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Le trafic de semences

  • Session : 2016-2017
  • Année : 2016
  • N° : 160 (2016-2017) 1

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  • Question écrite du 20/12/2016
    • de STOFFELS Edmund
    • à COLLIN René, Ministre de l’Agriculture, de la Nature, de la Ruralité, du Tourisme et des Aéroports, délégué à la Représentation à la Grande Région

    Dans une publication distribuée par Monsieur le Ministre, on peut lire que « Premier maillon de la chaîne alimentaire, la semence n’est désormais plus entre les mains du paysan qui, pendant des siècles, a semé, récolté, sélectionné et conservé ses propres variétés. Fini le temps où les agriculteurs sélectionnaient leurs semis au sein de leurs propres récoltes pour les replanter l’année suivante. Aujourd’hui, avec à l’émergence de grands semenciers industriels et à l’imposition d’une règlementation stricte, la marge de manœuvre des agriculteurs s’est drastiquement affaiblie. Noyés sous des procédures interminables à l’heure où le secteur agroalimentaire est réglé sur le rythme du rendement et de la productivité, agriculteurs et paysans sont réduits au seul rôle de consommateurs de semences industrielles.
    Avec le développement des biotechnologies et des OGM, les géants mondiaux de la chimie ont radicalement changé la donne. La quasi-entièreté du secteur semencier est pilotée par une dizaine de multinationales comme Monsanto, Bayer et Limagrain qui, grâce à des variétés hybrides, sont parvenus à standardiser le marché de la graine. Depuis la Seconde Guerre mondiale, qualité, homogénéité et productivité sont devenues les maîtres mots du secteur agroalimentaire. Depuis, nous voyons pousser dans nos champs des variétés de plus en plus testées, contrôlées, trafiquées et améliorées dans le but de correspondre aux normes de la production intensive dictées par les grandes puissances industrielles et politiques de ce secteur. ».

    C’est bien de constater les faits. Mais le constat ne résout encore rien. Il est plus important que Monsieur le Ministre esquisse, comment il envisage de procéder à l’encontre de ce type de chantage économique pratiqué par les « trafiquants de semences » ? Y a-t-il des solutions ou est-on condamné à se lamenter ?

    Les normes sont les conséquences d’une réglementation européenne instaurant l’interdiction de commercialiser ou d’échanger des semences de variétés n’étant pas inscrites au catalogue officiel européen. Ce catalogue répertorie près 45.000 espèces agricoles et potagères commercialisables en Europe.

    Quelles sont les initiatives que Monsieur le Ministre a prises à ce niveau pour faire face aux trafiquants de semences ? Quelle est l’attitude de ses collègues européens quant à la question ? Y a-t-il une chance que le politique se ressaisisse de la question et qu’à l’instar du débat que le Parlement a eu sur le CETA, on rende aux agriculteurs la maîtrise de leurs conditions de production ?
  • Réponse du 11/01/2017
    • de COLLIN René

    Il convient de ne pas caricaturer la législation européenne qui régit la commercialisation des semences et plants et dont un objectif essentiel est la protection de l’agriculteur qui les utilise. Un service public indépendant des semenciers apporte à l’agriculteur l’assurance que les variétés qu’il acquiert sont correctement dénommées et ont fait l’objet d’essais objectifs, menés sous la supervision publique, pour s’assurer de leur valeur culturale. La certification officielle assure aussi la qualité des semences pour les aspects sanitaires, de pureté variétale et d’espèce, ou de pouvoir germinatif. Une absence de règle, qui permettrait à n’importe qui de commercialiser n’importe quoi, serait sans aucun doute au détriment des intérêts de nos agriculteurs.

    Il faut aussi reconnaître que cette législation européenne, dont les textes les plus anciens ont 50 ans, reflète des conceptions de la production agricole qui sont de nos jours remises en question ou en tout cas relativisées. La stricte limitation des possibilités d’échange entre agriculteurs doit être assouplie. Il faut cependant remarquer qu’en aucun cas la législation n’interdit à un agriculteur d’effectuer et d’utiliser sa propre sélection variétale.

    La Commission européenne est consciente de la vétusté de certains aspects de la législation et le projet de nouveau règlement qu’elle avait déposé en 2013 ouvrait des portes : autorisation d’échange entre agriculteurs, de commercialisation de matériel non homogène ou assouplissement de la définition de variété. Certains ont trouvé ces ouvertures trop étroites, d’autres trop larges, et l’exercice a abouti au refus du projet tant par le Parlement que par le Conseil. Au sein du Conseil, la Belgique a jusqu’au bout défendu l’utilité de continuer à travailler la proposition de la Commission pour mettre en œuvre les ouvertures proposées.

    Dans l’immédiat, dans le cadre d’essais communautaires en cours concernant des populations de blé, de maïs ou d’orge, la possibilité d’assouplir la législation pour permettre la commercialisation de matériel non homogène est à l’étude au sein d’un groupe de travail de la Commission. Au niveau européen, la Wallonie continue de défendre la mise en place d’une filière avec moins de contraintes, parallèlement à la filière classique de certification. Il faut aussi noter que, en application de la législation européenne, la législation wallonne permet l’inscription au catalogue, a très faibles frais et sans contraintes excessives, des anciennes variétés, des variétés de conservation ou des variétés de légumes à destination des amateurs.