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La lutte contre l'homophobie.

  • Session : 2004-2005
  • Année : 2005
  • N° : 89 (2004-2005) 1

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  • Question écrite du 18/05/2005
    • de SENESAEL Daniel
    • à VIENNE Christiane, Ministre de la Santé, de l'Action sociale et de l'Egalité des chances

    Famille, travail, école, … : l'homophobie est une gangrène qui affecte chaque secteur de la société. Lutter contre ce fléau est une urgence.

    L'homophobie est un sentiment de peur et d'aversion qu'éprouvent certaines personnes à l'égard de l'homosexualité et des homosexuel(le)s.

    Intimement liée à la problématique du sexisme (domination masculine) et à des définitions stéréotypées de la masculinité et de la féminité, l'homophobie engendre des discriminations (exclusion, violence verbale, voire physique) à l'encontre des homosexuel-le-s et de leur entourage, des sentiments malaisés lorsque le sujet de l'homosexualité est soulevé, et réduit souvent les gays, les lesbiennes et les bisexuel-le-s à cacher leur orientation affective.

    Durant les années écoulées, des progrès ont été enregistrés en Belgique vers l'élimination des préjugés et l'égalité des droits en faveur des homosexuel(le)s. Toutefois, il y a encore beaucoup de travail. Ainsi, le mouvement associatif homosexuel lutte pour une politique active en faveur de l'égalité des chances à tous les niveaux de pouvoirs et pour une réglementation qui tienne compte des diversités dont notre société est formée.

    Il est nécessaire que les autorités régionales et communautaires francophones mènent une politique volontariste d'égalité des chances, qui intègre explicitement les questions liées à l'orientation sexuelle et à l'identité de genre. Celle-ci doit s'étendre à l'ensemble de leurs domaines de compétence, en particulier : l'enseignement, l'aide à la jeunesse, l'action sociale et la santé, l'égalité des chances, …

    Des actions doivent, me semble-t-il, libérer des moyens pour des actions de sensibilisation, particulièrement à destination du grand public et dans les écoles, des mesures structurelles et pour la recherche scientifique en matière de sexualités minoritaires.

    Des instruments pertinents, afin de lutter contre l'homophobie sont développés en France par SOS Homophobie. En effet, elle a ouvert une ligne d'écoute anonyme et reçoit ainsi les appels des victimes ou témoins de discriminations et violences homophobes.

    Elle a également dressé un profil de l'homophobie. Selon elle, l'homophobie est moins souvent brutale. Les agressions physiques signalées sont en diminution. Elle est en revanche plus présente dans toutes les sphères du quotidien mais aussi du travail.


    Il est surprenant de constater dans ce domaine que les salariés du public seraient, en France, mais probablement que les données peuvent être transposées en Belgique, autant touchés que ceux du privés.

    En France SOS Homophobie a lancé une campagne d'information auprès des syndicats. En effet, le monde de l'entreprise et des administrations publiques est encore de nos jours, marqué d'une lourde homophobie. Cette association a pu constater chez nos voisins, à travers sa ligne d'écoute anonyme que ce fléau subsistait, encore aujourd'hui, dans le milieu professionnel.

    Une juge du Conseil des Prud'hommes de Paris déclarait récemment que si les délégués syndicaux apprenaient à poser la question “Pourquoi pensez-vous avoir été licencié ?” lors de leurs permanences, nous aurions peut-être plus de cas d'homophobie déclarés.
    D'où la nécessité de former les militants syndicaux.

    Chez nous, une récente étude du Conseil socio-économique de Flandre (SERV) démontre que les homosexuels sont confrontés à des discriminations et à des formes d'harcèlement sur leur lieu de travail ou lors de l'embauche. Une personne sur quatre issue de cette communauté déclare déjà avoir éprouvé des comportements hostiles à l'égard des homosexuels tandis que 16 % d'entre elles ont déclaré avoir été victimes, au cours de ces cinq dernières années, de violences physiques ou morales.

    Si je conçois parfaitement qu'il faudra du temps pour effacer l'homophobie des mentalités, il me semble que les pouvoirs publics ont les moyens d'accélérer le processus et je pense qu'il est de leur responsabilité de le faire en éduquant notamment le personnel des services publics en contact avec la population, les enseignants et tous les citoyens.

    L'homophobie sévit toujours et probablement pour un certain temps encore, elle frappe dans toutes les tranches d'âge, des plus jeunes aux plus âgés mais pas de la même façon, les plus jeunes rencontrent surtout des problèmes dans leur milieu familial. Il est donc nécessaire d'adopter des programmes d'information, de prévention et d'éducation adaptés à des publics différents.
    Il est temps de se donner les moyens de la combattre !

    En France SOS Homophobie mène des actions de prévention et d'éducation.

    En Belgique, une telle association existe-t-elle ? Si oui, une médiatisation de celle-ci me paraît nécessaire.

    Quels sont les instruments de prévention mis en œuvre par la Région wallonne afin de combattre ce fléau social ?
    Quelles actions concrètes la Région wallonne a-t-elle initiées ou soutenues afin de lutter contre l'homophobie ?

    Une ligne d'écoute semblable à celle mise en œuvre par SOS Homophobie existe-t-elle en Région wallonne ?
    Si oui, une évaluation de celle-ci est-elle réalisée ?

    Une collaboration avec les autres Ministres compétents en vue d'élaborer une politique générale d'égalité des chances qui intègre explicitement les questions liées à l'orientation sexuelle est-elle prévue ?




  • Réponse du 20/06/2005
    • de VIENNE Christiane

    Aujourd'hui, davantage qu'hier, les personnes homosexuelles osent vivre au quotidien sans cacher leurs sentiments, leurs émotions et leur amour pour une personne du même sexe. Le temps de la clandestinité est révolu, mais ceci n'implique pas pour autant que le temps de l'intolérance le soit également. L'homophobie est en effet une réalité qui se manifeste sans doute davantage suite à une plus grande visibilité de l'homosexualité.

    La volonté des pouvoirs publics de lutter contre l'homophobie s'est concrétisée par diverses dispositions législatives.


    Depuis le 25 février 2003, il existe une "loi tendant à lutter contre la discrimination et modifiant la loi du 15 février 1993 créant un Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme".

    Ce texte vise clairement à réprimer toute forme de discrimination fondée sur le sexe, une prétendue race, la couleur, l'ascendance , l'origine nationale ou ethnique, l'orientation sexuelle, l'état civil, la naissance, la fortune, l'âge, la conviction religieuse ou philosophique, l'état de santé actuel ou futur, un handicap ou une caractéristique physique.

    Au niveau fédéral, le Centre pour l'égalité des chances s'est doté d'un service qui accueille et examine les plaintes et traite des discriminations non raciales. Un numéro vert est à la disposition du public (0800/14912). Je souhaite évaluer si, à terme, la mise à disposition d'un numéro spécifique pour la Région wallonne serait opportune.

    Concrètement, le Centre examine pour chaque plainte si la personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre personne dans une situation comparable.
    Dans certains litiges auxquels l'application de la présente loi donnerait lieu, le Centre peut décider d'ester en justice. Soulignons qu'il en est de même pour les organisations représentatives des travailleurs et des employeurs, tout établissement public et toute association se proposant par ses statuts de défendre les droits de l'homme ou de combattre la discrimination.

    En matière d'accès à l'emploi, les personnes homosexuelles, comme d'autres groupes discriminés, peuvent rencontrer des difficultés. Depuis le 27 mai 2004, il existe en Région wallonne un décret relatif à l'égalité de traitement en matière d'emploi et de formation professionnelle.

    Le décret considère par « égalité de traitement » l'absence de toute discrimination directe ou indirecte fondée sur des convictions religieuses, philosophiques, un handicap ou une caractéristique physique, l'état de santé actuel ou futur, l'âge, l'état civil, le sexe, le genre, l'orientation sexuelle, l'origine nationale ou ethnique, l'origine ou la situation familiale ou socio-économique, en ce qui concerne l'emploi et la formation professionnelle.

    Ces dispositifs législatifs constituent des outils importants dont l'efficacité sera progressive. En effet, une jurisprudence encourageante en la matière commence à émerger.

    Ainsi, le tribunal de première instance de Nivelles a récemment ordonné à un propriétaire de cesser d'adopter un comportement discriminatoire à l'égard des personnes d'orientation homosexuelle dans le cadre de la mise en location de tout bien immobilier lui appartenant et qu'il mettrait en location. Le jugement stipule, en outre, que pour chaque infraction future constatée, une astreinte de cent euros pourrait lui être réclamée.

    Plus récemment, le tribunal de la jeunesse de Louvain a condamné trois jeunes coupables de coups et blessures volontaires à l'encontre de deux hommes homosexuels.

    D'autres initiatives à portée plus symbolique ont également un rôle très important. Je salue, par exemple, la proposition de résolution soumise au Parlement wallon relative à la participation de la Région wallonne à la journée mondiale de lutte contre l'homophobie, le 17 mai de chaque année. Rappelons qu'à cette même date, il y a 15 ans, l'homosexualité était rayée de la liste des maladies mentales établies par l'OMS.

    Dans le cadre des crédits budgétaires plus spécifiquement prévus pour l'égalité des chances en Région wallonne, j'ai veillé à en réserver une part pour les associations (Tels Quels, Ex-aequo,…) qui mènent des actions pour sensibiliser, accueillir et accompagner les jeunes adolescents et adultes qui se découvrent une orientation sexuelle différente.

    Je serai également attentive à un renforcement des concertations sur les actions à mener avec les Ministres chargés de l'Egalité des chances aux différents niveaux de pouvoir.

    Les dispositifs législatifs ont leur importance, nous venons de le voir, mais les associations et les pouvoirs publics doivent bien sûr poursuivre les efforts de sensibilisation.

    Nous devons ensemble rester vigilants pour que l'homophobie, source d'isolement social, de dépression voire de tentatives de suicide chez ceux qui en sont victimes, se transforme en accueil de l'autre tel qu'il est dans sa capacité à aimer, avec la personnalité qui lui est propre.