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Les décès prématurés liés à la qualité de l’air en Wallonie

  • Session : 2016-2017
  • Année : 2016
  • N° : 105 (2016-2017) 1

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  • Question écrite du 18/10/2016
    • de KNAEPEN Philippe
    • à PREVOT Maxime, Ministre des Travaux publics, de la Santé, de l'Action sociale et du Patrimoine

    Début juillet, j’interrogeais le ministre de l’Environnement, Carlo Di Antonio, sur la mise en œuvre des mesures du Plan Air Climat Energie (PACE) et sur la mortalité liée à la qualité de l’air en Wallonie. Pour ce qui concerne ce deuxième volet, le ministre Di Antonio m’invitait à interroger Monsieur le Ministre sur la question, ne disposant pas de l’information demandée.

    En effet, 12  000 décès seraient dus, chaque année, à la pollution de l’air sur le territoire belge, dont 9  300 attribués aux seules particules fines particulièrement dangereuses (PM 2,5). Ces chiffres sont aussi impressionnants qu’inquiétants. La Belgique est plutôt mauvaise élève en la matière, à l’échelle européenne (15e sur 28 selon les dernières études publiées). Chaque Région est autonome en la matière. En Wallonie, c’est l’AWAC (Agence wallonne de l’Air et du Climat) qui, toutes les demi-heures, relève les données des 23 stations de mesures réparties sur le territoire wallon. Ces analyses sont consultables en temps réel sur le site de l’AWAC.

    Monsieur le Ministre dispose-t-il d’un historique pour ces dix dernières années, du nombre de décès engendrés par la pollution en Belgique annuellement et, plus particulièrement, en Wallonie  ?

    Quelle est la tendance qui se dessine  : ce nombre est-il plutôt croissant, décroissant ou stable  ?

    Comment l’expliquer  ?
  • Réponse du 31/10/2016
    • de PREVOT Maxime

    J’ai bien pris connaissance du rapport de l’Agence européenne pour l’environnement publié le 30 novembre 2015 (http://www.eea.europa.eu/fr/pressroom/newsreleases/de-nombreux-europeens-restent-exposes). Selon ce rapport, la mortalité prématurée imputable à l'exposition aux particules fines (PM2.5), à l'ozone (O3) et au dioxyde d'azote (NO2) en 2012 est de respectivement 9.300, 170 et 2.300 cas pour la Belgique.

    Nous savons aussi qu’en Wallonie, l’Agence wallonne de l’Air et du Climat (AWAC) relève presque en continu les données des 23 stations de mesures réparties sur le territoire wallon et que ces analyses sont consultables en temps réel sur le site de l’AWAC. Il est cependant impossible d’offrir le même service avec les données de mortalités ou les données d’hospitalisation attribuable à la pollution atmosphérique. En effet, ces risques attribuables sont très difficiles à déterminer parce que les maladies chroniques comme les maladies cardiovasculaires et respiratoires sont liées à l’environnement mais aussi aux comportements néfastes pour la santé comme la sédentarité, le tabagisme, l’alimentation,… De plus, la plupart des concentrations en polluants sont corrélés l’un par rapport à l’autre, il est donc difficile d’isoler les effets d’un polluant en particulier.

    Malgré ces difficultés, il existe des études qui donnent une idée de l’ampleur du phénomène pour la Wallonie. Par exemple, le projet « villes et pollution » mené au plan national dans le cadre du Plan national d’action environnement-santé (NEHAP) a permis de tester pour Liège et Charleroi, la méthodologie développée dans le cadre d’un projet européen - APHEIS. Un rapport (Health impact assessment of outdoor air pollution, local city report, liege area. ISSEP, 2008) a été finalisé en octobre 2008 à partir des données sur la qualité de l’air, la mortalité et les admissions hospitalières pour l’année 2004. Ce rapport analyse l’impact de la réduction de la concentration en PM10 pour la santé. Par exemple, pour Liège en 2004, le niveau moyen de PM10 était de 38 µg/m3 d’air. Si la concentration en PM10 avait été réduite à 20 µg/m3, à très court terme, 48 décès prématurés auraient pu être évités (incluant 13 décès pour raisons respiratoires et 25 pour raisons cardio-vasculaires). À court terme, ces valeurs doublent et sur le long terme, 321 décès anticipés auraient pu être évités.

    Dans une étude commandée par la Région wallonne, l’Ecole de Santé Publique de l’Université Libre de Bruxelles a étudié l’impact à court terme de la pollution atmosphérique sur les hospitalisations pour maladies cardiovasculaires (infarctus du myocarde, accidents vasculaires cérébraux ischémiques ou hémorragiques et troubles du rythme cardiaque) et respiratoires (asthme, bronchites aiguës et bronchiolites). Cette étude a été réalisée au niveau de 5 régions de Wallonie (Charleroi, Liège, Mons, Namur et une partie de la Province du Luxembourg) pour la période allant de 2008 à 2011. Les polluants étudiés sont les particules fines (PM10 et PM2.5), l’O3 et le NO2. Les analyses réalisées sur l’ensemble des régions sélectionnées montrent clairement que la pollution atmosphérique a un impact sur la santé cardiovasculaire et respiratoire des wallons. Globalement, le NO2 est le polluant le plus impliqué. Par exemple, pour une augmentation de 10 µg/m3 en NO2, le risque de déclenchement d’un infarctus du myocarde augmente de 6.5%. Ce risque est d’environ 4% pour l’accident vasculaire cérébral (AVC) ischémique et pour les troubles du rythme cardiaque.

    Il n’y a pas d’effet statistiquement significatif de la pollution atmosphérique sur l’AVC hémorragique. L’ozone n’a pas d’effet sur les maladies cardiovasculaires. Les PM10 et les PM2.5 sont aussi, dans une moindre mesure, associés à l’augmentation de risque d’AVC ischémique. Les particules fines sont aussi associées à une augmentation de risque de maladie respiratoire. Les effets cardiovasculaires sont surtout importants chez les hommes jeunes (25-64 ans) tandis que les effets respiratoires touchent les personnes plus vulnérables (les enfants et les personnes âgées). Il est aussi important de noter que le NO2, polluant très impliqué dans cette étude, n’a pas d’effet direct sur les pathologies cardiovasculaires, mais est un bon indicateur de la pollution générée par le trafic routier.

    Ce type d’étude pourrait être reconduit à des intervalles réguliers. Mon Administration étudie pour l’instant la faisabilité d’un système de surveillance sanitaire basée sur les données des urgences (UREG est un enregistrement obligatoire des données des urgences dans les hôpitaux de Belgique. http://www.health.belgium.be/fr/sante/organisation-des-soins-de-sante/hopitaux/systemes-denregistrement/ureg).

    En conclusion, il me semble important de noter que pour fixer les actions visant la réduction de la pollution atmosphérique d'un point de vue de la santé publique, il est important d'identifier les effets sur la santé des polluants à partir de données locales, mais aussi de prendre en compte l'incidence d'autres facteurs tels que la sensibilité de la population étudiée (âge, sexe, comportement, niveau socio-économique).