/

L'impact de la discrimination à l'embauche sur l'économie

  • Session : 2016-2017
  • Année : 2016
  • N° : 25 (2016-2017) 1

2 élément(s) trouvé(s).

  • Question écrite du 03/10/2016
    • de GERADON Déborah
    • à MARCOURT Jean-Claude, Ministre de l'Economie, de l'Industrie, de l'Innovation et du Numérique

    Le 20 septembre 2016, France Stratégie, un groupe de réflexion rattaché à Matignon, a publié un rapport sur le coût économique des discriminations.

    Cette étude a été réalisée en travaillant à partir des écarts de salaires à poste donné, mais également sur les écarts de taux de chômage entre enfants d’immigrés, les personnes vivant en zones urbaines sensibles, les femmes, et les hommes sans ascendance migratoire directe et quatre critères ont été retenu : le moindre accès des femmes et des descendants d’immigrés aux postes les mieux rémunérés, leur moindre accès à l’emploi, au travail à temps plein, et les inégalités d’éducation.

    Le constat, bien que prévisible, est que le phénomène de discrimination à l’emploi a un coût pour l’économie en général et les entreprises en particulier, et qu’une réduction de cette discrimination permettrait, à l’échelle française, un gain de 6.9% du PIB, soit environ 150 milliards d’euros sur la base du PIB français de 2015.

    Monsieur le Ministre a-t-il connaissance d’une étude similaire en Wallonie ? Si oui, les résultats convergent-ils avec ceux de l’étude française ?
  • Réponse du 17/11/2016
    • de MARCOURT Jean-Claude

    Après avoir consulté l’Institut Wallon de l’évaluation, de la prospective et de la statistique (IWEPS), l’institut pour l’Égalité des Femmes et des Hommes (IEFH), le Centre Interfédéral pour l’égalité des chances (UNIA), le Conseil Wallon pour l’égalité entre les hommes et les femmes (CWHEF), ainsi que plusieurs professeurs d’université, il apparait que la méthodologie adoptée par les auteurs de l’étude dont l'honorable membre fait référence dans sa question est scientifiquement pertinente. La méthodologie utilisée dans cette étude est décrite de façon très transparente, dans tous ses détails, y compris ses limites.

    L’IWEPS nous informe également qu’en Belgique en général et en Wallonie en particulier, il n’existe aucune étude similaire, c’est à dire relative à l’estimation du coût économique de la discrimination à l'emploi. Par ailleurs, si de nombreuses études mettent en évidence la situation très désavantageuse de certaines composantes de la population wallonne sur le marché du travail en se basant sur une série d'indicateurs, ces travaux ne fournissent aucune indication sur l'ampleur de l’impact du phénomène des discriminations sur l’économie wallonne. Actuellement, l'IWEPS est en train de réaliser des études sur la perception des discriminations en Wallonie, en centrant le regard sur celles liées au sexe et à l'origine ethnique. Mais ces études ne seront disponibles que dans quelques mois.

    D’après les différents organismes (supra) et professeurs interrogés, les dernières études pertinentes en la matière sont :
    1) le baromètre de la discrimination emploi d’UNIA (2012) ( http://unia.be/files/legacy/le_barometre_de_la_diversite_emploi.pdf) : réalisé à l’initiative d’UNIA par des équipes universitaires des 2 communautés (Wallonne – Flamande) du pays. Ce Baromètre a mis en évidence l’état de la situation de la dynamique discriminatoire sur base des critères origine, âge, handicap et orientation sexuelle. Contre toute attente, c’est le critère de l’âge qui est apparu comme le plus discriminant. Les mesures réalisées dans le cadre du Baromètre le sont par l’utilisation de méthodes quantitatives (tests agrégés et étude des données contenues dans la Banque de données « Sécurité sociale ») et qualitatives. Le but est de répéter l’exercice et de relever les écarts. Mais, en l’occurrence, rien n’est dit sur l’impact de la discrimination sur le PIB.
    2) le monitoring socio-économique d’UNIA (2015) (http://unia.be/files/Documenten/monitoring_2015_fr_final.compressed.pdf) : réalisé à l’initiative d’UNIA par des équipes universitaires du Nord et du Sud du pays (en collaboration avec le SPF Emploi, Travail et Concertation sociale, la Banque Carrefour, le Registre national), ce monitoring vise à souligner la manière dont se répartissent les travailleurs sur le marché du travail par Région en fonction de leur origine et de leur historique migratoire. Les résultats donnent une idée de la stratification du marché du travail en fonction non seulement de l’origine et de l’historique migratoire des travailleurs, mais aussi en fonction de plusieurs indicateurs socio-économiques, dont le secteur de travail, la structure des salaires, le niveau de salaire, le type de contrat, le type d’allocations, l’âge et le genre. Précisons que le monitoring est basé sur l’effectif total âgé de 18 à 60 ans, soit plus 6 millions de personnes. La prochaine livraison prévue en 2017 intégrera la dimension Éducation.
    3) le Rapport de l’IEHF sur l’écart salarial entre les femmes et les hommes en Belgique (2016) (http://igvm-iefh.belgium.be/sites/default/files/91_-_lecart_salarial_entre_femmes_et_hommes_2016_fr.pdf) : Globalement, c’est-à-dire sur l’ensemble de l’économie belge, une femme gagne en moyenne 8 % de moins qu’un homme par heure de travail. Par rapport à l’année dernière, il s’agit d’une diminution de l’écart salarial sur base des salaires horaires. Comme il est important de donner un aperçu de l’inégalité de genre dans son ensemble, ce rapport présente toujours un second indicateur général. L’écart salarial sur base annuelle s’élève à 21 %. Sur ce plan également, nous pouvons parler d’une légère diminution. La différence entre ces deux chiffres s’explique par l’effet du travail à temps partiel.

    Toutes ces études ne portent pas directement sur les coûts de la discrimination, mais sur une analyse descriptive de sa réalité et des publics qu’elle concerne.

    Au niveau des dispositifs qui existent pour lutter contre la discrimination à l’embauche et favoriser la diversité au sein des entreprises, je renvoie l'honorable membre vers la Ministre Éliane Tillieux en charge de l’Emploi, ainsi que vers le Ministre Maxime Prévot en charge de l’Égalité des chances et du droit des femmes.

    En ce qui concerne plus précisément les compétences du Ministre Jean-Claude Marcourt, le Ministre a signé le 11 avril 2014 le décret visant à intégrer la dimension du genre (gender mainstreaming) dans l’ensemble des politiques régionales.

    Conscients des efforts nécessaires pour aboutir à cette intégration structurelle au niveau régional, le Ministre Jean-Claude Marcourt pense qu’il est primordial d’intégrer d'ici à la fin de la législature la dimension du genre (gender mainstreaming) au minimum dans deux politiques, et ce, sur la base des propositions soumises par le Conseil wallon de l’égalité entre hommes et femmes et de la Déclaration de politique régionale 2014-2019.
    * La première politique choisie concerne l’économie : « promouvoir l’entrepreneuriat « pour un accès égal à l’entrepreneuriat ».
    * La seconde politique choisie concerne le numérique : «  Métiers du numérique : vers une meilleure égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ».

    En ce qui concerne la première politique, qui ambitionne un accès égal à l’entrepreneuriat pour les femmes et les hommes, le groupe cible est celui des femmes susceptibles d’entreprendre, qu’il s’agisse de démarrer son propre emploi ou de créer une entreprise et de l’emploi.

    En matière d’entrepreneuriat en Wallonie, 30 % des entrepreneurs sont des femmes. Parmi elles, 70 % sont indépendantes, 20 % sont cheffes d’emprises (TPE : employant du personnel), 10 % aidantes.

    Afin de rééquilibrer cette tendance qui perdure depuis des années, le Ministre Jean-Claude Marcourt a confié à l’AEI la mission de concevoir, mettre en œuvre et piloter un programme pluriannuel 2015-2020 d’Entrepreneuriat Féminin concerté avec les acteurs de terrains. Le budget réservé sur la période de 5 ans est de 1.750.000 euros, c’est-à-dire 350.000 euros par an. Ce programme s’inscrit et se coordonne avec les autres actions menées par l’AEI afin d’en assurer l’efficience et l’efficacité.

    Ce programme doit activer toute une série de mesures correctives dédicacées à 100 % à la cible, aux actions permettant la création d’entreprises par les femmes afin de booster les activités créées susceptibles de développer l’emploi. La dynamique « Concevoir, mettre en œuvre et piloter un programme d’actions en faveur de l’Entrepreneuriat Féminin visant à accroître la proportion d'entreprises dirigées par des femmes » recouvre notamment les réalités opérationnelles suivantes :
    * Maintenir et élargir les réseaux d’ambassadrices de l’entrepreneuriat et de tuteurs pour femmes entrepreneures ;
    * Assurer le pilotage, l’accompagnement et le suivi des actions ainsi que l’interprétation des indicateurs et des rapports ;
    * Définir le processus de reconnaissance des initiatives menées par des opérateurs de terrain ;
    * Formuler des recommandations, suggérer des mesures ;
    * Recueillir des données statistiques sur la situation de l’Entrepreneuriat Féminin.

    Concrètement, les 3 grands axes du programme sont les suivants :

    1) Des appels à projets permettant d’ouvrir le périmètre, de lancer des projets pilotes et de stimuler les actions innovantes. 4 appels à projets sont envisagés entre 2016 et 2020. Ils seront caractérisés par :

    * Une mobilisation autour de thématiques spécifiques (le numérique, le coopératif/collaboratif, la culture de l’ambition, la croissance) ;
    * Une intégration de la dimension de modèles au sein de chaque thématique.



    2) Des actions pilotées par l’AEI :

    * Déployer, organiser et piloter une communication commune sur la thématique. Le but est de stimuler la création, apporter une cohérence aux initiatives du secteur et apporter une visibilité aux succès et aux talents des femmes entrepreneuses ;
    * Assurer une culture commune, une mutualisation des projets, une organisation en filières, des synergies entre les acteurs actifs sur la thématique et les opérateurs de l’animation économique et technologique.
    * Diffuser les bonnes pratiques identifiées au niveau national et à l’étranger.

    3) Le Pilotage et la coordination :

    * Un Pilotage budgétaire des opérateurs agréés par le Fonds social européen pour la Région Wallonne ;
    * La prise en charge d’actions spécifiques et innovantes pour le Brabant Wallon.

    En ce qui concerne le premier appel à projets lié au numérique, il a été lancé en mars dernier. En effet, les femmes entrepreneures montrent encore un (léger) déficit en matière d’utilisation des nouvelles technologies au service du développement de leurs activités entrepreneuriales.

    Cet appel à projets vise à corriger ce déficit, et notamment à :
    * Soutenir les femmes à entreprendre dans les métiers du numérique, notamment en sensibilisant les jeunes femmes aux opportunités du secteur.
    * Former et accompagner les femmes entrepreneures, actives dans des secteurs traditionnels, à faire un usage efficient des outils numériques et à détecter les opportunités qu’ils suggèrent.
    * Favoriser la mise en évidence des femmes actives dans le secteur et la mise en réseau des femmes qui s’illustrent dans des secteurs technologiques, scientifiques ou autres.

    Il s’agit globalement de permettre à toutes les femmes entrepreneures ou entrepreneures en devenir de maîtriser les outils numériques, d’en mesurer les enjeux, d’adapter leur fonctionnement et/ou leur offre au monde connecté de demain. D’autres appels à projets suivront sur d’autres thématiques que le numérique.

    En ce qui concerne la 2e politique choisie « Métiers du numérique : vers une meilleure égalité professionnelle entre les femmes et les hommes », le groupe cible est les femmes qui décident de faire carrière dans les métiers liés au numérique. Le ratio est éloquent, les femmes sont 1 sur 8 étudiantes dans les filières de formation/étude menant à ces métiers et elles ne sont qu’une sur 6 professionnelles dans les carrières liées à ces métiers.

    Afin de rééquilibrer cette tendance qui perdure depuis des années, mon cabinet a organisé en collaboration avec l’ADN et l’AEI, un groupe de travail réunissant des experts (du monde académique, du monde entrepreneurial, du monde numérique…) et des représentants issus des divers groupes qui sont actuellement confrontés à des problèmes de genre au niveau du recrutement dans les filières de formation en lien avec le numérique. Deux séances de travail se sont déroulées les 02 et 18 février (2016) afin de dégager une dizaine de recommandations susceptibles de résoudre les problèmes constatés sur le terrain, et ce dans une logique bottom-up. Le but était d’apporter des solutions à la réalité multifacette des problèmes de genre rencontrés dans les métiers du numérique. Le panel d’experts a ensuite sélectionné par un vote les 3 recommandations prioritaires parmi les 10 recommandations sélectionnées :

    Recommandation n°1 : Sensibiliser dès le plus jeune âge à « la pensée informatique/algorithmique et au Numérique ». Ces cours devraient être obligatoires comme le cours de mathématiques ou de Français dès l’entrée en primaire. Des outils ludiques et pédagogiques permettent une programmation proche du langage naturel, ce qui facilite l'apprentissage des notions essentielles de l'algorithmique. Il est également indispensable de former les professeurs à l’informatique/au Numérique que ce soit du point de vue scientifique ainsi qu’au niveau de l’utilisation du Numérique au service de l’apprentissage.

    Recommandation n°2 : Lancer une campagne de communication sur l’ensemble des canaux de diffusion véhiculant, d’une part, une image attractive/moderne des métiers du Numérique et, d’autre part, mettant l’accent sur les opportunités d’emploi dans les secteurs numériques. User et abuser des exemples d’identification, des rôles modèles féminins dans le monde professionnel et favoriser les duos (entrepreneur/mentor) au niveau de l’entrepreneuriat féminin. Véhiculer une image positive et réaliste de la femme entrepreneure pour réduire le déficit d’image actuel. Diffuser les bonnes pratiques et les témoignages en matière de gestion de la diversité et d’inclusion des femmes au sein des entreprises wallonnes.

    Recommandation n°3 : Moderniser/adapter le monde de l’orientation scolaire et de la (ré)orientation professionnelle, car il renvoie trop souvent à une vision traditionnelle/classique et masculine des métiers (du Numérique). Il est également très important de sensibiliser parents et professeurs aux évolutions des métiers (numériques) qui deviennent extrêmement variés, multiples. Il faut que le vocabulaire des descriptifs métiers et des filières de formation qui y mènent soit parlant tant pour les élèves filles que les garçons.

    Procéder à une analyse fine de l’évolution des métiers du Numérique afin d’adapter/moderniser les intitulés/nomenclatures traditionnelles (ex. informatique de gestion) un peu obsolètes et ce, afin de les rendre plus attrayants pour les jeunes (et les moins jeunes) issus des deux genres. Pour cela, il faudrait réunir les experts afin de réaliser une étude sur l’évolution des métiers (dits numériques). Cela permettra par la même occasion, de mettre en perspective les grandes évolutions du secteur et contribuera à façonner l’emploi et le marché du travail dans les prochaines années.