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La mise en sursis des intérêts notionnels

  • Session : 2015-2016
  • Année : 2016
  • N° : 289 (2015-2016) 1

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  • Question écrite du 30/03/2016
    • de STOFFELS Edmund
    • à MARCOURT Jean-Claude, Ministre de l'Economie, de l'Industrie, de l'Innovation et du Numérique

    La déduction pour capital à risque qui profite aux grandes entreprises est maintenant dans le collimateur de Washington.

    Sous la pression de Washington, les intérêts notionnels seraient en sursis.

    En effet, comme ils ne créent que peu d’emploi et de valeur ajoutée, ils se voient décriés par les uns et dans le même temps ils sont vantés par les autres parce qu’ils permettent d’attirer des investisseurs étrangers.


    La déduction pour capital à risque permet aux entreprises de déduire des intérêts fictifs (intérêts notionnels) en fonction de leurs capitaux propres.

    Objectif officiel : le renforcement des fonds propres. Objectif véritable : un régime d’exception fiscale destiné aux multinationales.

    L’Union européenne en exigeait la suppression.

    Grâce aux intérêts notionnels, les entreprises ont économisé 6,2 milliards d’euros d’impôts en 2012.

    « Est-ce fréquent ? En 2013, 228.142 entreprises ont pu bénéficier des intérêts notionnels, les trois quarts étaient des PME. Mais ce sont les 14.000 et quelques grandes entreprises qui se sont partagé 94 % des déductions accordées par le fisc », s'est exprimé dans Le Soir du 17 février 2016 le ministre des Finances.

    Donc, la déduction fiscale à risque profite bien aux grandes entreprises.

    La moitié de l’enveloppe des intérêts notionnels bénéficie à des entreprises de moins de 10 travailleurs, précisait le Conseil supérieur des Finances (CSF) à la mi-2014.

    En 2014, le CSF estimait que la suppression des intérêts notionnels ramènerait 1,5 milliard d’euros au Trésor, ce qui n’est pas suffisant pour financer une réforme en profondeur de l’impôt des sociétés.

    En effet, la suppression des intérêts notionnels ne ferait pas rentrer dans les caisses de l’État 6,2 milliards d’euros. Car si on les prive de cet avantage fiscal sur mesure, les banques internes des groupes multinationaux déménageront.

    Mon intention n’est pas d'inviter Monsieur le Ministre à commenter la politique fédérale en matière des « intérêts notionnels », mais de l'interroger quant à l’impact d’une remise en question de ceux-ci sur le tissu industriel (PME et non-PME) wallon et en particulier le monde du numérique.

    Y a-t-il un risque majeur de voir une partie de ce tissu détricoté si jamais les intérêts notionnels devaient être supprimés ?

    Peut-on imaginer qu’une partie des moyens récupérés grâce à la suppression sera affectée au développement numérique ?
  • Réponse du 24/08/2016
    • de MARCOURT Jean-Claude

    À l’origine, les intérêts notionnels visaient à compenser une forme d’inégalité entre les entreprises. Cette inégalité réside dans le fait que les entreprises se finançant par emprunt étaient en mesure de déduire une partie de la charge des intérêts tandis que les entreprises se finançant par fonds propres n’étaient pas en mesure de déduire cet investissement en capital, tout en étant également confrontées à un risque. Cela se concrétise par la possibilité de convertir virtuellement une partie des actifs de la société en investissement afin de réduire l’impôt à payer des sociétés.

    Cette mesure peut être activée par toute entreprise soumise à l’impôt des sociétés, de l’entreprise individuelle à la plus grande des multinationales, bien que diverses informations polémiques aient été diffusées dans la presse et les débats parlementaires de ces dernières années, arguant que les grandes entreprises étaient les principales bénéficiaires de cette mesure.

    L’idée principale était que cela permettait à la Belgique d’attirer des entreprises étrangères sur le territoire national du fait de cet avantage fiscal. La difficulté que les PME ont rencontrée est la difficulté relative de la procédure qui fait qu’elles ne maîtrisent pas toujours les rouages pour en bénéficier.

    Aucune étude n’a traité de cette mesure spécifiquement, mis à part une étude de la BNB de 2008. De ce fait, il n’est pas possible de chiffrer l’effet récent en termes de perte/gain d’emploi.

    De plus, une partie de l’impact de la suppression de cette mesure repose sur la détermination du nombre d’entreprises étrangères qui quitteraient le territoire, détermination qui comporte donc une très grande part d’ombre.

    Enfin, concernant l’effet de cette mesure sur les PME et, plus particulièrement, sur les entreprises numériques, il n’est pas possible d’apporter une réponse. En effet, les intérêts notionnels relèvent de la compétence fédérale et, par conséquent, la Région n’a pas de prise directe sur l’allocation du montant qui pourrait être récupéré dans le cas de la suppression des intérêts notionnels.

    Comme le rappelait l’étude de la BNB de 2008, un réel exercice de chiffrage de l’impact de la mesure requiert de travailler sur la base de données individuelles provenant des bilans des entreprises. Il faudrait donc isoler les bilans de chacune des entreprises actives dans le secteur numérique. Le fait que le secteur numérique soit un secteur transversal complique par ailleurs la mesure de l’impact.

    En tout état de cause et pour l’ensemble du tissu économique, l’impact des intérêts notionnels a diminué ces dernières années dans le même temps que la baisse des taux d’intérêt. Le taux majoré pour les PME est en 2016 de 2,30 % (taux normal de 1,6 %) contre près de 5 % en 2010 (taux normal de 4,5 %).

    Par ailleurs, comme l’évoque la revue économique de la BNB de décembre 2015, depuis l’exercice d’imposition 2013, les entreprises ne peuvent plus reporter à un exercice ultérieur des intérêts dont le montant dépasse la base imposable. De ce fait, le caractère moins favorable du dispositif fiscal conduit à une évolution plus stable de la moyenne du degré d’indépendance financière des sociétés.