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Le rapport de la Cour des comptes européenne sur les instruments financiers relevant du Fonds européen de développement régional (FEDER) et du Fonds social européen (FSE)

  • Session : 2015-2016
  • Année : 2016
  • N° : 458 (2015-2016) 1

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  • Question écrite du 11/08/2016
    • de SIMONET Marie-Dominique
    • à MARCOURT Jean-Claude, Ministre de l'Economie, de l'Industrie, de l'Innovation et du Numérique

    La Cour des comptes européenne a récemment publié un rapport sur les instruments financiers relevant du FEDER et du FSE pour la période 2007-2013.
    Dans celui-ci, la Cour des comptes rappelle les avantages que peuvent présenter de tels instruments financiers, notamment l’effet de levier qu’ils peuvent apporter.

    Toutefois, selon l’analyse de la Cour des comptes, diverses faiblesses en limiteraient l’efficience. Plus spécifiquement, la Cour des comptes souligne que pour la période étudiée :
    - bon nombre d'instruments financiers relevant du FEDER et du FSE ont été « surdimensionnés » et rencontraient toujours fin 2014 d'importantes difficultés à utiliser leurs dotations en capital ;
    - les instruments financiers n'ont pas réussi, dans l'ensemble, à attirer des capitaux privés;
    - jusqu'à présent, seul un nombre limité d'instruments financiers du FEDER et du FSE a permis de fournir une aide financière renouvelable;
    les coûts et frais de gestion des instruments financiers relevant du FEDER et du FSE sont élevés par rapport à l'aide financière effectivement versée aux bénéficiaires finaux

    La Cour des comptes relève notamment que les instruments financiers « surdimensionnés » sont en partie dus au fait que les autorités de gestion n’auraient pas procédé à une évaluation robuste des besoins du marché.

    Qu’en est-il de ces quatre constats, appliqués à la Wallonie ?

    Sur base de données chiffrées, quelle a été, pour la période 2007-2013, la capacité des instruments financiers à attirer, en Wallonie, des capitaux privés ?

    Qu’en est-il du caractère « renouvelable » de l’aide financière fournie par les instruments financiers du FEDER et du FSE en Wallonie ?

    Qu’en est-il enfin des couts de gestion ? Pouvons-nous disposer de données chiffrées à ce sujet ? Quelle analyse en fait Monsieur le Ministre-Président ?

    Sur base d’évaluations au niveau wallon, peut-il d’ores et déjà identifier des marges d’amélioration ?
  • Réponse du 26/09/2016
    • de MARCOURT Jean-Claude

    Le rapport de la Cour des comptes vise un grand nombre d’instruments financiers à travers l’union qui présentent des modèles et des situations très disparates, comme la Commission l’a elle-même relevé dans sa réponse aux divers constats posés. Il est donc difficile de tirer des généralités applicables à tous. Par ailleurs, on notera que les instruments financiers wallons n’ont pas été spécifiquement audités par la cour.

    Il apparaît que le postulat de départ de la Cour est de souligner les avantages des instruments financiers par rapport aux subventions.

    « Dans l'ensemble, nous constatons que l'aide financière fournie aux bénéficiaires finals au moyen d'instruments financiers présente des avantages importants par rapport aux subventions, puisque, en principe, chaque euro versé par un instrument financier peut être utilisé plus d'une fois. De plus, le fait que les prêts doivent être remboursés, les garanties, libérées et les participations, reversées devrait également, en principe, influer sur le comportement des bénéficiaires finals, se traduire par une meilleure utilisation des fonds publics et réduire la probabilité que les bénéficiaires finals deviennent dépendants de l'aide publique. »
     
    Le rapport relève néanmoins quatre problèmes importants limitant ces avantages dans le cadre de la période 2007-2013 :
    * Instruments surdimensionnés (notamment pour éviter le dégagement d’office). La Belgique fait, sur ce point, mieux que la moyenne de l’UE et se situe au même niveau que la France, et devant des pays comme le Royaume-Uni, la Finlande, l’Espagne, l’Italie , les Pays-Bas,… avec des taux de décaissement en 2014 parfois supérieurs de 20 % à la moyenne européenne.
    * Difficulté à attirer les capitaux privés. Pas de référence à la Belgique
    * Caractère renouvelable limité. Pas de référence à la Belgique.
    * Coûts et frais de gestion trop élevés. La Belgique n’est épinglée que pour le peu de données qu’elle communique sur les coûts et frais de gestion de ses instruments financiers.

    En ce qui concerne plus particulièrement la Wallonie.

    Concernant les quatre principaux griefs faits par la Cour à toute une série d’instruments financiers, il apparaît assez clairement qu’ils ne trouvent pas directement à s’appliquer aux instruments mis en place en Wallonie pour la période 2007-2013.

    Pour ce qui est tout d’abord de la taille de ces instruments, et de leur capacité à utiliser en temps utile leur dotation en capital, la Cour base ses observations sur des chiffres au 30 juin 2014. Or, la date ultime de prise en compte des dépenses éligibles a été finalement fixée, pour les instruments financiers, au 30 juin 2016. C’est donc à ce moment qu’il convient d’apprécier si les moyens mis à disposition des instruments financiers ont bien été totalement utilisés.

    À cette date, les chiffres démontrent, pour les fonds de prêt logés au sein des groupes invest, une consommation de près de 120 % de l’enveloppe relevant de l’Objectif « Convergence » (Hainaut), et de 128 % de celle allouée à l’objectif « Compétitivité régionale et Emploi ». Cette surconsommation s’explique par le caractère « revolving » des fonds, qui implique la réutilisation au fur et à mesure des moyens lui revenant en provenance des entreprises bénéficiaires des prêts.

    Les filiales de la SOWALFIN « SOCAMUT » (fonds de garantie) et « NOVALLIA » (prêts aux entreprises innovantes) présentent elles aussi des résultats en ligne avec leurs objectifs. Ainsi la SOCAMUT (qui est active sur les deux zones « Convergence » et « Compétitivité ») enregistre-t-elle une production en garantie contre-garantie de 101,78 % des objectifs fixés dans son plan d’affaires, et une production en micro-crédits (dans le cadre du « produit mixte ») de 106,14 % desdits objectifs. NOVALLIA affiche quant à elle un taux de consommation au 30/06/2016 de 104 % sur la zone « Compétitivité régionale et emploi ». Avec 110 libérations pour plus de 26 millions d’euros, le budget (plus élevé) de la zone « Convergence » a été utilisé à concurrence de 78 %.

    Cela seul démontre que ces fonds ont été dans l’ensemble correctement dotés, et ont rencontré leur public, malgré le contexte de ralentissement économique (crise financière) dans lequel ils sont nés, tout début 2009. Par ailleurs, il ne peut être reproché à la Wallonie de n’avoir pas procédé à une évaluation sérieuse des besoins du marché : une analyse socio-économique fouillée de chaque sous-région de Wallonie, réalisée par l’équipe universitaire du Professeur Capron, figure comme point de départ des Programmes Opérationnels. En outre, une « évaluation ex ante » des programmes a été confiée dès 2007 à un autre professeur (Alain Schoon, UCL), afin de corroborer cette analyse et évaluer la pertinence et la cohérence de la stratégie proposée par les PO, comme le voulait la réglementation d’alors. Enfin, rappelons que la Région wallonne disposait déjà d’une certaine expérience de ce type d’instruments et des besoins y afférents, ayant déjà eu recours à ce mécanisme pour la période de programmation 2000-2006, et même 1994-1999 (dans le Hainaut uniquement).

    Le second grief vise l’échec relatif à attirer des capitaux privés. À ce sujet, il est important de rappeler que, contrairement à d’autres régions d’Europe, la Wallonie ne dispose pas d’un marché du capital-risque privé très étoffé, et que l’une des raisons d’être de ces mesures est précisément de pallier ce manque. De fait, les instruments financiers ont été dotés de fonds d’origine exclusivement publique (FEDER et cofinancement régional).
    Toutefois, la capacité à mobiliser des moyens privés ne doit pas s’envisager exclusivement au niveau même de l’entité mettant en œuvre l’instrument, mais également au niveau des projets financés. Il est ainsi indéniable que dans de très nombreux dossiers la présence d’un instrument financier a été un élément favorable permettant de débloquer du funding privé, bancaire ou autre.

    Par ailleurs, la Commission européenne elle-même, dans son dialogue avec la Cour des comptes, estime que la capacité de mobiliser du financement (de tous types) au profit des bénéficiaires finaux est l’élément important, et qu’il ne faut pas se focaliser uniquement sur l’attrait de capitaux privés (surtout dans les secteurs en crise), d’autres objectifs (comme l’investissement dans un marché naissant à forte valeur ajoutée au niveau de l’UE, ou la croissance de l’emploi dans l’Union) étant des indicateurs tout aussi pertinents de l’efficacité des instruments financiers. Elle favorise dès lors la notion d’effet de levier, soit le rapport entre le total des fonds mobilisés au profit des entreprises bénéficiaires et l’apport de fonds FEDER. À cet égard, l’étude ex ante pour la programmation 2014-2020 souligne, en ce qui concerne l’évaluation de la période précédente, que le total des investissements soutenus dans les divers projets financés par les filiales FEDER 2007-2013 des invests, rapporté au montant des interventions desdites filiales, révélait déjà au 30 juin 2014 un effet de levier non négligeable de 3,1. Si l’on considère uniquement la part FEDER par rapport aux investissements soutenus, qui est l’approche actuelle de la Commission, cet effet passe à 7,8. NOVALLIA affiche à cet égard des résultats non moins intéressants : avec (au 30 juin 2016) un effet de levier fonds investis par NOVALLIA / financement total levé par l’entreprise de 4,5 en moyenne, effet qui passe à plus de 11 en ne prenant en compte que la composante FEDER. SOCAMUT quant à elle, par le biais du système de garanties et de contre-garantie des sociétés de cautionnement mutuel, a pu atteindre un effet multiplicateur (rapport entre les montants apportés qui proviennent du budget de l'UE et le volume de financement additionnel mis à disposition des entreprises en tant que conséquence directe de cette contribution) de 22,78 en moyenne sur les deux PO, ce qui est très bon, même pour un schéma de garantie.

    Sur base de ces constats, il est indéniable que les instruments financiers remplissent leur rôle de manière tout à fait satisfaisante.

    Quant au caractère renouvelable des Fonds. Le caractère renouvelable de l’aide financière fournie par les instruments financiers wallons est au cœur même de leur conception. Ils sont en effet conçus pour assurer une réutilisation, le plus longtemps possible, des fonds remboursés par les bénéficiaires de leur intervention. Ainsi les groupes invests recyclent en ce moment les fonds de la période 1994-1999 (dans le Hainaut) et 2000-2006, la réutilisation de ces derniers ayant démarré avec un peu de retard en raison de la clôture tardive des programmes, consécutive à des divergences de vues avec les services de la Commission sur l’interprétation de certaines dispositions en matière de fonds de garantie.

    Depuis la période 2000-2006, les conventions de financement signées avec les instruments financiers prévoient, comme le demande la législation, la réutilisation en cours de période de toutes sommes revenant à l’instrument en provenance des sociétés bénéficiaires (remboursements, rémunérations, primes…) aux mêmes conditions que le capital initial.
    À l’issue de la période et des contrôles réglementaires, des dispositions spécifiques prévoient la poursuite des activités de l’instrument ou, à tout le moins, une réutilisation de ces fonds au profit de PME dans les mêmes zones qu’initialement prévu.

    Quant aux coûts et frais de gestion de ces instruments, ils ont été largement maintenus dans les strictes limites imposées par le règlement, à savoir 3 %, en moyenne annuelle, du capital versé à chaque instrument (pour les fonds de prêt). La Cour des comptes estime que ces frais auraient dû être plafonnés en fonction des moyens versés aux entreprises bénéficiaires (la « production » effective des instruments), et non du capital reçu par les Instruments Financiers. Si la Commission lui a clairement exposé qu’il n’était plus possible de faire marche arrière pour 2007-2013, cette remarque a bien été prise en compte pour la période suivante, dans la mesure où les coûts et frais de gestion seront désormais liés, pour partie, aux montants effectivement investis dans des entreprises.

    Quoi qu’il en soit, le niveau de frais/coûts de gestion appliqué par les Instruments Financiers wallons sur la période, qui respecte les plafonds réglementaires, n’a jamais fait l’objet de remarques de la part des autorités d’audit et reste en ligne avec la pratique du secteur. Il importe en outre de souligner un élément des plus importants, qui est que ces frais ont été entièrement assurés par les produits de placement des moyens en gestion, de sorte que le capital initial ne soit en rien utilisé pour des coûts de structure et puisse être entièrement dévoué au soutien des PME éligibles.

    Pour conclure, je dirais que la réglementation régissant le recours aux instruments financiers dans les Programmes Opérationnels FEDER est en constante évolution, fruit du dialogue entre la Commission et les États membres d’une part, entre celle-ci et la Cour des comptes d’autre part. Le modèle est affiné de période en période, et à cet égard, les textes applicables à la prochaine période 2014-2020 marquent une avancée importante, qui va hélas de pair avec une très grande complexification, et une inflation législative non négligeable. De nombreuses remarques de la Cour des comptes ont cependant été prises en compte par la Commission, et on relève entre autres un accent beaucoup plus prononcé mis sur l’évaluation ex ante des besoins et la justification du recours aux instruments, des options de mise en œuvre plus nombreuses et plus précisément décrites, des règles relatives aux frais de gestion et à la rémunération du management plus fouillées et tournées vers les résultats, des rapports plus fréquents et plus détaillés sur l’activité des instruments, leurs résultats, etc… Malgré la somme de travail supplémentaire que cela représente, il ne peut en résulter, pour l’ensemble des états membres, qu’une plus grande sécurité juridique et une meilleure utilisation des ressources publiques, qu’elles soient nationales ou de l’Union. La Wallonie s’est inscrite dans cette évolution dans le cadre de la programmation 2014-2020.