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La mission économique en Inde.

  • Session : 2004-2005
  • Année : 2005
  • N° : 25 (2004-2005) 1

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  • Question écrite du 26/04/2005
    • de CRUCKE Jean-Luc
    • à VAN CAUWENBERGHE Jean-Claude, Ministre-Président du Gouvernement wallon

    La Région wallonne fut associée à la dernière mission économique présidée par le Prince Philippe en Inde. Bien que ce pays ambitionne d'être, d'ici 2030, la troisième ou la quatrième économie mondiale, il semble que de nombreux freins et difficultés y limitent l'exploitation des entreprises wallonnes :

    - les tarifs à l'importation sont peu transparents, ce qui engendre une insécurité pour les opérateurs économiques ;
    - ces mêmes tarifs sont alourdis par diverses taxes additionnelles ;
    - l'accès au marché est compliqué par de nombreuses entraves non tarifaires telles que des prescriptions disproportionnées en matière d'étiquetage et de marquage ;
    - le commerce de détail semble interdit aux prestataires des services étrangers, ce qui peut compliquer la commercialisation des biens de consommation occidentaux ;
    - la protection des droits de propriété industrielle et intellectuelle peut être source de problème à cause d'un caractère excessivement contraignant.

    Certaines entreprises wallonnes de la mission ont-elles été confrontées aux problématiques suscitées et des avancées, sur ces différents sujets, ont-elles pu être trouvées ?

    Quel bilan l'économie wallonne peut-elle retirer à court, moyen et long terme de cette mission ?

    Quelles opportunités en matière d'exportations, d'investissements et de collaborations ces deux missions ont-elles générées ?

  • Réponse du 20/05/2005
    • de VAN CAUWENBERGHE Jean-Claude

    Cette question de M. le Député Crucke me permet tout d'abord d'évoquer la représentation officielle des Régions dans les missions princières.

    N'ayant malheureusement pas pu participer à la mission princière en Inde qui s'est déroulée du 12 au 19 mars 2005, j'ai pu compter, d'une part, sur la représentation de la Région wallonne et l'accompagnement des entreprises wallonnes par M. Philippe SUINEN, Administrateur général de

    l'AWEX, et d'autre part, sur la représentation ministérielle de mon homologue flamand la Ministre Fientje MOERMAN.

    25 entreprises wallonnes ont participé à cette importante mission, sur un total de 110 entreprises belges. Celles-ci, j'y reviendrai, ont pu enregistrer d'importantes perspectives de signatures de contrats dans différents secteurs de pointe.

    Cette mission en Inde a été très bien accueillie, tant par les autorités indiennes que par le secteur privé. La délégation belge s'est rendue à Delhi, à Mumbaï et à Bengalore, où de nombreux contacts individuels avaient été programmés en fonction des souhaits des entreprises.

    Tenant compte des spécificités du marché indien, un accent particulier a été mis sur un certain nombre de secteurs clés, tels que les technologies de l'information, les biotechnologies, l'aéronautique, l'industrie spatiale, les ports, la logistique, l'environnement, les infrastructures, l'industrie automobile, le diamant et les services.

    Alors que l'aspect multisectoriel prédominait dans de nombreuses autres missions, on a pu constater dans le cas de cette mission qu'environ 80 % des participants relevaient de ces secteurs de pointe identifiés. Il va sans dire que cette concertation a eu un impact extrêmement positif sur l'organisation et l'efficacité de la mission.

    Pour revenir à votre interrogation sur les difficultés qui auraient pu survenir sur ce marché, il faut analyser plus avant le contexte structurel (fiscal, juridique, social, économique) de ce pays, en pleine croissance démographique et en pleine expansion économique.

    - En ce qui concerne les tarifs à l'importation, on a assisté à une importante baisse de tarifs en 10 ans, de 350 % en 1991 (période pendant laquelle l'économie était encore fermée et en autarcie) contre 35 % en 2001.

    En 2005, les tarifs de base sont passés à 20 % avec des réductions à 5 ou 0 %, notamment pour des projets dans le secteur des infrastructures. Cette tendance à la baisse devrait se poursuivre au cours des prochaines années pour être en conformité avec les exigences de l'OMC. L'insécurité économique des entreprises liée aux tarifs élevés à l'importation, devient donc de plus en plus limité.

    En plus des droits de base, il faut, comme vous l'évoquez, également tenir compte des droits additionnels et d'une taxe d'éducation récemment votée (taxe de 2 %) qui alourdissent et compliquent le calcul. Les entreprises doivent donc régulièrment évaluer ces taxes, au cas par cas, et en se servant d'un document récapitulatif réédité chaque année après l'élaboration du budget. Par ailleurs, il faut tenir compte des taxes locales (Etat par Etat) qui, elles aussi, font varier les prix de vente.

    L'Inde entretient des relations privilégiées avec des pays pour lesquels des droits très réduits ont été prévus comme la Thaïlande, les pays du SAARC (régime du SAPTA : South Asian Preferential Trade Agreement). A ce sujet, il faut noter que l'Inde a voulu signer un traité bilatéral préférentiel avec l'Union européenne qui n'a pas été accepté par celle-ci, car l'Europe veut rester dans un système purement multilatéral.

    - En ce qui concerne les entraves non tarifaires, notons d'abord, en effet, que l'étiquetage pose parfois problème car les Etats indiens imposent des taxes différentes pour un même produit, d'où un étiquetage du MRP (maximum retail price) variable. L'importateur se trouve donc contraint d'étiqueter les produits à l'entrée en Inde en fonction de la destination de ceux-ci.

    Le problème devrait se résoudre avec l'introduction de la TVA depuis avril de cette année, système qui permettra une uniformité des taux sur toute l'Inde ; néanmoins il faut reconnaître que la situation n'est pas simple actuellement car il existe encore une certaine confusion pour les entreprises, en raison du manque de préparation de celles-ci au nouveau système.


    Enfin, nous devons reconnaître que pour le marché indien, des problèmes liés à l'exigence de certificats phytosanitaires à fournir, et à des embargos fréquents sur les produits agro-alimentaires (la viande notamment) viennent parfois perturber le libre-échange.

    - En ce qui concerne le Commerce de détail, celui-ci n'est pas encore autorisé pour les grandes surfaces étrangères (Carrefour, Auchan, Metro, etc.). Il y a cependant une émergence de galeries marchandes dans les métropoles avec un style à l'occidentale qui commencent à apparaître, même si la force des petits commerces qui emploient plus de 40 millions de personnes retarde l'apparition des grands groupes étrangers.

    Mais la commercialisation des biens de consommation a bien réellement démarré, avec les marques coréennes, japonaises, et autres dans l'électroménager, l'audiovisuel, etc. ; il vaut mieux avoir une part de contenu local , c'est une règle générale, applicable dans le secteur automobile également.

    - Enfin, pour ce qui concerne la protection des droits de propriété industrielle, la loi indienne vient d'être modifiée, début 2005, pour être en conformité avec les TRIPS de l'OMC (les Accords sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce, ADPIC, mieux connus sous la dénomination anglaise de TRIPS). Les brevets pour de nouvelles molécules, notamment, sont maintenant acceptés, ce qui permettra d'attirer les sociétés étrangères en Inde pour des collaborations sur place, étant donné les avantages que ce marché présente au niveau de ses capacités à développer des médicaments (premier producteur de génériques du monde), et pour les tests cliniques. Notons que certaines concessions ont été prévues dans le cadre de cette nouvelle loi, pour maintenir la production de génériques à bas prix, tels les HIV drugs pour les pays les plus pauvres.

    Mais je reviens sur l'objet principal de cette question et la crainte que ces tracasseries juridiques, fiscales et administratives aient pu entraver la réalisation des résultats escomptés pour cette mission. Je voudrais insister sur le fait que les objectifs que se fixaient nos entreprises wallonnes ont été largement atteints, et que celles-ci ont pu démontrer que nous pouvons valoriser nos nombreux atouts et la qualité de nos produits, même sur des marchés spécifiques tels que l'Inde.

    Il faut à ce sujet rappeler l'augmentation des exportations vers l'Inde de plus de 27 % en moyenne annuelle, depuis 2001. Les 25 entreprises wallonnes venues en Inde lors de la mission ont été impressionnées par les possibilités de ce pays, méconnu et éclipsé par le grand voisin chinois. Le déficit d'image de l'Inde est un obstacle, mais les rendements d'investissements y sont supérieurs à la Chine.

    Des entreprises comme CMI, ID Levage, Lixon, Vigan, dans le secteur des infrastructures ont pu rencontrer des clients et même confirmer des commandes. De même l'exemple de Magotteaux, qui dispose à présent de sa propre filiale sur place, est une expérience pleine d'enseignements pour d'autres candidats wallons.

    Les niches du spatial et de l'aéronautique se sont par ailleurs montrées très porteuses : Alcatel Etca a déjà signé un contrat avec ISRO (Centre spatial indien), Techspace Aero et AMOS commencent à être bien connus à Bangalore et EHP, petite PME mais très dynamique, a trouvé un agent de représentation de ses produits sur place.

    Le secteur de la santé, notamment avec le succès de IBA, est à épingler et à saluer, car la société vient de signer une Joint Venture pour lancer la construction de trois centres de production de PET. D'autres comme Laboratoires SMB et Erigone ont pu présenter leurs recherches et résultats lors d'un séminaire organisé par l'AWEX à Delhi.

    Le secteur des produits de luxe n'est pas à négliger non plus, et les Cristalleries du Val Saint Lambert étaient présentes pour démarcher leurs produits de réputation déjà bien établie au 19ème siècle chez les Maharajas ...


    Par ailleurs, je voudrais rappeler que les collaborations qui se sont nouées ou renforcées l'ont également été en matière d'investissements étrangers, notamment si on se réfère à l'intérêt suscité par les séminaires organisés lors de cette mission pour vanter les avantages de la logistique.

    De plus, si l'Inde s'est lancée en Europe dans de nombreuses Joint Venture, dans le secteur des plastiques (France), des câbles électriques (Espagne), des composites et du freinage (Allemagne), ... les industries indiennes ont également une grande expérience dans la fabrication de machines-outils, dans le domaine des matériaux avancés (céramiques notamment), des nanomatériaux, des télécommunications et des services (call center), ... Pourquoi ne développeraient-ils pas ces compétences en Région wallonne ?

    C'est ce que souhaite voir développer mon collègue Jean-Claude MARCOURT, compétent en matière d'investissements étrangers. C'est un travail de longue haleine qui se met en place, via l'OFI qui, grâce à l'impact qu'a eu la mission princière dans ce pays, assure aux côtés des entreprises un suivi immédiat et constant des contacts engrangés sur place.

    Pour conclure, je dirais que le déclic Inde est à entretenir, c'est-à-dire qu'il faut pousser nos entreprises à y revenir après un premier contact pour se faire connaître et surtout pour connaître les partenaires, les clients et les mentalités et particularités du pays.

    Dans ce sens, des démarches telles que celles de l'approche culturelle intégrée, - démarche développée par l'AWEX qui consiste à accueillir des stagiaires étudiants ou des sociétés en Inde - ; contribuent à mieux faire connaître ce pays et devraient être renforcées par un accueil réciproque d'étudiants Indiens dans nos institutions d'enseignement en Wallonie.

    Toujours dans cette même idée d'aider les entreprises à entretenir régulièrement les liens développés avec leurs partenaires identifiés, le programme d'actions de l'AWEX prévoit d'organiser une mission économique en Inde tous les trois ans jusqu'en 2008. De la même façon, plusieurs initiatives en Inde sur le plan sectoriel seront inscrites au programme d'actions 2006 de l'AWEX.

    On le voit, le marché indien, qui constitue l'une des cinq Régions cibles (hors UE) de la Région wallonne en 2005 en matière de Commerce extérieur, s'est avéré avoir le potentiel escompté et détenir des atouts essentiels pour nos PME wallonnes, et nous devons continuer à accompagner nos entreprises dans leurs démarches d'exportations vers ce marché dificile, mais extrêmement prometteur en termes de développement d'activités.