre un projet de grand éolien, comment Monsieur le Ministre juge-t-il les propos recueillis dans la presse ? Même s’ils ont raison, n’est-ce pas déjà un bilan qui en vaut la peine ? Mais ne peut-on pas encore améliorer le bilan en ajoutant le temps pendant que les centrales à gaz produisent et en stockant l’énergie, certes intermittente ou en surabondance pour l’injecter sous forme de l’électron ou sous forme d’hydrogène (après électrolyse) dans la mobilité, secteur où l'on risque de ne pas atteindre l’objectif de l'Union européenne ?
  • Réponse du 11/02/2016
    • de FURLAN Paul

    Il n’est plus nécessaire de démontrer l’efficacité des éoliennes à réduire les émissions de CO2. Tout le débat lancé par Vent de Raison tourne autour du fait que les centrales à gaz, appelées à faire l’appoint pour équilibrer l’offre et la demande d’électricité, subissent des sollicitations fréquentes de leur régime de fonctionnement pour compenser la variabilité de l’éolien (phénomène de « cycling »). Ces variations induisent de légères pertes de rendement. Les données scientifiques indiquent clairement que ce phénomène reste très limité, contrairement à ce qu’affirme Vent de Raison.

    Robert Gross, directeur du Centre for Energy Policy and Technology à l’Université d’Imperial (UK) et maître de conférences en Énergie et Politique environnementale, a analysé les données empiriques provenant de pays où l’éolien a atteint un niveau de développement non négligeable tels que l’Irlande, le Danemark, l’Espagne, l’Allemagne et certains États américains(1). Le résultat de son analyse démontre que l’énergie éolienne réduit les émissions de CO2 liées à la production électrique.

    Les pertes de rendement dues à une modulation accrue des centrales à gaz appelées à réagir à l’intermittence du vent sont réelles, mais les émissions de CO2 supplémentaires qu’elles engendrent sont bien moindres que les quantités de CO2 évitées par l’énergie électrique produite par les éoliennes. Robert Gross conclut que les émissions associées aux pertes de rendement dues au cycling représentent tout au plus 1 % de la quantité d’émissions de CO2 évitée par la production électrique des éoliennes. Autrement dit : sur 100 % de CO2 évités grâce à la production des éoliennes, à peine 1 % est perdu par les émissions de CO2 associées au cycling. L’éolien est donc à 99 % positif en CO2 évité.

    Ces chiffres ont été confirmés par une analyse plus récente de la littérature scientifique réalisée par le GIEC en 2011 (Wiser et al., 2011) qui conclut à une perte en termes d’émission limitées à 3 à 8 %. En 2013, une nouvelle étude scientifique (Guitterez et al (2013)) a analysé la situation du parc de production espagnol caractérisé par un haut taux de pénétration éolien. Cette étude conclut que le facteur d’économie de CO2 par MWh produit est de l’ordre de 95 %.

    Sachant, que Vent de Raison de manière générale ne fournit en outre jamais la preuve ou la source de ses affirmations et dans les délais impartis, il n’est pas possible de vérifier les chiffres avancés par Vent-de Raison (réduction des émissions de CO2 que de 12,3 % et l’empreinte CO2 du mix de production électrique en Irlande).

    Par ailleurs, il est important de noter que la communauté scientifique parle d’une réduction globale des émissions de CO2 de l’ordre de 92 à 99 %, en fonction du taux de pénétration de l’éolien (en Wallonie, on serait plus proche de 99 %).

    Il est important de souligner que, dans la perspective de la transition énergétique en cours, ces productions renouvelables dites variables comme l’éolien ou le photovoltaïque vont connaître un foisonnement important, mais seront également amenées demain à être combinées à des technologies renouvelables stables et directement contrôlables (biomasse, hydroélectricité, géothermie,…), à une gestion intelligente de la demande, aux développements de capacités de stockage et à une amélioration de notre efficacité énergétique. Le phénomène de « cycling » de centrales à gaz sera de moins en moins présent et l’intérêt climatique de l’éolien n’en sera alors que plus grand encore.

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    (1) Robert Gross, The costs and Impacts of Intermittency,UK Energy Research Centre, Imperial, March 2006