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Le retard de croissance de la Wallonie par rapport à la Flandre

  • Session : 2015-2016
  • Année : 2016
  • N° : 130 (2015-2016) 1

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  • Question écrite du 07/06/2016
    • de STOFFELS Edmund
    • à MAGNETTE Paul, Ministre-Président du Gouvernement wallon

    C’est l’histoire du chou vert et du vert chou.

    En effet, les derniers chiffres de croissance de la Banque nationale de Belgique (BNB) n’échappent pas à la règle.
    En 2014, on constate une croissance de 1,3 % pour la Région wallonne, c’est autant que la Belgique, mais cela représente 0,2 % de moins que la Flandre.

    Et même si le fossé à tendance à se réduire entre la Wallonie et la Flandre, il n’en reste pas moins que l’écart ne s’efface pas.

    L’IWEPS réagit de la sorte : « Ces chiffres provenant de la BNB sont moins optimistes. Nous sommes moins bons que l’on croyait, on misait sur une différence de 0,1 % avec la Flandre en 2014 et nous sommes à 0,2 % ».

    Le Professeur Pagano déclare « Il semble que la Wallonie est toujours dans la phase de stabilisation. On ne peut pas parler de rattrapage, même si le décrochage est terminé. Une décennie sera encore nécessaire pour rattraper la Flandre ».

    Si la Wallonie peine à rattraper la Flandre, c’est pour une bonne partie compréhensible du fait que la Région wallonne a pendant de nombreuses années privilégié investir des milliards dans le sauvetage des industries en déclin, ralenti certes, mais progressif tandis que la Flandre a commencé très tôt à investir dans la reconversion technologique et économique.

    Bien sûr que cela ne met pas à l’abri des aléas conjoncturels, mais cela permet quand même de se relever plus rapidement, ou alors de rattraper plus rapidement les régions les plus performantes de l’Europe. Les résultats du Plan Marshall témoignent pour une partie des effets d’une politique de reconversion.

    Dans cet ordre d’idées, ne faut-il pas davantage doter les politiques d’alliance emploi-environnement de budgets bien plus importants dans la mesure où cela permet de se positionner en pointe par rapport à un mouvement prometteur ?
  • Réponse du 27/06/2016
    • de MAGNETTE Paul

    Afin d’apprécier les mouvements économiques, il convient de prendre du recul. Il importe de sortir du niveau de la conjoncture afin de neutraliser les effets de la contingence et, ainsi, identifier les tendances générales qui se dégagent. C’est notamment le propos du discours sur l’état de la Wallonie que j’ai l’honneur de présenter annuellement devant l’Assemblée. Dans celui d’avril dernier, je mettais ainsi en évidence les éléments suivants :
    * Si l’on garde comme année pivot l’année 2005, soit celle du lancement de la dynamique « Marshall », on note que la croissance du PIB wallon (0,9 % sur la période 2005-2014) est légèrement supérieure à la moyenne de l’Union européenne (0,8 %), mais également supérieure à celle de la zone « euro » (0,6 %).
    * Sur la même période 2005-2014, la perte de croissance engendrée par la crise économique mondiale est quasi identique entre la Flandre et la Wallonie.
    * Ces données mettent en évidence la résistance de l’économie wallonne puisqu’elle surperforme par rapport à la moyenne européenne.
    * La bonne résistance de la Wallonie se confirme également lorsque l’on prend une échelle temporelle plus large puisque, sur la période 2000-2015, la Wallonie fait aussi bien que l’Union européenne (1,2 %), mieux que la zone euro (1 %) et même mieux que l’Allemagne (1,1 %).
    * Il convient cependant de se montrer prudent, car les séries ont été marquées par un changement récent de méthodologie dont les conséquences et les explications sont en train d’être calculées par l’Institut des comptes nationaux, la Banque Nationale et l’IWEPS.

    Par ailleurs, lorsqu’on replace la Wallonie parmi les pays de l’Union européenne ou parmi les régions de même importance (selon la hiérarchie statistique Nuts1), notre Région figure pratiquement à la médiane des 28. Cependant, comme le mentionne l’IWEPS, compte tenu de différences de taille et de concentration spatiale de l’activité au sein de ces pays, classer la Wallonie parmi des États peut être trompeur. La positionner au sein de l’ensemble de régions européennes apporte donc davantage de nuances. En ce sens, parmi les 98 régions européennes (identifiées au niveau Nuts 1), la Wallonie occupait, en 2013, le 54e rang, faisant ainsi mieux que d’autres régions avec lesquelles nous partageons un passé industriel comparable, comme le Nord-Pas-de-Calais (55e), le Yorkshire (55e) ou le Pays de Galles (72e).

    Cette évolution du PIB wallon n’est pas le fruit du hasard ni la simple manifestation des tendances internationales. Sans tisser un lien de causalité direct toujours scientifiquement hasardeux entre les politiques appliquées et la croissance du PIB, les actions entreprises par la Wallonie soutiennent cette évolution positive. Ainsi, parmi toutes les mesures mises en œuvre afin de créer plus de richesse sur notre territoire, la politique des pôles de compétitivité est un bel exemple de soutien au développement économique.

    Parler de l’évolution de la production intérieure n’a cependant véritablement de sens que si l’on prend en considération l’ensemble des flux qui sont produits en Wallonie et qui témoignent de la réelle capacité productive wallonne. Si l’on tient compte de ces effets de « débordement », la réalité et la place de la Wallonie dans le paysage économique fédéral apparaissent très différemment. Lorsque l’on intègre ces éléments, on ne parle plus de produit intérieur brut (PIB), mais bien de revenu régional brut (RRB). C’est une approche courante et, comme le mentionne l’IWEPS dans son rapport sur l’économie de la Wallonie, cette façon de « corriger » le PIB par l’ensemble des flux de revenus des résidents, en intégrant notamment les revenus des navetteurs wallons, donne une image plus proche de la réalité économique. C’est d’autant plus le cas en Wallonie compte tenu du fait qu’elle figure parmi les régions d'Europe les plus exportatrices de main-d'œuvre.

    Les revenus engrangés par les travailleurs wallons en dehors des frontières régionales (144.000 navetteurs en chiffres nets) dépassent en effet 11 milliards d'euros par an. Ainsi, en 2012, le RRB par habitant de la Wallonie s’élevait à 82 % du revenu national brut du pays, soit 8 points de pourcentage de plus que son indice de PIB par habitant (74 % du PIB par habitant de Belgique), ce qui fait passer son déficit par rapport à la moyenne européenne de 12 à 0 %. La même opération fait gagner 5 points à la Flandre, son indice passant de 101 à 106. En revanche, l’attribution des revenus de facteurs de production à leur lieu de résidence fait perdre 49 points à Bruxelles, dont l’indice s’établit, en 2012, à 126 % de la moyenne belge contre 175 % pour le PIB.

    Cela étant nous faisons face à des défis, dont nous sommes parfaitement conscients. Notre économie, de petite taille et très ouverte sur le monde, ne génère pas encore suffisamment de prospérité et d’emplois sur notre territoire. Si l’on tient compte de la richesse produite par des Wallons en dehors de notre Région, on constate que nous sommes dans la moyenne européenne. Et si l’on observe les effets induits de notre développement sur les autres Régions du pays, on remarque que nous contribuons largement à la prospérité flamande. Le solde commercial net de la Wallonie vers la Flandre est, en effet, pratiquement équivalent aux transferts nord-sud.

    Le Gouvernement agit en conséquence et, au-delà des dispositifs publics de soutien à l’emploi, les voies qu’il faut poursuivre pour intensifier notre redéploiement lui apparaissent clairement. Il s’agit :
    - d’encourager la révolution entrepreneuriale qui se manifeste en Wallonie, pour augmenter le nombre d’entreprises ;
    - de continuer à soutenir la croissance des entreprises qui en ont le potentiel, notamment en les aidant à accroître et à diversifier leurs exportations ;
    - et d’amplifier la diversification de notre tissu économique, notamment dans le secteur des services, afin de mieux capter en Wallonie les effets induits de notre développement et de générer un vrai écosystème économique susceptible de créer et garder de la richesse sur notre territoire, tout en répondant aux besoins des entreprises.