/

Le nombre préoccupant de jeunes Wallons sans formation ni emploi

  • Session : 2015-2016
  • Année : 2016
  • N° : 302 (2015-2016) 1

2 élément(s) trouvé(s).

  • Question écrite du 06/07/2016
    • de VANDORPE Mathilde
    • à TILLIEUX Eliane, Ministre de l'Emploi et de la Formation

    Le Conseil économique et social de Wallonie vient de publier la livraison 2016 de son « Regards sur la Wallonie ». C’est, comme toujours, une mine d’informations sur l’état de notre Région. Certains indicateurs sont encourageants sur le plan économique. D’autres constats sont plus préoccupants.

    Parmi ceux-ci, il faut souligner le décrochage scolaire, qui s’élevait à 13,5 % en 2015. Il y a, en corollaire, l’attristante proportion de jeunes gens, de 18 à 24 ans, qui ne sont plus dans l’enseignement, ne suivent pas de formation et n’ont pas d’emploi. On les désigne par un anglicisme  : les « Neets » (not in employment, éducation or trading)… Ils constituent 19,2 % de cette classe d’âge.

    Le phénomène n’est pas nouveau, mais ne semble guère évoluer favorablement, ce qui ne peut nous laisser insensibles. On sait que les mesures fédérales durcissant l’accès aux allocations d’insertion et de chômage est un facteur d’aggravation. Il faut donc plus que jamais actionner les leviers dont nous disposons.

    Ces jeunes « Neets » sont-ils, à tout le moins, inscrits comme demandeurs d’emploi ? Sont-ils hors des radars ? Dans quelle proportion ?

    Quelles sont les actions prioritaires entreprises pour les sortir de ce qu’on appelle la « forêt de Sherwood » ?

    Leur situation peut-elle, dans une série de cas, s’expliquer par une offre de formation insuffisante ? Toutes les demandes de formation peuvent-elles être honorées ?

    Qu’en est-il de la garantie jeunesse, qui promet aux jeunes, dans les 4 mois de leur sortie des études ou la perte de leur emploi, une offre de qualité (emploi, formation, stage, apprentissage…) ?

    Quels sont actuellement les résultats de cette politique soutenue par l’Europe ?
  • Réponse du 26/07/2016
    • de TILLIEUX Eliane

    Au niveau européen, le terme NEET (« Not in Education, Employment or Training») est employé pour désigner les jeunes sans emploi, hors du système éducatif et sans formation. Ce groupe reprend les jeunes âgés de 15 à 24 ans totalement inactifs et en dehors de tout parcours scolaire (ou de formation continue). Ces jeunes sont en outre non répertoriés dans les chiffres classiques du chômage. Cette catégorie de jeunes, les plus vulnérables et comptant des périodes d’inactivité relativement longues , en effet, très exposée au risque d’exclusion sociale.

    À l’heure actuelle, les données relatives au taux de NEETS ou de décrochage scolaire ne sont pas déclinées par sous-région ou par bassin emploi-formation-enseignement, même si les Provinces de Liège et du Hainaut sont, par extrapolation des statistiques de chômage par niveau de qualification et par âge, vraisemblablement les plus touchées, raison pour laquelle les fonds européens « Garantie jeunesse » visent ces 2 sous-régions.

    En 2014, le taux de risque de pauvreté s’élevait, quant à lui, à 15,5 % pour l’ensemble de la Belgique. La ventilation par âge permet de constater que les 16-24 ans constituent le groupe le plus vulnérable en termes de risque de pauvreté (20,4 % de risque de pauvreté). Ce taux est en constante augmentation depuis 2009 au niveau belge (+ 4,2 % entre 2009 et 2014 pour les 16-24 ans).
    En ce qui concerne les tendances par région, en 2013, l’analyse de l’IWEPS, basée sur les données de 2011, montrait qu’en Wallonie, le taux de pauvreté moyen était de 19,2 %, contre 9,8 % en Flandre et 33,7 % à Bruxelles. En ce qui concerne les plus jeunes, le taux de risque de pauvreté des 16-24 était de 21,9 % en Wallonie, contre 6,4 % en Flandre.

    Le phénomène relatif aux « Neets » se révèle complexe et multifactoriel. Un certain nombre d’études universitaires et institutionnelles permettent d’identifier, notamment:

    - un accès de plus en plus problématique aux droits sociaux et une augmentation des comportements de renonciation à ces droits, étant donné la conditionnalité de plus en plus grande (« contrôle ») (Asbl Flora, E. Shelle, 2012) ;
    - une méfiance vis-à-vis des institutions et un sentiment de stigmatisation (enquête Solidaris 2014 et étude du Prof. Nicolas Perrin, 2014) ;
    - une rupture culturelle avec les codes de l’emploi, de la formation et des organisations du travail (Prof. Abraham Franssen, 2012) ;
    - l’augmentation de la pauvreté et l’émergence de réseaux parallèles de survivance (Christine Mahy, Réseau wallon de lutte contre la pauvreté) ; 
    - la dégradation de la qualité, de la quantité et de la stabilité de l’emploi particulièrement pour les jeunes ;
    - des ruptures de parcours et des difficultés dans les transitions professionnelles par manque de relais et de soutien adéquats (Prof. Abraham Franssen, 2012).

    La problématique se situe donc essentiellement en amont et en aval de la formation. Un ensemble de mesures sont dès lors mises en place pour tenter de « ré-accrocher » cette population et améliorer la question des transitions professionnelles.

    1) Ainsi les Centres d’Insertion socioprofessionnelle (EFT – OISP) interviennent en amont, sur les problématiques sociales, et professionnelles, auprès des publics les plus fragilisés, notamment les jeunes en difficulté, qui connaissent des parcours difficiles ou ponctués d’échecs.
    Ils travaillent en outre sur la remédiation au manque de qualifications et d’expériences professionnelles, tout en accompagnant leurs publics dans la recherche de solutions à leurs difficultés financières, de logement ou de santé.

    Les Missions régionales pour l’emploi (MIRE), quant à elles, interviennent en aval de ces acteurs de la préqualification et jouent un rôle d’intermédiation entre ces publics fragilisés et le monde du travail. Les opérateurs d’acculturation numérique et d’alphabétisation jouent également ce rôle.

    2) En ce qui concerne les bénéficiaires du revenu d’intégration ou de l’aide sociale et les collaborations structurelles entre opérateurs d’insertion socioprofessionnelle, d’emploi et de formation, j’ai proposé au Gouvernement, le 30 juin dernier, d’approuver la nouvelle convention-cadre entre la Fédération des CPAS, le FOREM et la Wallonie.

    Cette convention, qui actualise celle conclue en 2005, tient compte des évolutions des publics fragilisés et, notamment, des jeunes NEETS. Elle permet ainsi:
    - de renforcer les actions en matière d’identification et d’orientation des personnes vers les dispositifs les plus adaptés à leur situation personnelle,
    - et d’amplifier les synergies entre le Forem et les CPAS amenés, de plus en plus, à prendre en charge, simultanément ou successivement, les mêmes publics.

    3) En ce qui concerne l’orientation des publics fragilisés vers des niches identifiées ou anticipées en matière d’emploi, j’ai souhaité que soit lancé, dans le cadre du plan Marshall4.0, le dispositif multipartenarial unique d’orientation tout au long de la vie, à partir des 3 cités des métiers wallonnes, intégrant les Carrefours Emploi Formation Orientation.

    En concertation avec ma Collègue de la Fédération Wallonie-Bruxelles, des chargés de mission viendront compléter l’offre de service d’orientation de l’enseignement obligatoire.

    Cette dynamique, comme celle portée par l’association WorldSkillsBelgium et visant à promouvoir les métiers techniques, technologiques et scientifiques ainsi que les filières qui y conduisent, contribue à rendre plus visibles les métiers porteurs en termes d’emploi et les filières de formation et d’enseignement qui y mènent, en ce compris pour les publics plus fragilisés ou moins qualifiés.

    4) Enfin, dans le cadre de la mise en œuvre du Plan wallon « Garantie Jeunesse », j’ai chargé le FOREM de coordonner, au niveau wallon, le plan visant la prévention du décrochage scolaire, l’amélioration de la capacité d’insertion socioprofessionnelle et la suppression d’obstacles concrets à l’emploi des jeunes, notamment des jeunes fragilisés.

    La trentaine de projets initiés dans ce cadre intègrent différents porteurs de projet, ainsi que de très nombreux opérateurs et partenaires, pour un total de 86,1 millions d’euros.

    Parmi les porteurs de projet figurent, notamment, le FOREM et l’IFAPME, mais aussi de nombreux CPAS, des MIRE, des Centres de Compétence, des CISP, la structure d’accompagnement jecréemonjob.be, les Cités des métiers …

    À partir de cette dynamique, coordonnée au niveau du Comité de Pilotage « Garantie jeunesse », de nombreux partenariats et synergies ont été développés entre différents opérateurs visant, d’une part, le soutien des jeunes plus fragilisés, davantage exposés au risque de décrochage et d’exclusion et, d’autre part, le « raccrochage » des jeunes « NEETS ». Citons par exemple le projet co-initié par l’IFAPME et la fédération des CPAS wallons, visant à organiser des séances d’information décentralisées, par Province, à l’attention des travailleurs sociaux des CPAS, afin de mieux faire connaître les dispositifs de formation en alternance s’adressant aux jeunes.