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Les contentieux avec le Gouvernement fédéral en matière de finances publiques

  • Session : 2015-2016
  • Année : 2016
  • N° : 369 (2015-2016) 1

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  • Question écrite du 29/08/2016
    • de HAZEE Stéphane
    • à LACROIX Christophe, Ministre du Budget, de la Fonction publique et de la Simplification administrative

    Une série de contentieux entre l'État fédéral et la Wallonie ont émaillé ces derniers mois. S'il est opportun que l'arrêté royal d'exécution de la loi spéciale de financement ait pu être conclu à l'issue de la saga IPP, une série d'autres dossiers restent pendants : l'impact du tax shift sur la Région et sur les communes, les infrastructures hospitalières, …

    Alors que la rentrée s'annonce et que le conclave budgétaire est programmé, Monsieur le Ministre peut-il faire le point sur l'évolution de ces dossiers ?
  • Réponse du 16/09/2016
    • de LACROIX Christophe

    En mars 2015, le gouvernement fédéral avait annoncé aux trois Régions une baisse des montants fiscaux à leur reverser, qui s'élevait à 750 millions d'euros rien que pour l'IPP. Les trois Régions avaient protesté, accusant le Fédéral de précipitation et d'imprudence, en l'absence de données macroéconomiques fiables.
    En juillet 2015, après un contrôle définitif des chiffres, le Fédéral admettait une erreur de 593 millions d'euros.

    À un mois de la clôture des enrôlements, un courrier du SPF Finances transmis aux Régions confirme, sur la base des enrôlements et des perceptions en cours, que les estimations effectuées depuis le début de l'exercice budgétaire 2015 par la Wallonie étaient bel et bien correctes !

    La situation au 31 juillet 2016 était la suivante :
    * Montant encaissé : 2.498.418.861,82 euros soit actuellement un « gain budgétaire » à inscrire sur le budget 2016 de 30.642.530,82 euros ;
    * Montant enrôlé non encaissé : 65.733.156,72 euros (la différence entre 2.564.152.018,54 et 2.498.418.861,82).

    Le versement du « gain budgétaire (actuellement 30.642.530,82 euros) » devrait s’effectuer au plus tard le dernier jour ouvrable d'octobre 2016.

    Si la totalité des recettes enrôlées non encaissées (65.733.156,72 euros) est effectivement encaissée, cela aurait pour effet de faire gonfler les recettes en faveur de la Wallonie de plus de 60 millions par rapport aux estimations de juillet 2015 !

    En ce qui concerne le « tax shift », le coût cumulé supporté par la Région Wallonne s’élèverait pour les années budgétaires 2016 à 2020 à plus ou moins 900 millions d'euros.

    Le SPF Finances estime que le gain total en recettes fiscales IPP pour les contribuables, résultant des effets des mesures dans l'impôt des personnes physiques, s’élève à terme à 4,4 milliards d’euros. Le « gain résultant des mesures fiscales IPP » pour les trois premiers déciles s’élève à 207 millions d’euros soit à peine 4,7 % du gain total. Par contre, le « gain résultant des mesures fiscales IPP » pour les trois derniers déciles s’élève à 2,5 milliards d’euros soit 57,2 % du gain total. Pour le dernier décile, ce gain s’élève à 975,8 millions d’euros soit 22,2 % du gain total.

    Le tax shift a opéré un glissement de recettes fiscales des impôts directs principalement vers les impôts indirects (hausse de la TVA sur l’électricité, hausse des accises). La charge des impôts indirects est plus ou moins proportionnelle par rapport aux dépenses de consommation, mais régressive par rapport au revenu, du fait que le taux d'épargne augmente avec le revenu.

    Par conséquent, il apparaît clairement que les gagnants se trouvent dans les derniers déciles et plus particulièrement dans le dernier décile.

    Enfin, les contribuables qui perçoivent uniquement les revenus suivants :
    - des pensions légales obtenues à partir de l'âge légal de la retraite et leurs arriérés ;
    - des pensions de survie et leurs arriérés ;
    - des autres pensions, rentes, à l'exclusion des rentes de conversion, capitaux, valeurs de rachat, et des allocations en tenant lieu, imposables globalement, et leurs arriérés ;
    - des allocations de chômage et leurs arriérés ;
    - des indemnités légales de maladie invalidité et leurs arriérés;
    ne bénéficient d’aucun avantage de la diminution des charges fiscales pesant sur le travail tout en supportant le coût des mesures induites par le « tax shift » à savoir à titre exemplatif :
    - le taux de T.V.A. sur la livraison d'électricité aux clients résidentiels porté de 6 % à 21 % ;
    - l’augmentation des taux d’accises portant notamment sur le diesel ;
    - les économies réalisées au sein des pouvoirs publics et qui affectent la qualité du service au public.

    Au final, la Région Wallonne doit supporter une part non négligeable du tax shift imposé par le gouvernement fédéral alors que les effets pour les bas et moyens revenus sont en termes de hausse du pouvoir d’achats insignifiants.

    Enfin en ce qui concerne les infrastructures hospitalières, la Région Wallonne maintient que la dotation « investissements hospitaliers » doit présenter un montant positif suffisant pour leur permettre de mener leur politique future en matière d’infrastructures hospitalières. La Région Wallonne estime que, si les dépenses effectuées par l’autorité fédérale pour assurer le paiement des charges liées aux investissements dits « du passé » – à déduire, en principe, des dotations respectives des collectivités fédérées – dépassent le montant prévu par la dotation « infrastructures », ces dépenses ne devraient pas être mises à leur charge dans le cadre de la LSF, et ce pour deux raisons :
    1) l’octroi d’une dotation aux entités fédérées doit leur permettre d’assumer leurs nouvelles compétences en matière d’infrastructure hospitalières ; cela ressort notamment du libellé de l’article 47/9, § 1er, de la LSF : « à partir de l’année budgétaire 2016, une dotation est accordée annuellement à la Communauté française, à la Communauté flamande et à la Commission communautaire commune en raison de leur compétence en matière de financement des infrastructures hospitalières et des services médicotechniques » ;

    2) le fait d’aboutir à une dotation négative, ou même à une dotation égale à zéro, rend inapplicable le mécanisme de transition prévu à l’article 48/1 de la LSF et contredit l’un des principes fondamentaux de la réforme institutionnelle, à savoir le non-appauvrissement de toute entité. En effet, le mécanisme de transition est censé assurer que chaque entité fédérée dispose des mêmes moyens que si la compétence continuait à être gérée par l’autorité fédérale. Or, l’application du mécanisme de transition sur une dotation négative ne permet pas de répondre à cet objectif et crée une discrimination entre les entités. La Communauté française et la COCOM se verraient appliquer une réduction de leurs moyens par le mécanisme de transition alors que les Communautés flamande et germanophone bénéficieraient d’une correction positive. Ainsi, alors que les dotations seraient négatives pour toutes les entités (ce qui traduit un manque de moyens par rapport aux besoins), la valeur du mécanisme de transition pour la Communauté française et la COCOM suggère qu’elles disposent de plus de moyens que leurs besoins. Ce qui est signe d’une contradiction et démontrerait par l’absurde la « non-applicabilité » de la thèse défendue par le gouvernement fédéral.

    La divergence entre le gouvernement fédéral et les gouvernements régionaux se résume au fond à ceci : a-t-on affaire, dans le financement des Communautés par la LSF (mécanismes rendus applicable à la Région wallonne par l'article 138 de la Constitution) à une dotation globale (thèse de Maître PEETERS) ou à plusieurs dotations juridiquement distinctes, fussent-elles payées, par souci de commodité administrative, à l'aide d'un seul virement (thèse de Maître BOURGEOIS et Maître BEHRENDT) ?

    Si on pense qu'il y a pluralité de dotations distinctes, des dotations négatives ne peuvent exister : on ne peut pas, en l'absence de toute disposition législative qui l'autoriserait, déduire le mondant d'une dotation d'une autre, précisément parce que chaque dotation a sa propre existence, son propre régime de calcul et son propre article dans la LSF qui la consacre. Ceci est et demeure la thèse du gouvernement wallon.

    Si en revanche on affirme qu'il n'y a qu'une seule unique « grosse » dotation (thèse défendue par le gouvernement fédéral), dans laquelle se confondent plusieurs montants différents, alors évidemment on peut soustraire ces différents montants les uns des autres. Encore faut-il répondre à la question de savoir l’interprétation de l’article 47/9 de la loi spéciale de financement du 16 janvier 1989 et plus particulièrement la question de savoir si le § 4 dudit article est susceptible d’aboutir à un résultat égal ou inférieur à zéro ? Malheureusement, Maître Peeters élude dans son analyse cette question.

    Ce dossier continue à faire l’objet de discussion au sein des groupes de travail interfédéraux.