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Les entreprises de travail adapté (ETA)

  • Session : 2015-2016
  • Année : 2016
  • N° : 877 (2015-2016) 1

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  • Question écrite du 20/04/2016
    • de WARNIER Ruddy
    • à PREVOT Maxime, Ministre des Travaux publics, de la Santé, de l'Action sociale et du Patrimoine

    Voilà quelques jours que nous avons appris que patrons et syndicats du secteur du nettoyage tiraient la sonnette d'alarme. En effet, leur secteur connaît une nouvelle forme de dumping social. Dans une communication commune, la CSC Alimentation & Services et la Centrale générale FGTB s'indignent du fait que les travailleurs d'Entreprises de travail adapté qui travail dans le secteur du nettoyage n'y sont pas rémunéré de la même façon que les autres travailleurs de ce même secteur. Ils dénoncent également des pertes d'emplois liées à cette différence salariale.

    Pour une catégorie 2 A, un travailleur du nettoyage gagne 12, 38 euros de l’heure. Pour un travailleur des ETA, ce sera 9,47 euros (dont 50 % sont financés par la Région wallonne car il s’agit d’emplois subsidiés).
     
    Pour le PTB, si l'intégration de la personne handicapée représente un réel enjeu, elle ne peut en aucun cas servir de prétexte pour faire pression à la baisse sur les conditions de travail dans quelque secteur que ce soit. Au contraire, la personne handicapée n'est pas une sous personne, elle a donc le droit d'être traitée de la même manière que les autres travailleurs de son secteur.

    Mes questions sont les suivantes :
    - que compte faire Monsieur le Ministre pour lutter contre ce dumping social ;
    - accédera-t-il à la demande que toutes les offres de marché public exigent que les travailleurs dépendent des commissions paritaires relatives au secteur dans lequel ils vont travailler et non celle de leur entreprise d'origine s'ils sont en travailleur extérieur ?
  • Réponse du 09/05/2016
    • de PREVOT Maxime

    La Commission paritaire pour les ETA, instituée par l’arrêté royal du 15 janvier 1991, porte le N° CP 327 et est compétente pour tous les travailleurs occupés en entreprises de travail adapté. Elle a été installée officiellement le 14 février 1992. Notons que les activités des ETA sont très diversifiées et que le nettoyage représente 4,36 % des travailleurs occupés.

    Le conditionnement reste le premier secteur occupant les travailleurs des entreprises de travail adapté avec 31,05 % des travailleurs, viennent ensuite l’activité du bois et l’horticulture, puis l’alimentation et enfin le nettoyage et le textile.

    La diversité des activités est une caractéristique qu’il convient de mettre en exergue. Cette diversité s’explique notamment par la nécessité de procurer à chaque travailleur une tâche adaptée à ses capacités, mais également par la volonté de limiter les risques économiques liés à la dépendance exclusive vis-à-vis d’un seul client. Si quelques entreprises de travail adapté continuent encore aujourd’hui à se cantonner dans des activités élémentaires et peu valorisantes, d’autres atteignent un stade d’industrialisation parfois très avancé et se spécialisent dans des créneaux bien spécifiques et porteurs.

    Une des difficultés pour le secteur des ETA est donc de découvrir ou de se maintenir dans les bons créneaux commerciaux et de s’adapter en permanence aux exigences du marché. Sans cet effort constant, le risque, pour les entreprises de travail adapté, de s’isoler du contexte économique général est important.

    Ce contexte rend impératif l’existence d’une Commission paritaire unique pour le secteur. L’une des missions principales de cette Commission est de conclure des Conventions collectives de travail (CCT) concernant les conditions de travail et de rémunération. Ces CCT, rendues obligatoires par arrêté royal, deviennent applicables à tous les employeurs du secteur « entreprises de travail adapté ». La CP 327 a également pour mission de prévenir ou de concilier tout litige entre employeurs et travailleurs.

    De son côté, le secteur du nettoyage occupe en Belgique environ 51.000 travailleurs, dont plus de 60 % de femmes. Elles travaillent surtout dans le « nettoyage habituel ». Les autres sous-secteurs sont le lavage de vitre, le nettoyage industriel, la collecte des déchets, le ramonage, et la désinfection. Le secteur compte environ 1 500 entreprises de tailles diverses.

    Comme les autres secteurs disposant d’une Commission paritaire, employeurs et travailleurs des ETA et du nettoyage doivent non seulement respecter le droit social en général (la législation et les conventions conclues au niveau interprofessionnel, dans le cadre du Conseil National du Travail), mais aussi les règles sectorielles, c’est-à-dire les conventions collectives de travail signées périodiquement par les employeurs et syndicats de leur secteur respectif.

    Pour répondre précisément à cette interpellation, je dirai d’abord qu’il faut comparer ce qui est comparable : les ETA ont l’obligation d’occuper, au sein de l’ensemble de leur personnel, au moins 70 % de travailleurs handicapés (la moyenne est cependant de 85 %). La perte de rendement de ces travailleurs est en moyenne de 61 %, sans compter le coût de l’encadrement nécessaire.

    Comparons ensuite une règle interprofessionnelle très générale : les salaires.

    Côté ETA, depuis 1999, les ETA ont dû payer un salaire égal à 100 % du Revenu minimum garanti. Des CCT ont également permis de rétablir une tension salariale entre les différentes catégories professionnelles. La Sous-Commission Paritaire 327.03 s’est aussi penchée sur la classification des fonctions du personnel de production en ETA. Un instrument de classification, dénommé « Ergo-Méta » a été élaboré sur mesure pour le secteur des ETA. Une nouvelle classification est entrée en vigueur en janvier 2010. Le nombre de catégories professionnelles est passé de 5 à 7 avec les barèmes minima suivants applicables aujourd’hui :
    Catégorie 7 : 11,5462 euros/h,
    Catégorie 6 : 10,5878 euros/h,
    Catégorie 5 : 10,2315 euros/h,
    Catégorie 4 : 9,9491 euros/h,
    Catégorie 3 : 9,7709 euros/h,
    Catégorie 2 : 9,5927 euros/h,
    Catégorie 1 : 9,4703 euros/h.

    Côté CP121, le salaire dépend de la classification du travailleur, c’est-à-dire du sous-secteur et de la fonction précise exercée, ainsi que de sa qualification. Au 1er janvier 2015, un travailleur de la classification 1A (nettoyage habituel) touchait 12,3305 euros.

    Je ne nie pas que le secteur du nettoyage, déjà touché par de multiples formes de concurrence (sous-traitance, travail au noir, faux indépendants, …) est confronté à une diversification des Entreprises de Travail Adapté. L’exemple le plus récent, relayé par la presse, est la firme Laurenty qui a perdu un chantier à l’intercommunale Igretec, chantier qui est revenu à une ETA, le Village N°1, sur base d’un marché public tout à fait classique.

    Cependant, il ne s’agit pas de dumping social ou de concurrence déloyale, car toutes les dispositions de chaque commission paritaire ont été respectées de même que l'ensemble des règles visant à garantir le principe de la liberté du commerce et de l'industrie au sein d'une économie de marché.

    De plus, les ETA ont des obligations spécifiques (normes d’agrément, quotas d’emplois, encadrement, …) et je constate que le secteur du nettoyage n’est pas soumis aux mêmes contraintes puisqu’il n’existe actuellement pas de quota d’emploi de personnes handicapées dans le secteur privé en Belgique.

    Enfin, je le dis clairement : rémunérer les travailleurs de l’ETA au même niveau que les travailleurs d’une entreprise donneuse d’ordre suivant la grille salariale et autres avantages de cette dernière est financièrement irréalisable tant pour les ETA que pour l’AViQ qui subventionne les salaires des ETA.

    Par contre, là où nous sommes d’accord, c’est quand les travaux se déroulent sous contrat d’entreprise. Par contrat d’entreprise, on entend tout contrat par lequel une ETA s'engage, moyennant paiement, à accomplir un travail manuel ou intellectuel au profit d'une autre entreprise, dans les locaux ou sur les chantiers de cette dernière, et sans la représenter.

    Les contrats d’entreprise ne peuvent effectivement, en aucun cas, détériorer les conditions de travail des travailleurs de l’entreprise utilisatrice. En d’autres mots : pas question pour une entreprise de faire appel à du personnel d’une ETA en licenciant parallèlement une partie de son personnel. Il appartient non seulement à l’AViQ d’être attentive à ce type de situation, mais aussi aux organisations syndicales afin de défendre au mieux les intérêts de tous les travailleurs, que ce soit des ETA ou des entreprises utilisatrices.