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La lutte contre le dumping social dans les marchés publics

  • Session : 2015-2016
  • Année : 2016
  • N° : 255 (2015-2016) 1

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  • Question écrite du 07/06/2016
    • de LEGASSE Dimitri
    • à LACROIX Christophe, Ministre du Budget, de la Fonction publique et de la Simplification administrative

    Le dumping social est un fléau qui progresse et contre lequel il faut lutter efficacement. Je salue donc la volonté du Gouvernement wallon de lutter contre ce phénomène dans les compétences qui sont celles de Monsieur le Ministre : les marchés publics.

    En effet, les marchés publics représentent près de 20 % de l'économie européenne. C'est donc un outil important et il va de soi que les pouvoirs publics se doivent d'être irréprochables en matière de dumping social.

    À ce sujet, j'aimerais donc poser quelques questions.

    L'imposition de la maîtrise de la langue sur les chantiers, en l'occurrence le français, est-elle une mesure qui sera réalisable ?

    En matière de sous-traitance, Monsieur le Ministre compte-t-il limiter à deux niveaux le nombre de sous-traitants, comme préconisé par la FGTB ?

    En matière de responsabilité solidaire, sera-t-elle effective pour le passé et pour l'avenir ?

    Quand peut-on s'attendre à voir la création d'une plateforme interrégionale sur la lutte contre le dumping social ?
  • Réponse du 28/06/2016
    • de LACROIX Christophe

    Les questions que pose l'honorable membre sont judicieuses et ont toutes été abordées lors de l’élaboration du guide « antidumping social » réalisé par la plateforme régionale « marchés publics durables ».

    En ce qui concerne la question de la langue, il convient d’être prudent sur l’utilisation de clauses linguistiques pour lutter contre le dumping social.

    Pour les documents administratifs, la situation est relativement simple : si la langue du marché est le français, le pouvoir adjudicateur est en droit de demander que tous les documents soient produits en français et s’il s’agit de documents qui n’existent que dans une autre langue, ceux-ci doivent être traduits. Le guide wallon « antidumping social » propose que la traduction soit exécutée par un traducteur juré, de manière à garantir que le contenu de la traduction soit bien conforme au contenu du document traduit.

    Quant aux contacts entre l’adjudicataire et les représentants du pouvoir adjudicateur et de l’inspection sociale, il est également relativement simple d’imposer l’usage de la langue du marché. Le guide wallon contient également une disposition contraignante à cet égard.

    En matière de langue utilisée sur le chantier par les travailleurs, la situation est plus complexe : l’exigence de langue ne peut contrevenir au principe européen de libre circulation des services. Dès lors, la justification d’imposer la langue française sur les chantiers doit être particulièrement motivée. Par ailleurs, imposer une exigence linguistique risque de mettre à mal la participation d’entreprises belges néerlandophones ou germanophones aux marchés publics passés en langue française. Des mesures aussi restrictives ne sont pas souhaitables en Belgique, car les activités économiques des entreprises ne se limitent pas aux frontières linguistiques.

    Par conséquent, pour lutter contre le dumping social, le guide pratique « antidumping » précise que : « Afin de promouvoir la sécurité et la qualité des travaux, les personnes présentes sur le chantier, y compris celles faisant partie du personnel du/des sous-traitant(s), exerçant des postes à responsabilité, notamment des postes de surveillance de chantier et d’encadrement d’équipe, doivent avoir une connaissance suffisante de la langue du marché ».

    Cette formulation permet de respecter la réglementation des marchés publics et les directives européennes, en contraignant toutefois les entreprises à avoir recours, pour les postes clés, à des personnes qui ont une connaissance suffisante de la langue du marché. Des pénalités spéciales sont prévues dans le guide wallon pour toute personne qui ne respecterait pas cette disposition.

    Enfin, en cas d’insertion de clauses sociales, l’encadrement des stagiaires apprenants sur le chantier doit également être réalisé dans la langue du marché, ce qui constitue une disposition légale qui contraint encore davantage les entreprises qui accueillent les stagiaires à pratiquer la langue du marché.

    En matière de sous-traitance, le guide wallon prévoit déjà de limiter à 2 le niveau de sous-traitance verticale. Une clause spécifique a été rédigée en ce sens, qui stipule que « Seul l’adjudicataire et ses sous-traitants directs pourront sous-traiter le marché, sauf autorisation expresse du pouvoir adjudicateur. L’adjudicataire prend toutes les mesures nécessaires pour que ses sous-traitants directs interdisent à leurs propres sous-traitants de sous-traiter tout ou partie de la part du marché qui leur a été confié ».

    Par ailleurs, des dispositions sont également prévues pour imposer aux soumissionnaires d’indiquer dans leur offre la part du marché qu’ils ont l’intention de sous-traiter et de communiquer la liste des sous-traitants auxquels ils envisagent d’avoir recours. Ces sous-traitants doivent par ailleurs satisfaire, en proportion de leur participation au marché, aux dispositions de la législation organisant l’agréation d’entrepreneurs de travaux et aux exigences de sélection qualitative imposées par les documents du marché.

    Concernant la responsabilité solidaire, le guide wallon rappelle aux entrepreneurs qu’ils peuvent être tenus solidairement responsables, sous certaines conditions, du paiement de dettes salariales et fiscales d’un sous-traitant si celui-ci manque gravement à ses obligations. La responsabilité solidaire est prévue par le Code social pénal et fait l’objet d’une circulaire du Premier Ministre du 22 juillet 2014 disponible sur le portail de la Région wallonne. Elle s’applique pour tous les marchés publics de construction, transport, de gardiennage et surveillance, de nettoyage, de transformation de la viande. Elle prévoit des sanctions financières et pénales en cas d’occupation de travailleurs étrangers en séjour illégal et de non-respect des obligations en matière de rémunération. Cette responsabilité pèse tant sur le pouvoir adjudicateur que l’adjudicataire et ses sous-traitants.

    Enfin, en matière de plateforme régionale pour lutter contre le dumping social, nous avons prévu la mise en place de la plateforme wallonne dès la rentrée, en septembre prochain. Cette plateforme sera notamment chargée d’assurer la cohérence avec les initiatives prises à d’autres niveaux de pouvoir, pour renforcer les effets des politiques menées. Il est possible que les échanges mènent à la mise en place d’une plateforme interrégionale, qui permettrait d’échanger sur les initiatives prises par les 3 Régions dans les compétences qui leur sont propres, mais aucune décision n’a encore été prise en ce sens. Je tiendrai informé si cela devait se décider.

    Le bâtiment mentionné concerne le siège régional de la SWDE et n’ayant pas la tutelle sur les matières visées dans la question, j’invite l’honorable membre à adresser sa question à Monsieur Carlo DI ANTONIO, Ministre de l’Environnement, de l’Aménagement du Territoire, de la Mobilité, des Transports et du Bien-être animal.