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Le soutien au secteur des logiciels libres en Wallonie

  • Session : 2015-2016
  • Année : 2016
  • N° : 267 (2015-2016) 1

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  • Question écrite du 22/03/2016
    • de HAZEE Stéphane
    • à MARCOURT Jean-Claude, Ministre de l'Economie, de l'Industrie, de l'Innovation et du Numérique

    Il y a quelques mois, Monsieur le Ministre a eu l'occasion de féliciter Sébastien Jodogne, chercheur à l'Ulg, pour la distinction qu'il a reçue de la part du prestigieux MIT de Boston pour son logiciel médical. Cette distinction est reconnue internationalement comme étant la plus haute distinction en termes de logiciel libre.

    Le logiciel libre est un modèle très intéressant surtout pour une région qui désire effectuer une transition vers un modèle économique circulaire. En effet, le logiciel libre, considérant le caractère ouvert de son code, peut faire l'objet de modifications et surtout de mise à jour ou d'adaptation par n'importe qui.

    C'est une caractéristique qui permet aux utilisateurs de ces logiciels d'être plus libres et de ne pas dépendre d'une entreprise en particulier, ni de sa situation. Cela offre plus de flexibilité aux utilisateurs. Cela ouvre aussi des possibilités importantes en terme de services et en termes de création d'emplois.

    La Déclaration de politique générale 2014-2019 n'évoque malheureusement pas le développement des logiciels libres.

    Que représente le secteur du logiciel libre aujourd'hui en Wallonie ? En particulier, Monsieur le Ministre dispose-t-il des données relatives à l'état du secteur : chiffre d'affaires, nombre d'emplois,... ?

    Quelles sont les initiatives prises pour soutenir le secteur du logiciel libre ?

    A-t-il déjà mesuré le potentiel de ce secteur, notamment en terme de création d'emplois et de valeur ajoutée ?

    Y a-t-il une réflexion commune avec ses collègues en charge de la Fonction publique et des Pouvoirs locaux pour une utilisation plus poussée des logiciels libres par l'administration wallonne ? Dispose-t-il d'une estimation des économies que cela représenterait pour les pouvoirs publics, notamment en termes de licences ?
  • Réponse du 22/06/2016
    • de MARCOURT Jean-Claude

    Le sujet de l’Open Source a largement évolué ces dernières années. Historiquement, le débat « Logiciel Open Source »/« logiciel propriétaire » a largement été pollué par une vision trop simpliste « gratuit » contre « payant ».

    De manière générale, tout développement informatique a un coût, qu’il soit en amont au moment du développement et de la commercialisation, ou en aval, au moment du déploiement, de la formation et du maintien.

    L’Open Source n’est donc pas automatiquement gratuit ou moins cher, comme l’ont montré de nombreux exemples de déploiement « pour le principe » obligeant ensuite à faire marche arrière pour des problèmes de compatibilité, de compétences informatiques ou encore, de produits dont le maintien n’est plus assuré.

    Au-delà de ce débat « pour/contre », forcément stérile, il est important d’observer que le paysage des Technologies de l’Information et de la Communication a très largement évolué ces dernières années, essentiellement sous l’influence des citoyens. En effet, ce sont eux aujourd’hui qui décident largement du succès ou non d’un logiciel ou d’une application.

    Dans sa question, l'honorable membre évoque ainsi l’exemple du navigateur Web Firefox, symbole du logiciel Open Source. Son succès croissant laissait à penser qu’il allait s’imposer définitivement. Or, un professeur d’Université me signalait récemment que, chaque année, il interroge ses étudiants sur les logiciels qu’ils utilisent le plus fréquemment et notamment leur navigateur Web. Il y a 4 ans, Firefox dépassait Internet Explorer de Microsoft. Cette année, seuls 2 ou 3 % des étudiants utilisent encore Firefox, la majorité d’entre eux utilisant le navigateur Chrome de Google, gratuit certes, mais dont la connexion avec l’ensemble des services de Google (Gmail, YouTube, applications Google Docs …) pose la question des données individuelles et de la vie privée.

    L’autre grand facteur d’évolution est le Cloud Computing ou l’informatique en nuage. De moins en moins de logiciels sont achetés. Ils sont désormais utilisés « à la demande » et « comme des services » par les utilisateurs privés ou professionnels. Là encore, le rival de la suite bureautique Office de Microsoft est désormais Google, avec ses services en ligne tels que Drive et Docs.

    Mais dans les faits, c’est de toute façon l’Open Source qui a gagné. Non pas en imposant des solutions « contre » les logiciels de Microsoft, Oracle ou SAP, mais en imposant un modèle informatique global basé sur les standards et l’interopérabilité, modèle que les acteurs dits « traditionnels » ont dû adopter. Ainsi, Azure, la plateforme de développement en mode Cloud de Microsoft permet aujourd’hui d’utiliser ses propres outils de développement, mais aussi la plupart des outils standards issus de l’Open Source.

    La véritable question n’est donc plus « avec quel outil développer », mais « comment développer » pour s’assurer une compatibilité et une interopérabilité avec d’autres applications.

    Les outils et standards émergent par leur qualité et leur capacité à répondre aux préoccupations des développeurs. Wordpress est aujourd’hui le système de gestion de sites Web le plus populaire, notamment parce qu’il est soutenu par de nombreuses communautés de développeurs auto-organisées. Il est l’un des symboles de la réussite de l’Open Source. Ce sont des développeurs de Twitter qui ont imposé Bootstrap comme un outil majeur pour le développement d’interfaces utilisateurs riches sur le Web. Et c’est en Belgique que sont nés Drupal, une des plateformes Web les plus populaires, ou, comme le mentionnait l'honorable membre, Odoo (ex-Open ERP).

    Le mouvement lié à l’Open Data répond à la même logique. Des formats universels ont émergé, qui permettent de faire interagir entre elles des données et des applications issues d’environnements informatiques très divers. Les freins à leur usage ne sont pas financiers, mais sociologiques.

    Ce mouvement « Open » est global et il réussit d’autant mieux qu’on le laisse se développer dans une démarche bottom-up plutôt qu’imposée par une forme d’idéologie.

    Ce dont les entreprises, mais aussi les citoyens, ont besoin pour mettre en œuvre des stratégies digitales innovantes, c’est de ce que j’appellerais des « terrains de jeux », notamment soutenus par le secteur public, par exemple, par des appels à projets impliquant une intensité digitale maximale. Ces terrains de jeux peuvent être mis en place en Wallonie, mais ils doivent dès le départ être envisagés avec une portée au moins européenne, voire mondiale, car c’est à ce niveau que la transformation digitale est à l’œuvre. Prenons l’exemple d’applications comme AirBnB ou Spotify, son innovation se situe au niveau d’un modèle économique disruptif, sans que personne ne se soucie véritablement des outils informatiques sous-jacents.

    Si l’on aborde la question du soutien à l’industrie du développement du logiciel, le point critique reste la compétitivité du coût du travail. Même les entreprises développant Open source font/feront appel à des développeurs des pays de l’Est ou d’inde.

    Les entreprises actives dans le Software Engineering connaissent bien le modèle open source et l’utilisent systématiquement, notamment pour maintenir un haut niveau d’innovation et de réactivité, et pour promouvoir leurs technologies qui seront alors intégrées, notamment en mode open source, comme des briques applicatives, dans d’autres suites logicielles. Un soutien spécifique en matière de recherche n’a pas donc pas nécessairement de sens en tant que tel.


    Le soutien doit plutôt se situer au niveau de l’innovation, les terrains de jeux, et donc des compétences disponibles.

    Au niveau des citoyens, comme l’illustrait l’exemple des étudiants évoqué ci-avant, la sensibilisation à l’Open Source pour le principe n’a pas beaucoup de sens non plus.

    C’est au niveau des compétences numériques globales qu’il faut agir, notamment dans les capacités de nos élèves à appréhender au plus tôt les logiques de la programmation informatique, des standards, de la manipulation des données, … Une fois ce socle de compétence acquis, ils feront des choix technologiques pertinents.

    La question des économies potentielles pour les ménages est de moins en moins pertinente. L’utilisation des outils de Google et, de plus en plus, ceux de Microsoft et de l’industrie logicielle est gratuite, même si une rémunération cachée intervient avec les données qui sont mises à disposition des géants de l’informatique.

    Enfin, l’Agence du Numérique a développé sa plateforme Digital Wallonia entièrement sur des outils et des standards ouverts. La qualité et le niveau d’innovation mis en œuvre viennent notamment d’être reconnus par la Communauté internationale Wordpress.