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Le stockage massif de la poudre de lait dans le marché européen

  • Session : 2015-2016
  • Année : 2016
  • N° : 611 (2015-2016) 1

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  • Question écrite du 23/06/2016
    • de COURARD Philippe
    • à COLLIN René, Ministre de l’Agriculture, de la Nature, de la Ruralité, du Tourisme et des Aéroports, délégué à la Représentation à la Grande Région

    La conjoncture actuelle est celle d'une production de lait qui ne ralentit pas, au contraire.

    En effet, depuis la fin des quotas, la poudre de lait inonde le marché européen et cette situation de saturation est préjudiciable pour les agriculteurs, puisque d'une part, le marché mondial a du mal à consommer ces stocks, et d'autre part, le prix de vente reste en deçà du prix de revient.

    L'offre et la demande sont donc à un point de déséquilibre qui ne cesse de prendre de l'ampleur.

    Cette situation de haute lactation est telle que certains envisagent de brûler ces surproductions de poudre de lait.

    Nous sommes clairement enlisés dans une crise sans précédent.

    Des solutions urgentes doivent être envisagées.

    Dans le même temps, nous savons que les pays du sud sont dans une situation de malnutrition incontrôlable.

    Alors que la famine a été éradiquée dans le reste du monde, l'Afrique demeure le seul continent où elle progresse.
    Or, dans le traité de Maastricht, figurent toute une série d'objectifs d'aide au développement (APD), qui eux-mêmes s'inscrivent dans les Objectifs du millénaire pour le développement.

    Parmi celles-ci, on retrouve celui de l'éradication de la pauvreté. Cela fait donc partie des défis de l'Union européenne.

    L'Aide publique au développement (APD), créée en 1967, occupe un poste important. L'idée de départ était clairement d'accélérer l'écoulement de surplus céréaliers de l'Europe. Ensuite, se sont ajoutés le lait en poudre, le beurre, le sucre, le riz...

    Aujourd'hui, on ne parle plus d'aide alimentaire, mais de sécurité alimentaire et quelque 32 millions de personnes sont en état d'insécurité alimentaire, selon le Programme alimentaire mondial (PAM).

    Le PAM est la structure de l'ONU la plus importante en matière de distribution d'aide alimentaire aux pays pauvres, ou frappés par des catastrophes naturelles.

    Elle offre chaque année assistance à 80 millions de personnes dans 75 pays.

    Dans le cadre du PAM, ne pourrions-nous pas envisager de déstocker les excédents de poudres de lait et les offrir aux pays qui souffrent de malnutrition ?

    A fortiori lorsque l'on sait que la poudre de lait est une denrée facilement utilisable, stockable sur une longue durée et facilement transportable. Surtout, c'est un produit de première nécessité qui peut jouer un rôle majeur dans la lutte contre la pauvreté.
    Le cas échéant, comment le faire sans déstructurer les systèmes agricoles de ces pays ?

    Est-ce pour Monsieur le Ministre une alternative crédible ?
  • Réponse du 12/07/2016
    • de COLLIN René

    L’Organisation commune des Marchés au niveau européen permet, en effet, des achats publics et la constitution de stocks publics en cas de crise de marché, comme actuellement dans le secteur du lait, c’est ce que l’on appelle l’intervention.

    En ce qui concerne la sortie du stockage, la règlementation européenne impose de le faire sans perturbation du marché. C’est la Commission européenne qui décidera du moment de la remise sur le marché de la poudre et des volumes concernés selon des règles et procédures strictes.

    Depuis un arrêt de la Cour de Justice de l’Union européenne, la mise à disposition des stocks d’intervention en vue de leur distribution aux plus démunis ne fait plus partie des actions financées par la Politique agricole commune, mais relève de l’action sociale.

    Quant à envisager un débouché vers le Programme Alimentaire Mondial (PAM), il convient de préciser que ce dernier met en place des opérations de développement, afin de prévenir la faim et aider les communautés locales à se reconstruire après les crises. Dans ce but, ces programmes permettent aux plus démunis de construire un avenir durable pour leurs familles et leurs communautés et à cette fin, parmi ses programmes on trouve les « cantines scolaires », les « transferts monétaires et de bons alimentaires pour acquérir des produits alimentaires sur les marchés locaux », les « vivres contre le travail » et les « achats dans les pays concernés au service du progrès ». Sa ligne d’action générale s’inscrit donc avant tout dans la durabilité et non comme un acteur mobilisateur d’aide alimentaire en nature.

    En outre, lors de la Conférence ministérielle de l’OMC du 19 décembre 2015 (MC10), les membres ont réaffirmé leurs engagements sur la concurrence à l’exportation, conformément à la Déclaration ministérielle de Bali de 2013. À ce titre, les membres s’engagent à agir avec la plus grande modération en ce qui concerne le recours à toutes les formes de subventions à l’exportation et toutes les mesures à l’exportation d’effet équivalent, et veilleront à ce que toute subvention à l'exportation ait des effets de distorsion des échanges au plus minime. À cet égard, l’Union européenne a depuis bien longtemps concrétisé ses engagements concernant les subventions à l’exportation. Le parallélisme n’est pas toujours aussi évident de la part des partenaires, dont certains continuent à utiliser l’aide alimentaire comme soutien à l’exportation.

    Pour ma part, j’estime que tout afflux de nos excédents de production à des prix artificiellement bas a des conséquences sur le développement harmonieux et durable de la production ailleurs dans le monde, en ce sens qu’il favorise une certaine sécurité alimentaire dans les villes au détriment du développement de la production locale dans les zones rurales. Il y a donc lieu d’agir en ce domaine avec la plus grande prudence, quand bien même si cette action relève au départ d’un sentiment généreux.

    La question visant le Programme alimentaire mondial relève des compétences du Ministre fédéral de la Coopération au Développement. J'invite l'honorable membre à l’interpeller pour connaître les détails de sa politique en la matière.