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La concurrence déloyale

  • Session : 2015-2016
  • Année : 2016
  • N° : 924 (2015-2016) 1

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  • Question écrite du 25/04/2016
    • de STOFFELS Edmund
    • à PREVOT Maxime, Ministre des Travaux publics, de la Santé, de l'Action sociale et du Patrimoine

    La CSC et la FGTB, dénoncent le fait que des travailleurs ETA (Entreprises de travail adapté) fassent des travaux de nettoyage sans avoir les avantages de la commission paritaire 121.

    Ils dénoncent une concurrence déloyale des ETA ou des entreprises d’économie sociale. Exemple : pour une catégorie 2A, un travailleur du nettoyage touche 12,38 euros/h, alors qu’un travailleur ETA est facturé à 9,74 euros/h dont 50 % financés par la Région wallonne.

    Le secteur du nettoyage n’a pas besoin de cela en plus, il est déjà assez bousculé par d’autres formes de concurrence (sous-traitance, travail au noir, faux indépendants, etc.).

    Le cabinet Prévot n’apporte aucune solution à ce problème, dénoncent-ils : « 95 % sont des femmes et n’ont même pas un mi-temps ».

    Monsieur le Ministre, on vous accuse donc, dans le secteur du nettoyage, de dumping social en instrumentalisant les travailleurs sous le régime des ETA.

    À bien comprendre ce qui se passe dans le secteur, on peut effectivement l’interpréter de cette façon. Et c’est d’autant plus interpellant qu’il s’agit d’un secteur qui occupe, pour une grande partie, des travailleurs à temps partiel, avec tout ce que cela entraîne sur le plan du revenu et de la protection sociale.

    Je considère donc la demande comme légitime de réunir la commission paritaire concernée pour qu’une solution juste et équitable puisse être trouvée.

    C’est une question de crédibilité et ce d’autant plus que le principal client des travailleurs ETA sont des services publics et qu’en plus, le travail est subventionné par la Région wallonne. Ne faut-il dès lors pas intervenir comme pouvoir subsidiant de façon à mettre tous les services de nettoyage sur un pied d’égalité lorsqu’ils rendent service aux organismes publics, question d’éradiquer la concurrence déloyale au sein d’un secteur déjà en difficulté ?
  • Réponse du 03/05/2016
    • de PREVOT Maxime

    La question qu'évoque l'honorable membre a été posée récemment par Monsieur le Député Ruddy WARNIER (question écrite 877).

    Je me permets donc de le renvoyer à la réponse ci-dessous :

    La Commission paritaire pour les ETA, instituée par l’arrêté royal du 15 janvier 1991, porte le N° CP 327 et est compétente pour tous les travailleurs occupés en entreprises de travail adapté. Elle a été installée officiellement le 14 février 1992.
    Notons que les activités des ETA sont très diversifiées et que le nettoyage représente 4,36 % des travailleurs occupés :

    Le conditionnement reste le premier secteur occupant les travailleurs des entreprises de travail adapté.

    La diversité des activités est une caractéristique qu’il convient de mettre en exergue. Cette diversité s’explique notamment par la nécessité de procurer à chaque travailleur une tâche adaptée à ses capacités, mais également par la volonté de limiter les risques économiques liés à la dépendance exclusive vis-à-vis d’un seul client. Si quelques entreprises de travail adapté continuent encore aujourd’hui à se cantonner dans des activités élémentaires et peu valorisantes, d’autres atteignent un stade d’industrialisation parfois très avancé et se spécialisent dans des créneaux bien spécifiques et porteurs.

    Une des difficultés pour le secteur des ETA est donc de découvrir ou de se maintenir dans les bons créneaux commerciaux et de s’adapter en permanence aux exigences du marché. Sans cet effort constant, le risque, pour les entreprises de travail adapté, de s’isoler du contexte économique général est important.

    Ce contexte rend impératif l’existence d’une Commission paritaire unique pour le secteur. L’une des missions principales de cette Commission est de conclure des Conventions collectives de travail (CCT) concernant les conditions de travail et de rémunération. Ces CCT, rendues obligatoires par arrêté royal, deviennent applicables à tous les employeurs du secteur « entreprises de travail adapté ».
    La CP 327 a également pour mission de prévenir ou de concilier tout litige entre employeurs et travailleurs.

    De son côté, le secteur du nettoyage occupe en Belgique environ 51 000 travailleurs, dont plus de 60 % de femmes. Elles travaillent surtout dans le « nettoyage habituel ». Les autres sous-secteurs sont le lavage de vitres, le nettoyage industriel, la collecte des déchets, le ramonage, et la désinfection. Le secteur compte environ 1.500 entreprises de tailles diverses.

    Comme les autres secteurs disposant d’une Commission paritaire, employeurs et travailleurs des ETA et du nettoyage doivent non seulement respecter le droit social en général (la législation et les conventions conclues au niveau interprofessionnel, dans le cadre du Conseil National du Travail), mais aussi les règles sectorielles, c’est-à-dire les conventions collectives de travail signées périodiquement par les employeurs et syndicats de leur secteur respectif.

    Pour répondre précisément à la question, je dirai d’abord qu’il faut comparer ce qui est comparable : les ETA ont l’obligation d’occuper, au sein de l’ensemble de leur personnel, au moins 70 % de travailleurs handicapés (la moyenne est cependant de 85 %). La perte de rendement de ces travailleurs est en moyenne de 61 %, sans compter le coût de l’encadrement nécessaire.

    Comparons ensuite une règle interprofessionnelle très générale : les salaires.

    Côté ETA, depuis 1999, les ETA ont dû payer un salaire égal à 100 % du Revenu minimum garanti. Des CCT ont également permis de rétablir une tension salariale entre les différentes catégories professionnelles. La Sous-Commission paritaire 327.03 s’est aussi penchée sur la classification des fonctions du personnel de production en ETA. Un instrument de classification, dénommé « Ergo-Méta » a été élaboré sur mesure pour le secteur des ETA. Une nouvelle classification est entrée en vigueur en janvier 2010. Le nombre de catégories professionnelles est passé de 5 à 7 avec les barèmes minima suivants applicables aujourd’hui :
    * Catégorie 7 : 11,5462 euros/h
    * Catégorie 6 : 10,5878 euros/h
    * Catégorie 5 : 10,2315 euros/h
    * Catégorie 4 : 9,9491euros/h
    * Catégorie 3 : 9,7709 euros/h
    * Catégorie 2 : 9,5927 euros/h
    * Catégorie 1 : 9,4703 euros/h

    Côté CP121, le salaire dépend de la classification du travailleur, c’est-à-dire du sous-secteur et de la fonction précise exercée, ainsi que de sa qualification.
    Au 1er janvier 2015, un travailleur de la classification 1A (nettoyage habituel) touchait 12,3305 euros.

    Je ne nie pas que le secteur du nettoyage, déjà touché par de multiples formes de concurrence (sous-traitance, travail au noir, faux indépendants…) est confronté à une diversification des Entreprises de Travail Adapté.
    L’exemple le plus récent, relayé par la presse, est la firme Laurenty qui a perdu un chantier à l’intercommunale Igretec, chantier qui est revenu à une ETA, le Village N°1, sur base d’un marché public tout à fait classique.

    Je ne pense cependant pas qu’il s’agisse de dumping social ou de concurrence déloyale, car toutes les dispositions de chaque commission paritaire ont été respectées de même que l'ensemble des règles visant à garantir le principe de la liberté du commerce et de l'industrie au sein d'une économie de marché.

    De plus, les ETA ont des obligations spécifiques (normes d’agrément, quotas d’emplois, encadrement, …) et je constate que le secteur du nettoyage n’est pas soumis aux mêmes contraintes puisqu’il n’existe actuellement pas de quota d’emploi de personnes handicapées dans le secteur privé en Belgique.

    Enfin, je le dis clairement : rémunérer les travailleurs de l’ETA au même niveau que les travailleurs d’une entreprise donneuse d’ordre suivant la grille salariale et autres avantages de cette dernière est financièrement irréalisable tant pour les ETA que pour l’AViQ qui subventionne les salaires des ETA.

    Par contre, là où nous sommes d’accord, c’est quand les travaux se déroulent sous contrat d’entreprise. Par contrat d’entreprise, on entend tout contrat par lequel une ETA s'engage, moyennant paiement, à accomplir un travail manuel ou intellectuel au profit d'une autre entreprise, dans les locaux ou sur les chantiers de cette dernière, et sans la représenter.

    Les contrats d’entreprise ne peuvent effectivement, en aucun cas, détériorer les conditions de travail des travailleurs de l’entreprise utilisatrice. En d’autres mots : pas question pour une entreprise de faire appel à du personnel d’une ETA en licenciant parallèlement une partie de son personnel. Il appartient non seulement à l’AViQ d’être attentive à ce type de situation, mais aussi aux organisations syndicales afin de défendre au mieux les intérêts de tous les travailleurs, que ce soit des ETA ou des entreprises utilisatrices.