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Le bilan du Conseil européen du 14 mars 2016

  • Session : 2015-2016
  • Année : 2016
  • N° : 362 (2015-2016) 1

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  • Question écrite du 21/03/2016
    • de DESQUESNES François
    • à COLLIN René, Ministre de l'Agriculture, de la Nature, de la Ruralité, du Tourisme et des Infrastructures sportives, délégué à la Représentation à la Grande Région

    Ce lundi, Monsieur le Ministre participait à un Conseil Agriculture crucial pour l’avenir de notre agriculture. Je sais qu'il a plaidé pour que la Belgique adopte une position forte afin d’assurer un prix rémunérateur des productions et de convaincre, en particulier dans les secteurs du lait et du porc, les autres États membres de l’urgence d’adopter des mesures structurelles, dont la mise en œuvre d’un nouveau mécanisme de régulation de l’offre, en remplacement des quotas.

    Monsieur le Ministre peut-il faire le point les résultats de ce Conseil ?

    Note-t-il des évolutions dans la position des autres États membres ?

    Allons-nous vers la mise en œuvre de mesures structurelles, notamment des mécanismes de régulation ?
  • Réponse du 13/05/2016
    • de COLLIN René

    J’ai participé très activement aux travaux du Conseil des Ministres européens de l’Agriculture du lundi 14 mars 2016. J’en suis ressorti déçu, voire frustré, car d’une part, ce Conseil n’apporte pas de réponse concrète et immédiate aux difficultés actuelles du secteur laitier et porcin et, d’autre part, il ne semble pas y avoir une volonté de la Présidence néerlandaise de donner la priorité à l’amélioration de la situation des marchés.

    Ce qui m’afflige le plus, c’est que la Présidence néerlandaise affirme dans ses conclusions que les actions doivent être basées sur la solidarité, mais que, quand on passe en revue ces actions, elles relèvent plutôt du chacun pour soi et encouragent la concurrence entre producteurs et entre États membres. Dix autres États membres ont également exprimé leur déception. (Lituanie, Portugal, République tchèque, Italie, Lettonie, Autriche, Hongrie, Grèce, Slovénie, Croatie)

    Le Commissaire Hogan a mentionné 13 actions à court et moyen termes pour répondre à la crise. Ces actions sont détaillées dans le communiqué de presse du Commissaire, disponible sur son site. Je me contenterai de commenter les plus importantes, celles qui ne sont pas la continuation de mesures déjà en cours depuis 2015.

    La plus novatrice est la possibilité pour les coopératives, organisations de producteurs (OP) et interprofessionnelles d’établir, sur une base volontaire et pour une durée déterminée, des accords pour réduire leur production et leur offre en lait. C’est une des mesures exceptionnelles prévues par l’article 222 de l’organisation commune de marché. Je dois préciser qu’à la demande de la Belgique, la Commission va analyser la possibilité légale d’étendre ce mécanisme au secteur de la viande de porc.

    La Commission a clairement indiqué qu’elle n’avait pas l’intention de compenser sur le budget européen de la Politique agricole commune (PAC) les efforts consentis volontairement par ces coopératives ou OP. Ce sont les opérateurs, avec ou sans soutien national/régional, qui devront trouver les moyens de motiver les producteurs à s’engager dans ces réductions volontaires.

    La Commission se limite à autoriser une aide d’État temporaire de 15 000 euros/exploitation/an (en dehors des aides de minimis) qui pourrait servir à financer ces réductions volontaires de production.

    Par contre, la Commission n’a pas clairement indiqué qu’elle comptait fixer des modalités communes pour la mise en œuvre de ces réductions.

    De plus, elle s’est clairement opposée à tout lien entre des efforts pour maîtriser l’offre et le bénéfice des outils de gestion des marchés.

    Il est donc tout à fait probable que, par exemple, si une coopérative décide de réduire de 3 % le volume de livraison de ses membres, cet effort soit anéanti par une hausse de production équivalente d’autres producteurs qui, par ailleurs, pourront continuer à placer à l’intervention leur surplus de production qui est la cause du déséquilibre du marché. On est donc bien loin d’une politique solidaire et plus encore d’une approche commune de la gestion de la crise ! Je suis donc convaincu que cet outil ne permettra pas de redresser les prix et qu’il ne contribue en rien à une meilleure gestion des marchés.

    La seconde mesure importante est un doublement des volumes maximum autorisés à l’intervention. On passe donc à 218 000 tonnes pour la poudre de lait écrémé et 100 000 tonnes pour le beurre. La Commission s’est par contre refusée à changer les prix d’intervention. Je vois cela comme un constat d’impuissance et une reconnaissance par la Commission que la crise sera longue … Il faut garder également en tête que plus les volumes stockés à l’intervention sont élevés, plus cela prendra du temps pour les écouler et plus ils pèseront longtemps sur les prix.

    Le troisième point important, réclamé depuis longtemps par la Wallonie, est l’établissement d’un observatoire des prix des viandes, en particulier de la viande bovine. C’est un acquis important, mais sans effet à court terme sur le marché du lait et de la viande porcine. De plus il faudra s’assurer que cet observatoire donne également des indications sur les coûts de production et sur les marges bénéficiaires et pas uniquement sur les prix.

    Concernant la viande porcine, rien de concret n’a été décidé si ce n’est que le stockage privé du porc sera rouvert en 2016 à un moment opportun au regard de l’évolution du marché.

    Le Commissaire a également lourdement encouragé les États membres à faire appel aux instruments financiers de la Banque européenne d’investissement (BEI), en clair, obtenir des facilités de crédit pour encourager la restructuration des secteurs. Restructuration, selon l’approche de la Commission, signifie plus efficace, plus grand et … disparition des plus petits et des moins efficaces. Ce n’est vraiment pas ma vision des choses.

    Pour le reste, la Commission continue à encourager la promotion, l’ouverture de nouveaux marchés et la levée des barrières non tarifaires pour augmenter la demande non européenne. Cette fuite en avant vers une demande accrue sans prévoir des mécanismes de gestion de l’offre a déjà prouvé son inefficacité.

    M. Hogan a également proposé de revoir la législation des aides de minimis pour en doubler le plafond (15 à 30.000 euros). Mais cela prendra plus de six mois !

    En conclusion : rien de concret à court terme, une politique de la concurrence, tant entre producteurs qu’entre États membres, orientée marché et une forme de renationalisation de la PAC.

    Je continue à faire pression au niveau belge et européen pour que de réelles mesures au profit des éleveurs soient mises en œuvre.