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Le refus d’indemnisation suite à la panne d’électricité cet hiver en région liégeoise

  • Session : 2015-2016
  • Année : 2016
  • N° : 630 (2015-2016) 1

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  • Question écrite du 13/06/2016
    • de FOURNY Dimitri
    • à FURLAN Paul, Ministre des Pouvoirs locaux, de la Ville, du Logement et de l'Energie

    J’ai déjà eu l’occasion d'interroger Monsieur le Ministre sur le sujet des suites à donner à l’importante panne d’électricité qu’ont subi en janvier dernier les habitants de plusieurs communes de la région liégeoise.

    La CWaPE a analysé les circonstances dans lesquelles ces coupures sont survenues et l’IRM a également été interrogé. Des réclamations sont parvenues à la CWaPE également.

    Aujourd’hui, les réponses sont tombées quant aux demandes d’indemnisations introduites auprès de Resa et d’Ethias, son assureur. La réponse est claire  : il n’y aura pas d’indemnisation, le cas de force majeure étant invoqué. Pourtant, des dégâts et des préjudices ont bel et bien été subis par les particuliers et plusieurs sociétés.

    Sur quelles bases s’est appuyé Resa, qui se dédouane de toute responsabilité, pour rendre son avis ?

    À l’avenir, les GRD et intercommunales se sont-ils assurés qu’une communication claire, précise et cohérente envers les clients dans le cas de situations à caractère exceptionnel du genre, soit donnée ?

    Des conseils particuliers et des plans d’urgence à adopter vont-ils être prévus afin que chacun sache de quelle manière réagir en cas de coupure d’électricité de ce type, et ainsi réduire au maximum les dégâts possibles ?

    Des recours ou d’autres possibilités d’indemnisation sont-ils encore envisageables pour les personnes qui ont subi des pertes lors de cette panne  ?
  • Réponse du 26/09/2016
    • de FURLAN Paul

    J’ai pu prendre connaissance tant du courrier de Resa que du rapport d’Ethias. Il en ressort que, selon eux, Resa a fait tout ce qui était possible pour solutionner au plus vite la situation et que l’interruption de fourniture subie et sa durée ont pour origine une situation constitutive d’une forme majeure. Pour étayer ces faits, ils reprennent les mesures appliquées, précisent que le réseau est de qualité, conforme aux normes techniques et parfaitement entretenu et expliquent que seule l’accrétion de la glace atmosphérique dues aux conditions météorologiques (manque d’information de la part de l’IRM sur la récurrence du phénomène à l’appui) est la cause de l’enchainement qui a mené à la situation que nous connaissons tous. Dès lors, toujours selon eux, la responsabilité de Resa n’est pas engagée et aucune indemnité ne sera due. L’analyse de Resa quant à ce qu’il s’est passé ne va pas donc pas tout à fait dans le même sens que la CWaPE.

    En effet, cette dernière a publié une position de principe sur son site Internet relative aux demandes d’indemnisation consécutives aux intempéries qui font l’objet des questions. Elle m’a déjà informé qu’elle se fondera sur cette même position dans le cadre des contestations relatives à ces indemnisations qui seraient portées devant elle, conformément aux dispositions du décret électricité. Elle me rappelle cependant que selon le même décret elle n’a toutefois qu’une compétence d’avis, et ce à propos de deux types d’indemnisations en rapport avec ce type d’incidents.

    La première indemnisation, fondée sur l’article 25 quinquies dudit décret, prévoit des règles de réparation lorsqu’une coupure ou une autre irrégularité de la fourniture non causée par un cas de force majeure provoque un dommage matériel direct. Pour ce qui concerne cette hypothèse, en cas de contestation, la CWaPE peut être amenée à donner un avis sur la nature de la faute éventuellement commise par le gestionnaire de réseau quant à la survenance de l’incident. À cet égard, elle est d’avis que, bien que d’un point de vue climatologique les intempéries à l’origine des incidents n’aient pas été qualifiées d’exceptionnelles par l’IRM, elle peut admettre, sur base des dossiers à sa disposition, que la conjonction de différents phénomènes et circonstances ainsi que les moyens déployés par les gestionnaires de réseau concernés pour tenter d’éviter les incidents électriques consécutifs à l’événement, permettent de retenir la force majeure pour expliquer la survenance des coupures subies.

    En ce qui concerne la deuxième hypothèse d’indemnisation, prévue à l’article 25 bis dudit décret, elle consiste en ce que toute interruption de fourniture non planifiée d'une durée supérieure à six heures consécutives et ayant son origine sur un réseau de distribution ou de transport local donne lieu à une indemnisation à charge du gestionnaire de réseau par le fait duquel l'interruption ou son maintien sont intervenus, au profit du client final raccordé au réseau de distribution. Cette indemnisation n'est pas due dans l'hypothèse où l'interruption de fourniture et son maintien pendant plus de six heures consécutives sont l'un et l'autre causés par un cas de force majeure. Cette indemnisation est fixée à 100 euros pour chaque interruption de plus de six heures. Dans le cadre de cette indemnisation, en cas de contestation, la CWaPE remet un avis sur la durée ou l’origine de la coupure ou de son maintien. Dans ce contexte, pour la CWaPE, si l’origine des coupures peut comme indiqué précédemment être qualifiée de force majeure, elle peut pareillement admettre que la force majeure, liée notamment à l’état des routes, pouvait justifier l’impossibilité de rétablir les utilisateurs de réseau concernés ou d’installer des groupes électrogènes avant le samedi 16 janvier à 7 h 00’, du moins dans les Provinces de Liège, de Namur et du Luxembourg, les plus fortement touchées. Par contre, selon la CWaPE, pour les coupures qui se sont prolongées, six heures plus tard, au-delà du samedi à 13 h 00’, l’indemnité serait due, sauf démonstration étayée au cas par cas, par le GRD, que le maintien de la coupure résultait en l’espèce inéluctablement de la force majeure.

    Dès lors, un refus généralisé d’indemniser tel que communiqué par RESA et son assureur aux utilisateurs de réseau concernés s’écarte donc de cet avis qui pourrait être invoqué par les plaignants en justice. Il appartient d’ailleurs au gestionnaire de réseau lui-même, et non à son assureur, de faire la démonstration d’un éventuel cas de force majeure pour justifier la coupure et sa durée, par des éléments probants et non stéréotypés. La CWaPE n’a pas manqué de le rappeler à RESA.

    En ce qui concerne la notion de force majeure en matière de ces mécanismes d’indemnisation prévus en droit wallon, l’article le plus complet actuellement disponible a été publié par le Professeur et Avocat à la Cour de cassation, Paul Alain Foriers dans le Journal des Tribunaux. Il ressort clairement de son analyse conforme à la jurisprudence la plus récente que la notion de force majeure suppose un caractère d’imprévisibilité, mais aussi d’irrésistibilité. Des intempéries qui peuvent être prévues, mais dont toutes les conséquences ne peuvent être évitées peuvent donc être constitutives d’un cas de force majeure. La question en l’espèce est de savoir jusqu’à quand cette irrésistibilité a pu empêcher le rétablissement de l’alimentation au besoin via des groupes électrogènes. Et c’est bien sur ce point que l’avis de Resa diverge de celui de la CWaPE. Sur ce point je me permets également de souligner qu’ORES, autre gestionnaire de réseau qui a été impacté par ces intempéries, semble par contre généralement indemniser les plaignants suivant une logique proche de l’avis de la CWaPE.

    Au niveau des contestations, le Service régional de Médiation pour l’Énergie enregistrait en date du 2 juin un total de 55 dossiers relatifs aux indemnisations suite aux intempéries de janvier. À l’exception de 3-4 dossiers dirigés à l’encontre d’ORES, ces contestations visent toutes RESA et parmi celles-ci, une petite vingtaine de nouveaux dossiers sont rentrés depuis que Resa a annoncé qu’il ne verserait pas d’indemnité. Cependant, je ne doute pas qu’il ne s’agit là que d’un début, car tout client qui se sent lésé par la décision de Resa peut introduire une réclamation auprès de ce service.

    De plus, les mécanismes d’indemnisation prévus par le décret ne font pas échec à l'application des dispositions de droit commun relatives au droit de la responsabilité civile qui permettraient éventuellement d’obtenir réparation devant les cours et tribunaux. 

    Concernant la communication, il apparaît des contacts postérieurs à la crise que les GRD ont pris conscience de la nécessité de soigner la communication vers le grand public et certaines pistes complémentaires au dispositif déjà en place sont actuellement à l’étude. Il est à noter que la communication en pareille circonstance relève également des cellules de crises provinciales, lesquelles ont été impliquées en janvier.

    Je terminerai cette longue réponse par la suite à donner à ces évènements. Au niveau du réseau, les gestionnaires doivent remettre tous les 3 ans un plan d’adaptation. Je ne doute pas que la CWaPE sera attentive lors de leur analyse, aux solutions proposées pour éviter, ou du moins minimiser, les conséquences d’un nouvel épisode climatique tel qu’on a pu le connaitre. Pour ce qui est des indemnisations, je pense que le mécanisme prévu par le décret est équilibré. Néanmoins, au vu de la situation que connaissent les clients de Resa, il me semble important que la CWaPE l’analyse afin de mieux encadrer ce qui pourrait l’être. Quant aux conseils particuliers et aux plans d’urgences à mettre en œuvre, ils ressortent de la compétence des provinces. Vu leur implication dans l’épisode de ce début d’année, je suis certain qu’elles analyseront le déroulé des opérations, si ce n’est déjà fait, afin d’améliorer leurs processus.