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Le Syndicat national des propriétaires et copropriétaires (SNPC) et la question du fichage des "mauvais" locataires

  • Session : 2015-2016
  • Année : 2016
  • N° : 368 (2015-2016) 1

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  • Question écrite du 26/02/2016
    • de LEGASSE Dimitri
    • à FURLAN Paul, Ministre des Pouvoirs locaux, de la Ville, du Logement et de l'Energie

    Nous pouvions lire dans la presse récente que le Syndicat national des propriétaires et copropriétaires (SNPC) appelle à sanctionner les locataires qui ne payent pas de manière régulière leur loyer, ce qu'ils appellent la « grivèlerie locative ». Ils reconnaissent n'avoir pourtant aucune statistique face à l'importance des arriérés de loyers, mais ils souhaitent, d'une part, que les dettes de loyer fassent l'objet d'un fichage à la Banque des crédits, donc que les locataires n'arrivant pas à payer leur loyer soient « fichés ». Et, d'autre part, que les propriétaires puissent récupérer leur bien au plus vite.

    À ce sujet, selon la DPR, le Gouvernement wallon entend « raccourcir les délais de procédure de recouvrement des loyers impayés, prévoir la possibilité pour le propriétaire de saisir l'autorité compétente d'une mission de conciliation dès le non-paiement de deux mois de loyer (...) ».

    Il y a sans doute, certes, quelques personnes qui jouent avec les règles pour éviter de payer leur loyer, mais je suis certain que la majorité des locataires, qui n'arrivent pas à payer, se trouvent dans une situation compliquée et que les expulser de leur appartement dans une procédure express ne fera qu'accroître les problèmes d'exclusion et de détresse sociales.

    Mes questions sont donc les suivantes.

    Monsieur le Ministre peut-il garantir que les locataires continueront à être protégés comme il se doit face à des situations de crise et que les propriétaires ne pourront récupérer leur bien aussi rapidement que le voudrait le SNCP ? Qu'il faut donc continuer à privilégier la conciliation ?

    A-t-il des contacts avec le Gouvernement fédéral au sujet de leur volonté de ficher les locataires ayant des dettes de loyer ? Peut-il nous donner plus de détails à ce sujet ?
  • Réponse du 23/03/2016
    • de FURLAN Paul

    Le paiement irrégulier ou les arriérés de loyer constituent un problème auquel peuvent être confrontés aussi bien les bailleurs privés que les sociétés de logement de service public.

    Les impayés de loyer, lorsque la négociation avec le locataire n’est pas possible ou infructueuse, peuvent entraîner le bailleur à introduire une action en justice visant à obtenir, outre le remboursement des arriérés, la résolution du bail, avec des dommages et intérêts, la libération de la garantie locative à son profit et l’autorisation d’expulsion.

    Le juge de paix conserve un pouvoir souverain d’appréciation : il peut constater que le non-respect des obligations du locataire est à ce point grave et habituel qu’il convient de mettre fin au plus vite à la relation locative, tout comme il pourrait maintenir le locataire dans le logement en lui soumettant un plan d’apurement strictement encadré.

    Dès qu’un impayé de loyer survient, il est recommandé au bailleur de ne pas tarder et de contacter le locataire afin de déterminer s’il s’agit d’un problème ponctuel ou structurel et de trouver une solution négociée (cette solution pouvant être la résolution du bail de commun accord). Une mise en demeure s’imposera dans la plupart des cas, ainsi que la saisine du juge de paix à bref délai. Si un plan d’apurement est convenu, il devra faire l’objet d’un écrit, entériné par le juge, suite à une conciliation ou à une procédure en comparution volontaire.

    On conseillera au locataire de signaler toute difficulté qu’il rencontrerait dans le paiement du loyer.

    Les enquêtes menées par le SPF Economie sur les revenus et les conditions de vie des ménages montrent qu’en moyenne, de 2004 à 2012, 8,6 % des ménages wallons disent qu’ils n’ont pas été en mesure de payer à temps un ou plusieurs loyers pour des raisons financières.

    Dans l’étude commanditée par le Conseil supérieur du Logement sur les expulsions domiciliaires en Wallonie et rendue publique en janvier 2015, je relève que la condamnation la plus fréquemment prononcée à l’égard des locataires ou d’occupants est l’autorisation d’expulser (27 % en 2013), suivie de la condamnation à payer un ou plusieurs arriérés de loyer (26 % en 2013). De plus, note le rapport, l’autorisation d’expulser est étroitement liée à des arriérés de loyer (près de 75 % des jugements en 2013).

    Au-delà de la responsabilité individuelle des occupants et du cadre de la simple relation locative, le rapport sur les expulsions domiciliaires pointe aussi le fait que les impayés de loyer sont aussi la conséquence du risque accru de pauvreté ou de privation matérielle, soit du poids des dépenses en matière de logement qui grève le budget des ménages, ainsi que du risque accru de pauvreté ou de privation matérielle.

    Il convient donc de se garder d’avoir une vision binaire dans l’approche du phénomène des impayés de loyers.

    Ceux-ci s’inscrivent aussi dans un contexte de surendettement des ménages.

    Dans un marché immobilier tendu entre l’offre et la demande, on peut constater que les bailleurs, lors de la mise en location, sont de plus en plus exigeants dans la sélection qu’ils opèrent entre les candidats locataires au risque parfois de verser dans des pratiques discriminatoires.

    Compte tenu de l’avis qu’avait rendu à ce sujet la Commission pour le respect de la vie privée, le Centre pour l’Égalité des Chances et la lutte contre le Racisme, en collaboration avec l’Institut des Professionnels de l’Immobilier (I.P.I.) a ainsi dressé une fiche type des renseignements et des documents que peut demander un bailleur à un candidat locataire. Parmi ceux-ci figure la preuve du paiement à l’ancien bailleur des trois mois de loyer.

    À ce stade de la réflexion, j’aurais tendance à dire qu’il faut manier la carotte et le bâton, en jouant à la fois de mesures répressives comme préventives.

    Nous avons déjà évoqué le rôle central du juge de paix.

    Faut-il s’orienter vers un fichage des locataires mauvais payeurs ? Je ne le pense pas, car il s’agirait de stigmatiser certaines personnes qui vivent déjà des situations difficiles. Tous les locataires qui ne paient pas à heure et à temps ne sont pas des voleurs. Cela peut en effet être le résultat d’une période difficile dans la vie de la personne (perte d’emplois, divorce, …).

    Cette question n’est toutefois pas neuve : elle est déjà apparue en 2002 au moment de la volonté de mettre en place par le Syndicat national des Propriétaires des listes noires de locataires par le biais de la plateforme Checkpoint.

    Dans l’avis critique n°52/2002 qu’elle rendu le 19 décembre 2002, la Commission de la Protection de la Vie privée avait relevé que pareil d’affichage « est susceptible d'affecter un besoin ou un intérêt qui doit être considéré, sans contestation sérieuse possible, comme essentiel à la vie en société – en l'espèce, celui de disposer d'un logement. », conformément l’article 23 de la Constitution.

    Les marges de manœuvre apparaissent donc étroites entre la protection des intérêts privés et la défense de droits sociaux fondamentaux, à l’aune des principes de proportionnalité et de respect de la vie privée.

    La sensibilisation des CPAS à la mise en place d’un mandat irrévocable permettant d’assurer le paiement du loyer en lieu et place du locataire, ainsi que la réduction des procédures de recouvrement des loyers impayés, sont autant de pistes que j’explore dans le cadre de la réforme du logement privé.

    Nous aurons l’occasion d’en débattre lorsque je présenterai mes projets dans cette enceinte.

    Enfin, je m’en voudrais de passer sous silence l’action des agences immobilières sociales (A.I.S.).

    Les bailleurs, qui confient aux A.I.S. la gestion de leurs biens, ont l’assurance de la régularité du paiement des loyers et la garantie du bon entretien des lieux loués.