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Les "Panama Papers"

  • Session : 2015-2016
  • Année : 2016
  • N° : 243 (2015-2016) 1

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  • Question écrite du 26/05/2016
    • de STOFFELS Edmund
    • à LACROIX Christophe, Ministre du Budget, de la Fonction publique et de la Simplification administrative

    D’après des nouvelles révélations du Soir, Knack, MO et De Tijd en partenariat avec l’International consortium of investigative journalists (CIJ,) l’identité de quelque 732 Belges figurerait dans les documents financiers fuités du bureau d’avocats panaméen Mossack Fonseca. Ces personnes seraient impliquées dans des montages financiers à Panama pour échapper au fisc belge.

    Pour l’expert fiscal Michel Maus, le nombre s’explique par les conseils donnés par les banques à leurs clients.

    Mais Febelfin conteste : « Nous n’avons jamais encouragé la fraude fiscale ».
    Quant à elle, la Deutsche Bank a admis avoir aidé des clients à établir des constructions off-shore à l’étranger, mais elle s’empresse d’ajouter que ces activités ne sont pas nécessairement illégales.

    Ne semble-t-il pas à Monsieur le Ministre qu’il faut adopter une attitude aussi ferme à l’égard de l’évasion fiscale qu’à l’égard du dumping social ?

    Dans les deux cas, on est dans ou très près de la « criminalité économique et sociale ». N’est-il pas utile d’œuvrer pour que des clauses soient inscrites dans les cahiers de charge excluant ceux dont on a les preuves qu’ils ont pratiqué l’évasion fiscale ?

    Je trouverais en effet très étrange que ceux, qui refusent de prendre leur responsabilité à l’égard de la collectivité puissent profiter de marchés publics financés par ces mêmes collectivités régionales et locales.

    Est-ce un thème sur lequel le Gouvernement wallon s’est déjà penché ?
  • Réponse du 22/06/2016
    • de LACROIX Christophe

    L’implication de personnes dans des montages financiers réalisés en vue de frauder le fisc belge, dont le cas échéant de sociétés pouvant déposer des offres dans le cadre des marchés publics passés en Région wallonne, pourraient bien avoir évidemment des conséquences sur la prise en compte ou non de telles offres.

    En l’état actuel de la législation, plusieurs hypothèses sont à distinguer :
    Hypothèse 1 : Cause d’exclusion facultative

    Un délit fiscal peut avoir pour conséquence le rejet d’une offre au stade du droit d’accès du soumissionnaire en application de l’article 61§2, 6° de l’arrêté royal du 15 juillet 2011 en matière de passation des marchés publics. Cet article vise les cas d’exclusions facultatives lorsque le candidat ou le soumissionnaire n’est pas en règle avec ses obligations relatives au paiement de ses impôts et taxes selon la législation belge ou celle du pays dans lequel il est établi.

    Toutefois, il est nécessaire que le montage fiscal litigieux soit manifestement illégal, ce qui n’est pas forcément le cas pour ce qui concerne les placements réalisés par certaines banques au Panama.

    Un éventuel délit fiscal, qui serait la conséquence d’avoir éludé l’impôt, se traduirait en une dette vis-à-vis du SPF Finances qui serait porté à la connaissance du pouvoir adjudicateur concerné via l’application Telemarc/digiflow (accessible à tout pouvoir adjudicateur qui en fait la demande).

    L’exclusion visée ci-dessus, pour autant que le délit fiscal soit avéré, reste néanmoins une faculté laissée à l’appréciation du pouvoir adjudicateur, qui jugera au cas par cas de l’opportunité d’écarter ou non l’offre frappée d’une cause d’exclusion.

    En toute hypothèse, cette décision doit figurer dans la décision motivée d’attribution du marché et la responsabilité prise par le pouvoir adjudicateur concerné de faire usage ou non de cette faculté d’exclure, se fera donc en toute transparence.

    Nul doute que face à une telle situation, un pouvoir adjudicateur, dans le cadre de son devoir de bonne administration, rejettera une telle offre.


    Hypothèse 2 : Cause d’exclusion obligatoire.

    Dans le cas où le délit fiscal pourrait être assimilé à du blanchiment de capitaux, le pouvoir adjudicateur n’aurait d’autres choix que d’écarter l’offre litigieuse en application de l’article 61 §1er 4° de l’arrêté royal du 15 juillet 2011 en matière de passation des marchés publics.

    Toutefois, l’article précité exige comme condition d’application l’existence d’une décision judiciaire ayant force de chose jugée, c'est-à-dire une décision qui n’est plus susceptible de recours (appel et/ou cassation) dont le pouvoir adjudicateur a eu connaissance.


    Hypothèse 3 : Les prix anormaux.

    Il est encore possible d’écarter une offre lorsque le pouvoir adjudicateur a détecté une anormalité de prix et qu’ensuite des justifications données par le soumissionnaire, il apparaîtrait que ce prix anormalement bas a pour cause une spéculation due à un délit fiscal tel que des placements irréguliers comme ceux réalisés au Panama.

    Cette hypothèse paraît cependant assez théorique, mais dans ce cas, le pouvoir adjudicateur aurait l’obligation d’écarter l’offre pour cause d’irrégularité substantielle.

    Je souhaite par ailleurs informer l’honorable membre des conséquences de la future loi sur les marchés publics – dont le texte a été adopté par la commission des Finances et du Budget de la Chambre en date du 2 mai 2016 – sur la problématique visée. Ce texte devrait entrer en vigueur en date du 1er janvier 2017 suivant les prévisions des services de la Chancellerie du Premier Ministre.

    Le nouvel article 68 du projet de loi sur les marchés publics érige en cause d’exclusion obligatoire le cas où un soumissionnaire ne satisfait pas à ses obligations relatives au paiement d’impôts et taxes et cotisations sociales moyennant certaines conditions (telles que le dépassement d’un certain montant desdites dettes fiscales – en principe 3.000 euros– et la non-régularisation de sa situation).

    Il est laissé au Roi le soin de fixer le type de dettes fiscales visées. J’ai d’ailleurs invité les représentants wallons à plaider auprès à la Commission fédérale des marchés publics de prévoir de manière spécifique les hypothèses d’évasion fiscale.

    En conséquence, il ressort de tous ces éléments, qu’il ne paraît pas pertinent à ce stade de prévoir de manière généralisée des clauses spécifiques à introduire dans les cahiers des charges dès lors que ces clauses feraient soit double emploi avec la réglementation en vigueur, soit créeraient un excès de compétence du pouvoir adjudicateur par rapport aux conditions fixées par le législateur.

    Je reste cependant attentif à la question et il va de soi qu’une réflexion plus approfondie serait menée par les services de mon administration en cas de nouvelles révélations plus spécifiques qu’une simple liste de noms.

    Enfin, je pense que la nouvelle réglementation permettra aux pouvoirs adjudicateurs de se montrer plus sévères via l’exclusion obligatoire des soumissionnaires délictueux en matière fiscale.