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Le double discours de l'administration concernant des dépôts de déchets gérés par la société Wanty

  • Session : 2015-2016
  • Année : 2016
  • N° : 662 (2015-2016) 1

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  • Question écrite du 16/03/2016
    • de TROTTA Graziana
    • à DI ANTONIO Carlo, Ministre de l'Environnement, de l'Aménagement du Territoire, de la Mobilité et des Transports, des Aéroports et du Bien-être animal

    Des dépôts de déchets gérés par la société Wanty sont actuellement au centre d'une polémique impliquant l'Office wallon des déchets (OWD) et l'Unité de la répression des pollutions (URP).

    Dans un cas, cela concerne plusieurs milliers de tonnes de sables de fonderie provenant des fonderies Magotteaux de Vaux-sous-Chèvremont et entreposées en bord de Sambre, entre Sambreville et Fleurus.

    Ce dépôt est visiblement illégal. Monsieur le Ministre confirme-t-il cette illégalité ? Ce dépôt contiendrait des sables toxiques (présence notamment de chrome VI) d'après des analyses de terres menées à l'initiative de la police fédérale et de l'URP (Unité de la répression des pollutions). Mais d'après l'OWD et la DGO3, qui selon les informations parues dans la presse auraient autorisé l'entreprise à valoriser ces sables sur des chantiers, le dépôt dont question ne serait pas contaminé.

    Eu égard à ce dépôt, Monsieur le Ministre peut-il faire la clarté sur la présence ou non de substances toxiques, la valorisation de sables contaminés sur des chantiers (et le cas échéant, peut-on déterminer quels chantiers ?), et la position formelle des différents services de l'administration impliqués dans ce dossier ? Au final, quelle est la responsabilité de la société Wanty et quelles sanctions s'appliqueront éventuellement à celle-ci ?

    Le deuxième dépôt dont il est question concerne des gravats issus des travaux menés à la gare de Mons. Toujours d'après les informations, l'URP estimerait qu'une partie de ces gravats est contaminée et devrait être traitée en conséquence. Pour l'OWD, il n'en serait rien et une valorisation pourrait être envisagée. Monsieur le Ministre confirme-t-il les positions de l'URP et de l'OWD ? Quelles sont les conséquences pour Wanty ?

    Comment Monsieur le Ministre explique-t-il ces différences de position de l'URP et de l'OWD ? Doit-on y voir un laxisme de la part de l'OWD par rapport à des pollutions ou au contraire de l'excès de zèle de la part de l'URP ?

    De manière plus générale, l'ancien directeur de l'URP dénonce une mainmise de l'OWD sur l'Unité, celle-ci étant désormais réduite à traiter des dossiers « insignifiants », ce qui se traduirait dans les faits à la fin du principe du pollueur-payeur en même temps que celle de l'URP. Quelle est la vision de Monsieur le Ministre en la matière ? Quelles initiatives prend-il pour restaurer l'efficacité de ces services et normaliser leurs relations au bénéfice de la qualité de l'environnement et de la lutte contre les pollutions ?
  • Réponse du 06/04/2016
    • de DI ANTONIO Carlo

    En ce qui concerne les sables de fonderie stockés à Sambreville, il faut préciser que ces matériaux sont classifiés comme des déchets et non comme des terres. Il faut donc appliquer la législation correspondant aux déchets.

    Dans le cadre d’un recours, le Département des permis et autorisations (DPA) a sollicité le Département des sols et des déchets (DSD) afin de remettre un avis sur les sables stockés à Sambreville. Il ne s’agit donc nullement d’un passe-droit, d’une opposition au Département de la police et des contrôles (DPC) ou au Parquet, comme le suggérait la presse.

    L’analyse du DSD se base sur la réglementation relative aux déchets qui identifie 15 caractéristiques de danger. On se base sur ces caractéristiques pour définir si des déchets sont dangereux. Ces critères de danger font référence aux caractéristiques de danger des produits, substances et préparations en général. Une des spécificités de ces critères est la présence ou non de chrome sous forme hexavalente.

    Le DSD a émis son avis sur base de 6 analyses issues d’un rapport toxicologique du CHU de Liège qui se basait sur des échantillons et analyses commandés par le parquet.

    L’analyse reçue par le DSD démontre que :
    - pour 5 échantillons, le laboratoire agréé n’a pas détecté de chrome hexavalent dans le lixiviat ;
    - pour le sixième échantillon, le laboratoire agréé a détecté du chrome hexavalent dans le lixiviat … mais cet échantillon a également fait l’objet d’une analyse du chrome total sur le lixiviat. En comparant les deux, il est apparu qu’il y aurait 30 fois plus de chrome hexavalent que de chrome total, ce qui est scientifiquement impossible. Il est donc vraisemblable que l’analyse de chrome dans le lixiviat de cet échantillon soit erronée.

    C’est sur cette base que l’Office wallon des déchets indique au Département des permis et des autorisations que le déchet considéré est à priori non dangereux, au regard de la réglementation en matière de déchets. Selon l’arrêté du 14 juin 2001 favorisant la valorisation de certains déchets, ces sables étaient dès lors susceptibles d’être valorisés.

    Ces déchets, repris dans l’arrêté du 14 juin 2001 sous le vocable « sables de fonderie liés à la bentonite » (code 100998), doivent être impérativement un mélange de silice et d’argile bentonite permettant le moulage d’articles métalliques. Après utilisation, ce type de sable est rebuté et est susceptible d’être réutilisé en empierrement, travaux de fondation, sous-fondation et accotement, moyennant le respect du cahier des charges Qualiroute. Cette réglementation stipule également que ces matériaux doivent être mis en place directement et ne peuvent faire l’objet d’un stockage.

    C’est pour cette infraction de stockage que la société Wanty se voit soumise à une taxation  sur la détention de déchets. Dans ce dossier, l’entièreté de la taxe de +- 2.500.000 euros n’est pas incontestablement due. La taxe incontestablement due correspond à 1.600.000 euros. La société dispose encore, à ce stade, de possibilités de recours pour le solde. La procédure de recouvrement relève de la compétence exclusive du receveur.

    Concernant la gestion d’une partie des matériaux issus des travaux de la gare de Mons, en septembre 2013, l’Unité de répression des pollutions (URP) est intervenue et a dressé un P.-V. à charge de la société WANTY, pour une gestion et une valorisation de déchets non conformes et une absence de permis d’environnement.

    L’entreprise a, par contre, obtenu en date du 1er juillet 2015 son permis pour exploiter une installation temporaire de stockage, de tri et de criblage de déchets inertes, pour ces déchets provenant des travaux de la gare de Mons, conformément à la réglementation en vigueur.

    Le DSD est, quant à lui, intervenu dans ce dossier en réponse à une question de procédure qui était portée à l’ordre du jour de la réunion des fonctionnaires techniques de ce chantier et non pas par rapport au P.-V. dressé par l’URP.

    Dans son avis, le DSD a estimé que la procédure d’enregistrement, prévue à l’article 13 de l’arrêté du 16 juin 2001, concernant des matériaux décontaminés, qui avait été estimée comme nécessaire par l’URP, ne s’imposait pas. Dès lors, les terres issues de la fraction passante du criblage, constituées à la fois de terres naturelles et de gravats fins indissociables pouvaient, si les paramètres de terres non contaminées étaient respectés, être valorisées directement.

    Les résultats d’analyses, qui ont été transmis aux agents de l’URP, ne révélaient pas de dépassement des normes de déchets dits « terres non contaminés ». Ces terres et gravats ont donc été évacués en juillet 2015 et valorisés selon l’arrêté du 14 juin 2001.

    Concernant les déclarations de l’ancien patron de l’URP, il faut remettre cette sortie dans la presse dans son contexte. Au cours de la législature précédente, le directeur de l'URP de l’époque a été licencié en septembre 2012. Cette décision a été motivée en raison de l'existence d'une conception divergente du rôle et des missions que doit exercer cette unité au sein du Département de la police et des contrôles (DPC), et plus largement au sein de la Direction générale de l'agriculture, des ressources naturelles et de l'environnement.

    Suite à ce licenciement, l’intéressé a introduit une action devant le Tribunal du travail de Namur. Dans son jugement, prononcé le 12 janvier 2015, le tribunal a estimé que la Région wallonne était redevable de l'indemnité forfaitaire de protection contre le licenciement. L’indemnisation a ainsi été octroyée par le Tribunal parce que ce licenciement est intervenu durant la période de protection dont il bénéficiait suite au dépôt d’une plainte pour harcèlement par ailleurs classée sans suite. En revanche, pour le reste, le tribunal a donné entièrement raison à la Région wallonne. Le licenciement n'a pas été jugé abusif.

    L’intéressé, en sa qualité d’expert auprès du DPC, avait la qualité d’agent de l’administration et non d’officier de police judiciaire, ce qui relativise quelque peu les relations entretenues entre lui, les parquets et l’administration.

    Il faut rappeler en effet que l'URP reste un service du DPC. Elle vient en appui des directions extérieures, plus spécifiquement dans les dossiers de grande délinquance environnementale, de flagrants délits et de déchets. Il est par conséquent tout à fait normal de se soucier que les décisions prises par ce service administratif soient en cohérence avec les autres décisions administratives prises par la même administration.

    Bien que l’intéressé ne soit plus à la tête de l’URP, le DPC dans son ensemble continue à constater des infractions environnementales, que ce soit des établissements sans permis, des dépôts clandestins, etc. Les chiffres permettent de démontrer que les activités de l’URP sont globalement en hausse. Entre 2009 et 2012, l’URP a initié, en moyenne, 275 dossiers/an. Pour 2013 et 2014, donc après le départ de l’intéressé, l’URP en a initié en moyenne 417/an.

    Outre le nombre de dossiers donnant lieu à une transaction, tous les chiffres sont en hausse. Le nombre de poursuites pénales et d’amendes administratives a quasiment doublé.

    Ce qui m’importe, à ce stade, c’est d’apporter la cohérence nécessaire entre les différents services de l’administration dans leurs avis remis, lorsque plusieurs d’entre eux sont consultés sur un même dossier. En collaboration avec le Directeur général, et par le biais de la mise en œuvre du contrat d’administration, j’entends bien y remédier rapidement.