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La régularisation fiscale fédérale et l'évolution de la position du Gouvernement wallon

  • Session : 2015-2016
  • Année : 2016
  • N° : 370 (2015-2016) 1

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  • Question écrite du 29/08/2016
    • de HAZEE Stéphane
    • à LACROIX Christophe, Ministre du Budget, de la Fonction publique et de la Simplification administrative

    J'ai déjà eu l'occasion d'interroger plusieurs fois Monsieur le Ministre au sujet du projet fédéral de régularisation fiscale et de ses principes et effets très problématiques, en particulier en termes d'équité fiscale.

    Il a partagé plusieurs de nos réflexions et a régulièrement fait part du refus du Gouvernement d'approuver une telle démarche.

    Dans sa réponse en date du 24 mars 2016, Monsieur le Ministre relève une contestation de la compétence fédérale et il indique aussi qu'une éventuelle Déclaration libératoire unique (DLU) ne doit pas être permanente, mais limitée dans le temps ; que l'immunité pénale ne doit pas être absolue et que les cas de fraude graves doivent pouvoir être sanctionnés le cas échéant ; que les taux de régularisation doivent être supérieurs à la DLU précédente.

    En date du 21 juin 2016, il annonçait que le Gouvernement allait déposer un recours contre la loi devant la Cour constitutionnelle.

    J'ai donc été étonné de lire, au début de ce mois dans la presse, que la situation se détendrait.

    Les positions commenceraient à se rapprocher, au point que, selon le SPF, il n'est momentanément pas possible de régulariser les impôts régionaux.

    Le Gouvernement semble ainsi prêt à ne plus contester la démarche fédérale. Il pourrait aussi revenir sur les nombreuses réserves qu'il avait exprimées, alors que la loi a été adoptée et que la DLU est entrée en vigueur en date du 1er août 2016. 

    Monsieur le Ministre peut-il faire le point sur la situation ?

    Infirme-t-il ou confirme-t-il que le Gouvernement a changé de position sur le dossier ? Le cas échéant, pourquoi ?
  • Réponse du 16/09/2016
    • de LACROIX Christophe

    La loi visant à instaurer un système permanent de régularisation fiscale et sociale a été publiée au Moniteur belge le 29 juillet 2016. Cette loi est entrée en vigueur le 1er août 2016.

    La majorité fédérale a voté l’amendement déposé par Messieurs Laaouej et Vanvelthoven. Cet amendement qui avait reçu un avis favorable du Conseil d’État permettait de résoudre le problème de compétences.

    En effet, sur la base de cet amendement pour être régularisés les revenus, les sommes, les opérations T.V.A. et les capitaux fiscalement prescrits ou la partie de ceux-ci doivent satisfaire (ci-après dénommés « capitaux prescrits ») aux trois conditions suivantes :
    - ne pas avoir été soumis à leur régime fiscal ordinaire ;
    - le déclarant doit être en mesure de prouver la nature d’impôt éludé (impôt des personnes physiques, impôt des sociétés, etc.,) ;
    - le déclarant doit être en mesure de prouver la catégorie de revenus concernant l’impôt éludé. Ainsi, si l’impôt éludé est l’impôt des personnes physiques, le contribuable doit être mesure de prouver que les revenus qui n’ont pas été soumis à l’impôt concernent par exemple des revenus des biens immobiliers, des revenus des capitaux et biens mobiliers, des revenus professionnels ou des revenus divers.

    Ces trois conditions ont pour effet, que les revenus qui n’ont pas été soumis à leur régime fiscal ordinaire dont la nature est indéterminée ne peuvent pas être régularisés.

    Dans cet amendement, il est également précisé que les revenus, les sommes et les capitaux liés à certaines infractions ne peuvent pas être régularisés (terrorisme ou au financement du terrorisme, la criminalité organisée, le trafic illicite de stupéfiants, etc.,).

    Par conséquent, sur la base du texte qui est entré en vigueur le 1er août 2016, la régularisation fiscale et sociale instaurée par le fédéral ne s’applique pas :
    - aux impôts pour lesquels l’État fédéral n’est pas compétent à savoir les impôts régionaux (par exemple les droits de succession ou d’enregistrement); ceux-ci ne pourront éventuellement être régularisés qu’après la conclusion d’un accord de coopération entre l’État fédéral et les régions ;
    - aux revenus, sommes, opérations TVA ou capitaux pouvant être reliés au terrorisme ou au financement du terrorisme, à la criminalité organisée, au trafic illicite de stupéfiants, au trafic illicite d'armes, de biens et de marchandises [en ce compris les mines antipersonnel et/ou les sous-munitions], au trafic de main-d’œuvre clandestine, à la traite des êtres humains, à l'exploitation de la prostitution, à l'utilisation illégale, chez les animaux, de substances à effet hormonal ou au commerce illégal de telles substances, au trafic illicite d'organes ou de tissus humains, à la fraude au préjudice des intérêts financiers (des Communautés européennes), au détournement par des personnes exerçant une fonction publique et à la corruption, à la criminalité environnementale grave, à la contrefaçon de monnaie ou de billets de banque, à la contrefaçon de biens, à la piraterie, à un délit boursier, à un appel public irrégulier à l'épargne ou de la fourniture de services d'investissement, de commerce de devises ou de transferts de fonds sans agrément, à une escroquerie, à une prise d'otages, à un vol ou à une extorsion ou à une infraction liée à l'état de faillite ;
    - aux revenus ou aux sommes prescrits qui n’ont pas été soumis à leur régime fiscal ordinaire dont la nature est indéterminée ; ceux-ci ne pourront éventuellement être régularisés qu’après la conclusion d’un accord de coopération entre l’État fédéral et les régions.

    Contrairement aux opérations de régularisation précédentes, le déclarant n’est plus maître de l’étendue de sa régularisation. En effet, si un déclarant souhaite régulariser par exemple un « compte bancaire dont il est titulaire à l’étranger », il devra :
    - déclarer les revenus mobiliers perçus sur ce compte pour les sept dernières années (période de prescription) ;
    - justifier le capital en compte et prouver, par écrit, que, dans toutes ses composantes, ce capital a subi son régime d’imposition ordinaire. À défaut d’apporter cette preuve, le déclarant sera contraint de payer un prélèvement au minimum de 36 % sur le capital s’il veut régulariser les revenus mobiliers. À ce propos, il convient de rappeler que tout candidat à la régularisation fiscale doit en principe pouvoir démontrer la catégorie fiscale à laquelle appartiennent les capitaux qu’il souhaite régulariser. Le déclarant ne pourra donc pas se contenter d’ignorer l’origine par exemple successorale de son capital afin de pouvoir régulariser via la procédure fédérale les revenus qui auraient dû être soumis à l’impôt des personnes physiques.

    D’une part, à partir du moment où l’Autorité fédérale a pris la décision :
    - d’éviter un passage en force, notamment en adoptant l’amendement déposé par Messieurs Laaouej et Vanvelthoven ;
    - que chaque entité est libre, dans l’hypothèse où elle le souhaiterait, notamment de fixer la durée de la régularisation fiscale portant sur ses propres impôts ;
    - de privilégier la piste de l’accord de coopération en vue de la régularisation des capitaux prescrits qui n’ont pas été soumis à leur régime fiscal ordinaire dont l’origine est indéterminée.

    D’autre part, à défaut de régularisation des impôts régionaux, le risque existe que les déclarants essayent d’introduire sous certaines conditions une déclaration de succession complémentaire auprès de leur receveur local. À défaut d’encadrement, cette solution pourrait s’avérer avantageuse d’un point de vue financier pour le déclarant par rapport à une « régularisation encadrée ».

    Sur la base de ces différents éléments et dans le cadre de la loyauté fédérale que la Région Wallonne s’impose, le gouvernement a décidé qu’il n’était pas judicieux qu’une entité empêche l’État fédéral de mener la politique de régularisation qu’elle s’est fixée à partir du moment où celle-ci n’empiète pas sur les compétences propres de la Wallonie. Et ce même si, nous continuons à déplorer le caractère permanent de la régularisation en ce qui concerne les impôts pour lesquels elle est entièrement compétente.