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La taxe de la Ville de Liège sur les déchets assimilés aux déchets ménagers en rapport avec le principe d'égalité

  • Session : 2015-2016
  • Année : 2016
  • N° : 309 (2015-2016) 1

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  • Question écrite du 01/02/2016
    • de HAZEE Stéphane
    • à FURLAN Paul, Ministre des Pouvoirs locaux, de la Ville, du Logement et de l'Energie

    En date du 17 décembre 2014, la Ville de Liège a adopté un règlement relatif à la taxe urbaine sur les déchets assimilés aux déchets ménagers, appelés taxe urbaine non- ménages.

    Cette taxe est due par toute personne occupant un immeuble ou partie d'immeuble aux fins de l'exercice d'une activité commerciale, industrielle ou de service. Elle est fixée à un montant de 220 euros par an (sauf pour la personne physique exerçant son activité au lieu de son domicile, auquel cas la taxe est fixée à 65 euros).

    Il est assez logique de faire contribuer les personnes qui exercent une activité commerciale, industrielle ou de service sur le territoire de la Ville à l'enlèvement et au traitement des déchets et, de façon plus générale, au financement des missions de service public.

    En revanche, il apparaît difficile à comprendre que le montant de la taxe soit identique pour tous les contribuables assujettis (sauf le cas de l'exercice au lieu de son domicile), quel que soit le volume des déchets produits par l'activité commerciale, industrielle ou de service concernée ou quelle que soit l'ampleur de l'activité commerciale, industrielle ou de service concernée.

    Ainsi, une activité générant peu ou pas de déchets assimilés aux déchets ménagers devra contribuer de la même façon qu'une activité en générant davantage. De même, une personne dont l'activité représente un chiffre d'affaires important et qui emploie plusieurs dizaines de travailleurs paiera le même montant qu'une personne qui exerce par exemple une activité au titre d'indépendant à temps partiel, voire qui se lance – parfois avec difficulté – dans cette activité.

    Dans le même sens, les modalités prévues pour cette taxe conduisent les personnes qui exercent leur activité à plusieurs endroits à devoir la payer plusieurs fois pour le même exercice fiscal. Ainsi, à titre d'exemple, un avocat qui exerce son activité à mi-temps dans deux cabinets sera redevable d'un montant de 440 euros par an. Dans le même sens, un cabinet réunissant cinq ou dix avocats, fût-ce à temps très partiel, devra payer cinq ou dix fois la taxe de 220 euros par an. Ceci n'est qu'une illustration, mais la même problématique concerne aussi une série d'autres activités.

    Quelle a été l'analyse de l'autorité de tutelle à l'égard de ce règlement, qui a été soumis à son approbation dans le cadre de l'article 3131-1, § 1, 3° ?

    En soumettant à un même taux des personnes en situation très différente, ce règlement ne viole-t-il pas le principe d'égalité entre les citoyens ?

    Compte tenu de cette absence totale de proportionnalité et de ses modalités, ne constitue-t-il pas par ailleurs un frein important au lancement d'activités économiques et dès lors un préjudice au développement de l'emploi, autant qu'une absence d'incitation à une production de moindres déchets ?
  • Réponse du 17/02/2016
    • de FURLAN Paul

    Avant de répondre à cette question, je souhaiterais d’abord attirer l'attention sur le fait que comme quelques autres communes, la ville de Liège a préféré faire deux règlements-taxes distincts, un pour les déchets ménagers (taxe urbaine ménages) et un pour les déchets ménagers assimilés (taxe urbaine non-ménages), plutôt qu’un seul règlement relatif aux déchets ménagers et déchets ménagers assimilés.

    C’est ainsi qu’en date du 17 décembre 2014, la ville de Liège a adopté les deux règlements susvisés pour les exercices 2015 à 2019.

    Ceux-ci ont été approuvés en date des 9 (taxe ménages) et 11 (taxe non-ménages) février 2015.

    C’est en toute autonomie que la ville de Liège a fixé les taux forfaitaires des taxes urbaines susmentionnées comme suit :

    Taxe ménages :
    - 140 euros par ménage de plus d’une personne,
    - 85 euros par personne isolée ainsi que par logement offert en location.
    - 39 euros par ménage à faibles revenus de plus d’une personne
    - 26 euros par personne isolée à faibles revenus

    Taxe non-ménages :
    - 220 euros par immeuble ou partie d’immeuble affecté à l’exercice d’une activité commerciale, industrielle ou de service,
    - 65 euros pour la personne physique exerçant son activité au lieu de son domicile.

    Le règlement prévoit expressément que lorsqu’un immeuble ou une partie d’immeuble est affecté à une activité par plusieurs personnes, il est dû autant de fois la taxe qu’il y a de personnes qui affectent l’immeuble ou la partie d’immeuble concerné à cette activité pour leur propre compte.

    Pour rappel, ces taux de 220 euros et 65 euros et la clause relative à l’occupation par plusieurs personnes existent depuis l’exercice 2009.

    Quant au taux variable relatif à la vente des contenants (sacs-poubelle), aussi bien pour la taxe ménages que non-ménages, il est fixé à 1 euro par sac (au lieu de 0,60 euro avant l’exercice 2015.)

    Il faut savoir que le taux forfaitaire de la taxe ménages 2015-2019 a diminué de 15 euros par rapport au taux existant avant l’exercice 2015. Cette diminution a été présentée par la ville comme une compensation en faveur des habitants de la Ville eu égard à la majoration du taux des additionnels au PRI qui, en 2015, passent de 2.870 à 2.990 centimes. Avant l’exercice 2015 (et ce depuis l’exercice 2008), les taux « ménages » étaient de 100 euros pour un isolé et de 155 euros pour un ménage de plus d’une personne.

    Quant à la manière de définir les catégories de taux, il convient de relever que la ville jouit d’une pleine autonomie et a décidé de ne faire que 2 catégories de taux pour la taxe ménages (les isolés et les ménages de plus d’une personne) et de ne pas en faire pour les activités commerciales, industrielles ou de service.

    En fait, cette absence de catégorie dans la taxe sur les déchets ménagers assimilés est fréquente dans les règlements-taxes, car il est difficile de faire des catégories qui ne prêtent pas à la critique.

    Il appartient en effet à la commune de déterminer un taux de taxation pour chaque catégorie de redevable ainsi identifiée. À cet égard il est communément admis que les communes établissent des taux de taxation plus élevés pour les commerçants ou les professions libérales au motif que ces catégories de redevables sont censées produire plus de déchets que les personnes éliminant uniquement des déchets d’ordre privé.

    De même en ce qui concerne les ménages, il est habituel que des taux de taxation plus favorables soient accordés aux personnes isolées et aux personnes à faibles revenus par rapport aux ménages composés de plusieurs personnes. Tout en prévoyant un tarif spécifique pour tenir compte des situations à faibles revenus, la ville de Liège s’est contentée, et c’est son droit, de ne faire que 2 catégories de redevables en fonction de la composition du ménage alors que d’autres communes ont opté pour davantage de catégories.

    Cette question n’est en rien inégalitaire dans la mesure où la taxe forfaitaire répond au souci de la commune de répartir entre les contribuables au profit desquels le service d’enlèvement est organisé tout ou partie du coût de ce service ; que la méthode utilisée pour aboutir à cette fin consiste à identifier l’ensemble des redevables occupant tout ou partie d’un immeuble situé le long du parcours du service d’enlèvement des immondices, chaque point d’arrêt du service correspondant à un (ou plusieurs) redevable(s) ;

    Il faut également rappeler que si depuis la mise en œuvre de la législation relative au coût-vérité des déchets (AGW du 5 mars 2008), les déchets ménagers sont soumis à l’obligation de couverture du coût-vérité à concurrence de 95-110 % (l’idée étant d’atteindre un équilibre financier global entre les dépenses et les recettes liées à la gestion des déchets), il n’en est pas de même en ce qui concerne les déchets ménagers assimilés.

    La commune n’est d’ailleurs pas obligée d’en assurer la collecte. Si elle agissait de la sorte, les lieux où est exercée une activité commerciale, industrielle ou de service devraient obligatoirement recourir à un système privé de collecte des déchets.

    À cet égard, il convient aussi de relever que selon la circulaire du 30 septembre 2008 du Ministre de l’Environnement, la commune qui assure la collecte des déchets assimilés avec les déchets des ménages doit établir la part respective des recettes et dépenses afférentes aux deux catégories de déchets. Si elle ne peut l’établir avec précision, l’arrêté du Gouvernement wallon du 5 mars 2008 admet que les coûts de gestion des déchets assimilés soient renseignés – c’est-à-dire déduits – à même hauteur que les recettes prévues du fait de la gestion de ces mêmes déchets, la commune ne pouvant cependant en aucun cas faire supporter par les ménages le coût de la gestion des déchets assimilés ou non ménagers.
    De ce qui précède on en déduira donc que si la fourchette 95-110 % est d’application pour les déchets ménagers, elle ne l’est pas pour les déchets ménagers assimilés. Cela a pour conséquence que, dans les limites définies ci-dessus, la commune peut demander moins (95 %) ou plus (110 %) tandis que pour les déchets ménagers assimilés, le coût de leur gestion doit être à l’équilibre (100 %).

    Pour en revenir au problème du respect du principe d’égalité, il faut rappeler que la règle de l'égalité des Belges devant la loi contenue dans l'article 10 de la Constitution, celle de la non-discrimination dans la jouissance des droits et libertés reconnus aux Belges contenue dans l'article 11 de la Constitution ainsi que celle de l'égalité devant l'impôt contenue dans l'article 172 de la Constitution impliquent que tous ceux qui se trouvent dans la même situation soient traités de la même manière, mais n'excluent pas qu'une distinction soit faite entre différentes catégories de personnes pour autant que le critère de distinction soit susceptible de justification objective et raisonnable; que l'existence d'une telle justification doit s'apprécier par rapport au but et aux effets de la mesure prise ou de l'impôt instauré; que le principe d'égalité est également violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.

    Néanmoins, s’il ressort de la jurisprudence que lorsqu'une norme établissant un impôt vise des contribuables dont les situations sont diverses, elle doit nécessairement prendre en compte cette diversité, les règles de l'égalité et de la non-discrimination n'exigent pas que la norme appréhende toutes les situations particulières dans leur infinie complexité et module l'imposition en fonction des particularités de chaque cas, et elles permettent par contre à l’autorité normative de faire usage de catégories qui ne correspondent aux réalités que de manière simplificatrice et approximative.

    En l’occurrence, c’est ce qui a été fait par la ville de Liège, car la diversité des situations ne lui permettait pas d’envisager un taux spécifique par type d’activités et par importance de celles-ci.