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La pénurie de médecins généralistes en milieu rural

  • Session : 2015-2016
  • Année : 2016
  • N° : 981 (2015-2016) 1

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  • Question écrite du 11/05/2016
    • de COURARD Philippe
    • à PREVOT Maxime, Ministre des Travaux publics, de la Santé, de l'Action sociale et du Patrimoine

    En zone rurale, la pénurie des médecins généralistes est un constat qui ne cesse de s’aggraver.

    Selon les chiffres parus dans la presse, parmi les 44 communes de la province de Luxembourg, 6 disposent d’un médecin pour 1 800 patients.

    Si rien n’est fait, les prévisions tablent sur pire pour l’avenir. En effet, les communes concernées par cette désertification risquent de s’élever à 16 d’ici 2020 et à 24 en 2025.

    Par ailleurs, d’ici 2025, 5 communes risquent de se retrouver sans médecins. C’est d’ailleurs déjà le cas puisqu’il y a même certaines communes où il n’y a tout bonnement pas de médecins. C’est une réalité consternante.

    Enfin, il est prévu que dans 10 ans, on passe de 241 médecins en province de Luxembourg à 165, à supposer que la situation demeure similaire.

    Plusieurs explications sont avancées pour comprendre cette conjoncture. Une parmi celles-ci a trait au fait que le quota introduit par la Région wallonne, ayant pour objectif de parvenir à un équilibre entre généralistes et spécialistes, n’est pas respecté. Il y aurait trop de spécialistes pour beaucoup moins de généralistes.

    Au vu de ces constats, quelles sont les latitudes du Gouvernement wallon en la matière ?

    Quelles sont les mesures que Monsieur le Ministre pourrait prendre pour remédier à ces déficiences ?

    Comment restimuler l’intérêt des médecins à travailler dans les zones rurales, malheureusement, toujours le parent pauvre dans moult domaines et secteurs ?
  • Réponse du 01/06/2016
    • de PREVOT Maxime

    Avant de répondre à cette question, je me permets de préciser que ce n’est pas la Région wallonne qui fixe le quota de médecins généralistes et de médecins spécialistes. En effet, c’est l’Autorité fédérale qui définit les quotas de médecins et d’accès à la profession (Visa). Ensuite, c’est la Communauté française (via son Ministre de l’Enseignement supérieur) qui est chargée des « sous-quotas », c’est-à-dire les quotas dans chaque spécialité de médecine, dont la médecine générale, ainsi que de la formation et au final de l’agrément des médecins dans chaque spécialité.

    J’en profite également pour saluer les initiatives prises par la Province de Luxembourg pour inciter les médecins généralistes à exercer leur profession dans cette région. La pénurie de médecins généralistes est effectivement déjà une réalité dans cette province, mais, malheureusement, également dans un certain nombre de communes wallonnes.

    Les chiffres de l’INAMI pour l’année 2014 (dernière année disponible à l’INAMI) montrent qu’il y a des communes avec moins de 1 médecin pour 1 800 habitants dans toutes les provinces à l’exception du Brabant wallon. Dix communes en province de Liège, 5 dans le Luxembourg, 3 dans le Hainaut et 1 en province de Namur. Il y a même à Liège et dans le Hainaut des communes avec 1 seul médecin généraliste pour plus de 3 000 habitants !

    Le problème de pénurie de médecins dans les régions rurales est global et dépasse très largement les frontières de la Wallonie et de notre pays. Nos voisins européens sont nombreux à être confrontés à une situation similaire. La France a notamment développé le concept de « médecin-roi » qui consiste, face aux difficultés rencontrées, à faire du « clé sur porte » pour les médecins, les attirer dans les zones les moins bien desservies en leur offrant le logement, un emploi pour le conjoint, l'inscription en crèche pour les enfants, l'inscription en école pour les autres, ... En Norvège, dès que quelqu'un termine ses études de médecine, il a l'obligation de prester pendant cinq ans dans les zones les moins densément peuplées en tant que généraliste avant d'avoir l'autorisation, le cas échéant, de gagner la capitale pour ouvrir son cabinet. Ce faisant et pour info, il est bon de savoir qu’environ la moitié des médecins restent dans ces zones rurales.

    Pour pouvoir remédier à cette pénurie chez nous, la première chose à faire est d’avoir une idée précise de la situation. C’est pourquoi l’Observatoire wallon de la santé a été chargé d’établir un cadastre wallon des médecins généralistes, ce travail est en cours.

    En outre, des actions supplémentaires sont développées par la Wallonie pour lutter contre ce phénomène.

    Le Programme wallon de Développement rural (PWDR), soutenu par le Fonds européen FEADER, propose de soutenir les investissements (construction et/ou équipements) visant au développement d’Associations de Santé intégrée en milieu rural.

    Par ailleurs, un soutien financier spécifique est également octroyé aux ASI qui se voient octroyer une subvention complémentaire lorsque le siège d’activité de l’association est localisé dans une zone rurale qui compte moins de 150 habitants par km².
    Les cercles de médecins généralistes peuvent également bénéficier d’une subvention complémentaire s’ils se situent dans une zone à faible densité de population.

    Enfin, je ne peux terminer sans parler du dispositif Impulséo financé par la Région wallonne depuis le 1er juillet 2014. Pour rappel, une prime (20 000 euros) du Fonds d'impulsion (Impulséo I) vise à encourager l'installation de médecins généralistes dans des zones en pénurie nécessitant la présence de médecins généralistes supplémentaires. Je ne vais pas remettre en question cette prime d’installation, mais je souhaite la conditionner à une installation de minimum 5 ans dans les zones en pénurie.

    J’attire l'attention sur le dispositif Impulséo II, qui offre une intervention dans les charges salariales de l’employé(e) qui assiste un regroupement de médecins généralistes dans l’accueil et la gestion de la pratique. Concernant Impulséo III, et pour information, il vise à soutenir dans l'accueil et la gestion de la pratique les médecins travaillant seuls.

    Il y a matière à réfléchir sur cette question, d'autant que l'on se rend compte que concernant Impulséo, s'il a pu être un élément positif, on constate que, malgré tout, ce n'est pas suffisant. L'attrait financier, à lui seul, n'est pas suffisant pour encourager une série de médecins à s'installer dans les zones rurales. C'est souvent la charge liée à l'exercice des gardes et la volonté concomitante d'avoir une certaine qualité de vie qui sont pointées du doigt pour ne pas aller dans les zones où l'on risque d'être sollicité en permanence (puisque le médecin généraliste est quasi le seul à des kilomètres à la ronde).

    Si je suis parfaitement conscient de l’importance de prendre en compte la question de la pénurie de généralistes, l'honorable membre comprend aisément que les enjeux sont nombreux. Hormis ceux que je viens de citer, il y a la volonté d’inciter à une réorganisation des systèmes de gardes pour que celles-ci soient moins lourdes (mais l’organisation de la garde reste une prérogative du Gouvernement fédéral) ou encore encourager les pratiques médicales groupées.

    En conclusion, il me semble que l’ensemble de ces aides permet un soutien déjà appréciable au secteur. Néanmoins, il reste important de veiller à ce que l'on identifie les meilleures manières d'inciter les médecins et d'autres spécialistes à s'installer dans nos zones rurales.