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Les préoccupations légitimes des citoyens de leur état de santé

  • Session : 2015-2016
  • Année : 2016
  • N° : 1116 (2015-2016) 1

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  • Question écrite du 08/06/2016
    • de STOFFELS Edmund
    • à PREVOT Maxime, Ministre des Travaux publics, de la Santé, de l'Action sociale et du Patrimoine

    Je reçois régulièrement des courriels, des courriers ou des coups de téléphone émanant de citoyens soucieux de leur santé. Nombreux sont celles et ceux qui font part d’une augmentation significative du nombre de cas de cancers dans leur région. Parmi les substances soupçonnées, on trouve entre autres les pesticides, mais aussi les dioxines (liées à l’incinération des déchets).

    N’est-il pas utile de prendre contact avec les médecins (généralistes) de la zone concernée et d’enquêter, avec leur aide, sur l’ampleur du phénomène, ses causes et ses remèdes ?

  • Réponse du 29/06/2016
    • de PREVOT Maxime

    Comme l'honorable membre, mon Administration et moi sommes régulièrement interpellés par des citoyens concernés par l’impact de l’environnement et de leurs conditions de vie sur leur santé.

    En fonction des problématiques et de l’interlocuteur (citoyen, administration communale, médecin,…), la Direction de la santé environnementale, la Cellule permanente environnement santé ou d’autres structures de l’Administration wallonne prennent en charge le cas, l’investiguent et reviennent vers le demandeur.

    Force est de constater que souvent le constat porté par le citoyen n’est pas confirmé par l’investigation menée par l’administration. De fausses idées circulent en effet sur le cancer et l’impact de l’environnement, et cette question écrite me donne l’occasion d’en revenir à des faits objectifs et scientifiques. Nombre de citoyens pensent percevoir une augmentation du nombre de cancers aux alentours de leur habitation, beaucoup s’en inquiètent et s’expriment parfois avec des expressions fortes : ils pensent vivre dans des nids à cancers.

    Souvent cette perception ne reflète pas la réalité ! Passée au crible d’une analyse scientifique, il apparaît que rien ne laisse supposer une atteinte sanitaire. De fausses idées, ancrées dans l’inconscient collectif, et dont internet est le vecteur, mais également une vulgarisation à outrance qui fait prendre des vessies pour des lanternes conduit à voir des épidémies de cancers là où il n’y a souvent qu’une atteinte normale d’une population vieillissante. Le cancer n’est en effet pas une maladie rare. Un homme sur 3 et 1 femme sur 4 sera confronté à la maladie avant leur 75e anniversaire. En 2012, selon la Fondation registre du cancer, c’est plus de 65.000 nouveaux diagnostics de cancer ( à l'exclusion des cancers de la peau non-mélanomes) qui ont été enregistrés en Belgique. Parmi eux, on dénombrait malheureusement 313 enfants.

    Je n’affirme pas qu’il ne puisse exister de clusters cancers en Wallonie. Des situations dramatiques comme celles de Tarcienne sont là pour nous rappeler que ces évènements peuvent arriver sans que le facteur environnemental n’ait pu être incriminé.

    Oui, l’environnement joue un rôle, mais il faut comprendre l’environnement au sens large. Il ne s’agit pas ici de stigmatiser une pollution environnementale, mais bien de considérer simultanément la qualité de l’air extérieur et intérieur, l’alimentation, les habitudes de vie au premier rang desquelles le tabagisme et même l’exposition sur le lieu de travail.

    Les causes du cancer sont en effet multifactorielles. Et chaque type de cancer a ses propres causes. Associer dans une même rue différents types de cancer ne veut donc certainement pas dire qu’ils sont liés à une même cause. Et n’oublions pas la latence très longue, soit en dizaine d’années entre l’exposition et le diagnostic de cancer. Des liens erronés de cause à effet sont donc aisément établis.

    L'honorable membre cite dans sa question les dioxines et les pesticides.

    Les premières ont fait scandale, mais leur émission par les incinérateurs est aujourd’hui bien contrôlée et chacun peut suivre grâce au Réseau de contrôle des émissions de dioxines des incinérateurs publics de déchets (http://environnement.wallonie.be/data/air/dioxines/index.htm), la quantité de dioxines et de furannes rejetée dans l’atmosphère.

    Par contre, l’incivisme de nos concitoyens qui brûlent au fond de leur jardin des déchets notamment plastiques plutôt que de les amener dans les centres ad hoc est une source non négligeable de dioxines. La Fédération Inter-Environnement Wallonie (Fédération Inter-Environnement Wallonie, Pour notre santé, cessons le feu ! – triptyque d’information) que nous subventionnons, affirme qu’un kilo de déchets incinérés au jardin produit autant de dioxines que 10 tonnes de déchets brûlés dans un incinérateur qui répond aux normes.

    Les pesticides, quant à eux, sont une classe de composés fort variés. Évalués en laboratoire, mis sur le marché pour une période donnée, réévalués, ils sont indubitablement toxiques. Bien conscient de ces propriétés, le Gouvernement wallon au travers de diverses initiatives (Plan wallon de réduction des pesticides,…) vise continuellement à la diminution de l’exposition des Wallons à ces substances. Toutefois, vu la rémanence de certains produits, nous serons confrontés à ces substances (même celles aujourd’hui interdites) pour de nombreuses années.

    Les médecins généralistes, et de manière générale, la première ligne de soins sont des interlocuteurs précieux lors de l’investigation menée sur un problème de santé environnementale. Leur connaissance de la population locale et de leur patientèle nous est indispensable (s’il est démontré sur une base scientifique qu’il existe réellement un problème sanitaire).

    La mise en exergue, le dimensionnement et la validation de la pertinence d’un problème sanitaire sont un prérequis à toute action, trop souvent négligé par ceux qui lancent à tort et à travers des alertes sanitaires.

    À cet effet, la Wallonie finance, par exemple, au travers d’un protocole d’accord entre l’État fédéral et les autres entités fédérées (Protocole d'accord du 24 juin 2013 entre l'Autorité fédérale et les autorités visées aux articles 128, 130 et 135 de la Constitution en matière d'activités et de financement du registre du cancer), les activités du registre du cancer qui visent à enregistrer l’incidence du cancer notamment en Wallonie. De ces données, ils font une analyse permanente pour observer d’éventuels pics anormaux d’incidence. Cette base de données en particulier et toutes celles qui constituent les registres que la Wallonie entretient sont indispensables à l’action publique dans ce domaine.

    Dès lors, en l’absence de problèmes explicités, laissons les professionnels de santé se consacrer à des fléaux tels que les maladies chroniques, (in-)formons-les sur la médecine environnementale tel que cela a été recommandé dans le Plan national d'Action Environnement Santé belge et dans le PARES. Une réflexion au niveau de la cellule nationale Environnement-Santé est en cours pour le développement de cours et de formations spécifiques, à l’intention des professionnels de la santé, sur les relations entre l'environnement et la santé.

    Notons enfin que l'honorable membre aborde la problématique de la cause. Sachant qu’en matière de santé environnementale, on ne connaît que peu d’exemples où l’on peut affirmer qu’une situation est la cause d’un problème sanitaire. Si cela est établi pour le tabac, responsable de 30 % de tous les cancers ou l’amiante par exemple, il reste difficile de dépasser le stade de l’association entre exposition et atteintes de la population.

    En conclusion, la Wallonie renforce et renforcera ses systèmes de vigilance sanitaire afin de pouvoir détecter et confirmer l’existence de problèmes sanitaires. Pour cette action, la Wallonie veillera à collaborer avec première ligne de soins.