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La pauvreté de 15 % des Belges

  • Session : 2015-2016
  • Année : 2016
  • N° : 252 (2015-2016) 1

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  • Question écrite du 11/05/2016
    • de STOFFELS Edmund
    • à TILLIEUX Eliane, Ministre de l'Emploi et de la Formation

    Le Service public de programmation (SPP) Intégration sociale montre que le seuil de pauvreté relatif est de 1.085 euros/mois pour une personne isolée et de 2.279 euros/mois pour un ménage composé de 2 adultes et 2 enfants. Il convient de noter également que le rapport indique que 21,2 % de la population belge présentent un risque de pauvreté ou d’exclusion sociale.

    Toutes les régions sont touchées par cette hausse : la Flandre + 8 %, Bruxelles + 6,6 % et la Wallonie + 13, 6 %. Le risque de vivre sous le seuil de pauvreté est surtout couru par les moins de 25 ans.

    La formation est un facteur important concernant ce risque. En effet, il est de 6,7 % pour les personnes ayant un niveau de formation élevé et grimpe à 25,8 % pour les personnes ayant un faible niveau de formation.

    Puis-je demander à Monsieur le Ministre de nous dresser un tableau concernant la pauvreté en Wallonie ? Puis-je également lui demander d’identifier les zones (par bassin de vie) particulièrement frappées par ce phénomène ? Et également de le mettre en relation avec le taux d’emploi par bassin de vie ?

    N’est-il pas urgent de mettre en œuvre des dispositifs qui cassent la logique de la transmission de la pauvreté d’une génération à une autre ? Question d’autant plus urgente que la pauvreté touche notamment les jeunes.
  • Réponse du 08/06/2016
    • de TILLIEUX Eliane

    En effet, la dernière enquête EU-SILC sur les revenus et conditions de vie, publiée en 2014 et portant sur les revenus 2013, montre que 21,2 % de la population belge présentent un risque de pauvreté ou d’exclusion sociale. En ce qui concerne l’importance du facteur de l’âge, la pauvreté est plus élevée chez les jeunes de 16 à 24 ans (20,4 %) et chez les enfants de 0 à 15 ans (17,9 %). Les conséquences de la pauvreté sur les jeunes ont d’ailleurs été étudiées en détail lors de l’enquête EU-SILC 2009 (SPF Économie - Direction générale Statistique et Information économique).

    Il ressort également de cette enquête sur les revenus et conditions de vie que les personnes qui ont bénéficié d’une formation de faible niveau courent un risque de pauvreté plus élevé (25,8 %) que celles qui sont très instruites (6,7 %).

    Plusieurs facteurs peuvent être identifiés pour expliquer cette situation :
    * Structurellement, les marchés accessibles à l’économie wallonne sont insuffisants pour absorber la capacité grandissante de production de valeur de la main-d’œuvre wallonne. La variable d’ajustement se fait par le chômage, la flexibilité et le temps partiel, tous facteurs de pauvreté.
    * Le seuil d’accès à l’emploi s’est fortement élevé en Wallonie ces trente dernières années.
    Au niveau d’exigence en compétences techniques en augmentation s’est ajouté un niveau d’exigence en compétences sociorelationnelles. Il en résulte qu’un nombre grandissant de travailleurs ont de fortes difficultés d’accès à l’emploi ou peinent à s’y maintenir.
    * En Wallonie, l’emploi reste un vecteur de protection du risque de pauvreté, mais le développement de la flexibilité et des technologies complexifient les parcours socioprofessionnels créant plus de moments de transition et de risques de rupture du parcours ou d’enlisement dans des phases de précarité, particulièrement dans les débuts de la vie active, et donc pour les jeunes. Dans un nombre grandissant de cas, l’emploi ne joue plus son rôle de protection face à la pauvreté. On parle d’ailleurs de travailleurs pauvres ou de « working poors ».
    * L’augmentation significative des conditions d’octroi du droit social ainsi que de la complexification de ces conditions rendent ce droit de moins en moins accessible. Aux conditions de situation sociale s’ajoutent les conditions comportementales. Ce qui fait appel à des compétences cognitives et sociorelationnelles d’un niveau plus élevé qu’une part grandissante de la population n’atteint pas dans son parcours éducatif. À l’augmentation significative de l’exclusion vient s’ajouter une augmentation des cas de renonciation aux droits, particulièrement chez les jeunes.

    Quant à la transmission intergénérationnelle de la pauvreté, celle-ci s’explique principalement par les facteurs suivants :
    * la reproduction sociale dans l’enseignement, phénomène bien documenté dans les recherches scientifiques et qui a comme effet que les difficultés et décrochages scolaires sont bien plus fréquents dans les milieux précarisés ;
    * la nature du réseau social des précarisés qui est un réseau de précarité. La mobilité sociale est alors bien plus difficile, suite à un phénomène de « cloche » qui bloque ou enroule les parcours.

    À cette transmission intergénérationnelle s’ajoute un phénomène plus récent, nommé le « déclassement social » qui a émergé courant des années 90, en parallèle avec la dégradation de la condition salariale. Ainsi, de jeunes générations n’accèdent plus au niveau de vie de leurs parents. Malgré les efforts consentis et le fait que la Wallonie résiste mieux que bien d’autres régions d’Europe, on voit une fracture de la société s’installer progressivement. C’est un défi pour l’innovation sociale en Wallonie.

    L’ensemble des politiques d’emploi et de formation visant l’insertion des publics les plus éloignés de l’emploi participe à lutter contre ces phénomènes. Ces politiques sont essentielles dans la lutte contre la pauvreté et sont érigées comme priorités de la déclaration de politique régionale. Par ailleurs, dans le cadre des politiques d’emploi et de formation, la Garantie pour la Jeunesse constitue un vaste programme ciblé sur l’emploi des jeunes.

    En outre, le Gouvernement a adopté un plan de lutte contre la pauvreté. La volonté de ce premier Plan de lutte contre la pauvreté est de compléter ces dispositifs existants par une politique intégrée visant toute personne vivant ou susceptible de vivre dans un état de pauvreté. L’objectif de ce plan est ainsi d’augmenter les leviers qui ont un effet direct sur la situation de déprivation matérielle des personnes.