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Les travailleurs victimes du dumping social

  • Session : 2015-2016
  • Année : 2016
  • N° : 120 (2015-2016) 1

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  • Question écrite du 22/01/2016
    • de STOFFELS Edmund
    • à TILLIEUX Eliane, Ministre de l'Emploi et de la Formation

    Le secteur de la construction n’est pas le seul touché par la problématique lancinante du dumping social. Des secteurs tels que le transport, l’Horeca sont également concernés et d’autres pourraient suivre dans l’avenir.

    Si on en croit les chiffres, dans le secteur de la construction le dumping social aurait déjà coûté 175.000 emplois sur cinq ans en Belgique et pourrait encore en coûter 200.000 supplémentaires d’ici 2018.

    Le secteur de la construction pèse très lourd, le nombre de travailleurs occupés ne cesse de diminuer et pourtant on constate une hausse globale du volume d’activité depuis 2010. Rien que pour la région liégeoise, 1450 travailleurs ont été des victimes directes du dumping social.

    Puis-je demander à Madame la Ministre de nous donner un bilan chiffré des effets du dumping social sur l’ensemble des secteurs  (construction, Horeca, transport, soins à domicile, tourisme…) ?
  • Réponse du 02/03/2016
    • de TILLIEUX Eliane

    Par « dumping social », il faut comprendre les pratiques frauduleuses de certaines entreprises étrangères qui enfreignent les législations relatives au détachement des travailleurs et qui organisent, sur le plan international, des pratiques dites de dumping social en ne payant pas ou en ne payant que partiellement les cotisations sociales.

    Le dumping social génère, effectivement, une concurrence déloyale avec les entreprises sérieuses et respectueuses des Lois et Directives par le biais d’un contournement des règles de protection des travailleurs, notamment par l’établissement du siège social d’entreprises dans un autre État de l’Union européenne.

    Au niveau fédéral, l’Inspection sociale s’attache à combattre plus particulièrement :
    - les faux statuts (les travailleurs détachés le sont sous un statut d’indépendant alors qu’ils travaillent sous l’autorité d’un employeur). Cette pratique se rencontre notamment dans les secteurs de la construction, de l’industrie alimentaire et de l’informatique ;
    - les faux détachements ;
    - les « montages » en matière de détachements ;
    - la délivrance de faux formulaires E101/A1 (c’est-à-dire les formulaires indiquant à quelles prestations sociales on a droit lorsque l'on se déplace dans l'UE).

    Dans le cadre de la lutte contre le dumping social, un plan d’action de lutte contre le détachement frauduleux de travailleurs de l’Union européenne en Belgique a été mis en place.

    Ce plan d’action prévoit :
    - la mise en œuvre de contrôles ciblés, effectués par des équipes spécialisées et coordonnées ;
    - des poursuites pénales transparentes et une lutte intégrée contre les phénomènes ;
    - des peines alourdies.

    D’après le Directeur général de l’Inspection sociale du SPF sécurité sociale, en ce qui concerne le nombre de travailleurs détachés en Belgique (au niveau national), on relève pour l’année 2015 :
    * 171.000 travailleurs salariés détachés, enregistrés avec un formulaire A1 ;
    * 15.475 travailleurs indépendants détachés enregistrés avec un formulaire A1.

    D’autre part, au cours de l’année 2014, 235.410 déclarations LIMOSA de travailleurs (salariés et indépendants) ont été effectuées.

    Il convient de préciser que le détachement ne constitue pas en soi une infraction. Ce que l’Inspection sociale vérifie, ce sont les conditions à respecter par les entreprises qui détachent du personnel (ces conditions sont fixées par deux règlements et deux directives européennes). Lorsque ces conditions ne sont pas respectées, on parle de dumping social.

    En ce qui concerne les secteurs les plus touchés par le dumping social, l’Inspection sociale a relevé qu’il s’agissait essentiellement des secteurs suivants :
    * les travaux immobiliers ;
    * l’industrie alimentaire (secteur de la viande) ;
    * le transport international de choses ;
    * la consultance, notamment informatique ;
    * le nettoyage industriel ;
    * les soins de santé.

    Selon les données de l’ONSS (source Limosa), plus de 20.000 travailleurs détachés - 2.000 indépendants et 18.000 salariés - (L’ONSS indique qu’il n’est pas possible d’attribuer une région de travail à l’ensemble des travailleurs détachés, certains d’entre eux étant détachés dans plusieurs régions lors d’une période. Dès lors, les chiffres avancés ne concernent que les travailleurs clairement identifiés comme ayant été détachés en Wallonie.) auraient presté au moins un jour, en 2015, en Wallonie, dans le secteur de la construction. Ceci représente une hausse de 43 % par rapport à 2013.

    Notons qu’une série de mesures ont été présentées paritairement au travers d’un « plan national pour la concurrence loyale dans la construction », en date du 8 juillet dernier, par la Confédération de la Construction. Ce plan comporte 40 résolutions proposées par les partenaires sociaux du secteur de la construction.

    L’Union Professionnelle du TRansport et de la logistique (UPTR) indique qu’au 01/01/2014, 5.384 employeurs occupaient directement 57.906 ouvriers.

    Selon les données de l’ONSS, le nombre d’ouvriers du secteur serait effectivement passé de 62.707 fin 2008 à 57.906 fin 2013, soit un recul de l’emploi de 4.801 unités.

    Soulignons que ce mercredi 3 février, le Secrétaire d’État à la Lutte contre la fraude sociale, Bart Tommelein, la Ministre de la Mobilité, Jacqueline Galant, le Ministre des Finances chargé de la Lutte contre la fraude fiscale, Johan Van Overtveldt et le Ministre des Classes moyennes, des Indépendants et des PME, Willy Borsus ont signé le « Plan pour une concurrence loyale dans le secteur du transport » avec les syndicats, les organisations d’employeurs et les administrations.
     
    Après l’accord dans le secteur de la construction signé en juillet 2015, la charte avec les services d’inspection dans le secteur des taxis et le lancement de la table ronde sur la fraude sociale dans le secteur du nettoyage, il y a désormais aussi un « Plan pour une concurrence loyale dans le secteur du transport ».

    Au niveau régional, je suis pleinement consciente de la menace sur l’emploi que représente la concurrence déloyale résultant de l’arrivée massive de nombreux travailleurs étrangers bénéficiant de conditions salariales et de travail bien moins bonnes que celles pratiquées dans notre pays, dans des secteurs demandant régulièrement une main-d’œuvre moins qualifiée, tels que la construction, la logistique ou encore le nettoyage.

    Comme j’ai déjà eu l’occasion de l’expliquer, au niveau régional, notre intervention se joue sur différents plans : renforcement des contrôles relatifs au dumping social effectués en première ligne par le service d’inspection sociale de la Direction des Marchés publics du SPW, d’une part, les cellules d’arrondissement, d’autre part, et, plus particulièrement, pour ce qui relève de mes compétences, insertion de clauses sociales (flexible ou de formation) dans les marchés publics passés par les pouvoirs adjudicateurs wallons.

    Avec mes Collègues du Gouvernement wallon, mais également avec les autorités fédérales, nous restons très attentifs aux développements de la législation européenne visant à lutter contre la concurrence déloyale et le dumping social dans l’intérêt de notre économie, mais également au regard des Wallonnes et des Wallons qui en constituent le moteur et dont le savoir-faire contribue à la compétitivité de nos entreprises.