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La prévention contre les nouvelles drogues

  • Session : 2016-2017
  • Année : 2016
  • N° : 395 (2016-2017) 1

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  • Question écrite du 29/12/2016
    • de LECOMTE Carine
    • à PREVOT Maxime, Ministre des Travaux publics, de la Santé, de l'Action sociale et du Patrimoine

    L'Europe est confrontée, depuis deux ans, à l'arrivée massive de nouvelles drogues de synthèse.

    Près de 300 nouvelles substances psychoactives (NSP) ont été signalées entre 2013 et 2015 auprès du système d'alerte précoce de l'Union européenne (UE), indiquent dans un rapport de 25 pages l'observatoire européen des drogues et des toxicomanies, et l'unité de coopération judiciaire européenne Eurojust. Il s'agit principalement de produits synthétiques cannabinoïdes, relatifs aux substances chimiques présentes dans les plants de cannabis.

    Souvent vendues comme une alternative légale "sûre", ces drogues peuvent en réalité avoir sur le cerveau un effet plus puissant que la marijuana et les effets peuvent être, dans certains cas, plus graves, voire même mortels, selon l'institut américain sur l'abus des drogues.

    En Europe, les États éprouvent des difficultés pour lutter contre leur forte expansion. Ainsi, le rapport de l'observatoire européen des drogues indique que: "l'évolution du marché européen pour les NSP a accéléré à une vitesse telle que la réponse établie par les autorités publiques, c'est-à-dire la législation sur les drogues, ne lui correspond plus totalement."

    De plus, "à peine une nouvelle substance psychoactive est-elle identifiée par les autorités et contrôlée qu'un substitut la remplace déjà sur le marché", ont précisé les deux organismes européens.

    Le Fonds de lutte contre les assuétudes relève concrètement des compétences de Monsieur le Ministre depuis le 1er janvier 2015. Ce fonds vise notamment à informer des dangers liés à la consommation et à l’accoutumance aux produits pouvant engendrer une assuétude, ainsi qu'à réduire la consommation de ces produits, particulièrement chez les jeunes.

    La Cellule générale de Politique en matière de Drogues, où sont représentées les différentes entités fédérées du pays et qui dispose donc d'une approche globale et intégrée de cette problématique, peut également apporter des réponses dans la lutte contre ces nouvelles drogues.

    Quelle politique de prévention Monsieur le Ministre envisage-t-il de mettre en place pour lutter contre l’offre pléthorique de ces substances qui ne sont généralement pas interdites à la consommation au moment où elles apparaissent, qui sont bon marché et accessibles au plus grand nombre qui se les procure librement sur Internet. C'est la fin pour les intermédiaires et les réseaux du marché des drogues illicites.

    Outre les produits synthétiques cannabinoïdes, quelles catégories de NSP sont particulièrement présentes sur le territoire wallon ?
  • Réponse du 16/01/2017
    • de PREVOT Maxime

    Comme j’ai récemment été interpellé par un des confrères de l'honorable membre sur la même thématique, je m’inspirerai largement de la réponse que j'ai déjà donnée.

    Pour les substances psychoactives, Internet – comme elle le signale – constitue en effet un lieu de vente qui peut être attractif pour les consommateurs, car il est facilement accessible, non-stigmatisant (il permet de rester anonyme) et il évite le contact direct avec un milieu délinquant.

    Il n'est pas de mes compétences de lutter contre le trafic de drogues et l'arrivée, effectivement inquiétante, de ces nouvelles substances. Mais mon Cabinet participe à la Cellule générale de Politique en matière de Drogues, qu'elle mentionne et qui prépare la Réunion Thématique Drogues de la Conférence interministérielle Santé publique. Une des dernières résolutions de la Conférence concerne justement la lutte contre la production de ces substances. J'ai soutenu cette résolution, bien sûr, comme les autres Ministres de la Santé.

    Mes compétences me limitent cependant aux actions dans le domaine de la santé, c'est-à-dire à la prévention de la consommation nocive, au traitement et à la réduction des risques. Il s'agit notamment d'actions spécifiques de sensibilisation des familles, des écoles ou des organisations de jeunes ; de promotion de la santé ; de formation de professionnels et/ou de pairs ; d’information des usagers ou encore de réduction des risques en milieu festif.

    La prévention ne suffit pas toujours en matière de consommation de substances psychoactives, surtout pour ces nouvelles drogues, car elles sont souvent consommées par des publics qui échappent aux actions de prévention ou n'y sont absolument pas sensibles. Pour atteindre ces usagers, d'autres actions plus ciblées doivent donc être développées. Celles-ci demandent aux professionnels de bien connaître les usages en cours, grâce à l'aide d'usagers qui connaissent le milieu et aident les professionnels. Cette proximité avec les usagers est fondamentale, car les usages et les publics d'usagers évoluent très rapidement, particulièrement pour les « legal highs », comme elle le note.

    Grâce aux connaissances acquises auprès des usagers, les professionnels peuvent développer et diffuser des outils finement adaptés aux usages et qui sont donc plus facilement acceptables par les consommateurs. Cette approche permet de limiter efficacement les risques liés à la consommation de drogues, notamment pour réduire le risque d'infection en informant sur ce risque et en distribuant du matériel stérile pour éviter le partage de matériel d'injection, d'inhalation ou de sniff.

    Les acteurs de la réduction des risques soutenus par la Wallonie utilisent cette approche depuis déjà de nombreuses années. Je citerai, entre autres, l'ASBL Modus Vivendi (qui offre de nombreux services non seulement aux usagers, mais également aux autres institutions en Wallonie, notamment des formations aux professionnels), l'ASBL le Comptoir à Charleroi ou encore l'ASBL Alfa à Liège, un service de santé mentale spécialisé en assuétudes.

    Une autre action de réduction des risques, ciblée également sur les dangers liés à la consommation (même occasionnelle) des drogues, est le projet Modus fiesta (initié par l'ASBL Modus Vivendi) qui est un point d’accueil et d’information sur ces drogues. Les usagers peuvent venir y parler de drogues avec des professionnels, sans discours moralisateur.

    Parmi les conseils de réduction des risques, on y trouve :
    - des informations fiables et récentes sur les produits et les usages ;
    - des brochures, des préservatifs et du matériel stérile ;
    - des adresses utiles pour orienter les usagers qui le souhaitent vers l'offre d'aide et de soins ;
    - des informations pour diminuer les risques lors de soirées festives ;
    - la possibilité pour les consommateurs de venir faire tester leurs produits.

    Des événements sont régulièrement organisés sur les nouvelles drogues de synthèse : expositions, débats, cinéclub. L'objectif final est de conscientiser les usagers sur les risques qu'ils courent, de leur donner les moyens de les éviter et de promouvoir chez eux une consommation aussi limitée que possible et responsable tant pour eux-mêmes que pour les autres.

    En matière de nouvelles drogues, un outil important de la réduction des risques est la diffusion d'alerte auprès de professionnels concernant la circulation de drogues dangereuses. Pour décrire ce système, je me baserai sur les informations disponibles sur le site de l'ASBL Eurotox (www.eurotox.org). Ce système appelé « Système d’Alerte Précoce » (ou EWS pour "Early Warning System") a été développé dans le cadre de l’« Action commune du 16 juin 1997 fondée sur l’article K.3 du traité de l’Union européenne, relative à l’échange d’informations, à l’évaluation des risques et au contrôle des nouvelles drogues de synthèse ».

    En Wallonie, les alertes sont diffusées par Eurotox, une ASBL que je soutiens également. Cette action qui semble simple est le résultat d'une concertation très poussée entre les professionnels, les services d'urgence et l'ISP, de manière à garantir la fiabilité de chaque alerte.

    Les messages d’alerte précoce peuvent se baser sur les informations suivantes : analyse de produits par des laboratoires d’analyse toxicologique (notamment ceux du WIV-ISP et de l’Institut National de Criminologie et de Criminalistique) ; analyse d’échantillons de sang et d’urine par des laboratoires de biologie clinique ; permanence téléphonique d’Infor-Drogues ; e-permanence d’Infor-Drogues (permanence électronique anonyme) ; ligne téléphonique du V.A.D. (« Druglijn ») ; signalement clairement établi par des intervenants de terrain ou encore signalement en provenance d’un pays voisin. Les opérations de testing de produits psychotropes à destination des usagers de drogues, organisées par Modus Vivendi en milieux festifs ainsi qu’à la permanence de Modus Fiesta, fournissent également des informations importantes et complémentaires à celles émanant du système répressif sur la nature des produits en circulation. Ces alertes sont heureusement relativement peu fréquentes.

    Le phénomène des « legal highs » étant très récent, je n'ai pas encore d'informations précises sur les substances consommées en Wallonie. Cependant, en 2015, Eurotox a publié un livret thématique sur les drogues de synthèse où les principales familles de molécules sont décrites à la page 7 (http://eurotox.org/wp/wp-content/uploads/2015/03/livret_nds_final.pdf). Il s'agit des phénéthylamines (type mescaline, amphétamines, cathinones ou MDMA), ergolines (type LSD), tryptamines (type psilocine et sérotonine), pipérazines (BZP, mCPP...), opiacés synthétiques et cannabinoïdes synthétiques.

    En ce qui concerne les consommateurs de « legal highs » en Wallonie, je me référerai au « Rapport 2015 » d'Eurotox sur « L'usage de drogues en Wallonie et à Bruxelles ». Ce rapport cite une enquête européenne réalisée en 2014 auprès de jeunes âgés de 15 à 24 ans. D'après celle-ci, des « legal highs » ont été consommés au moins une fois au cours des 12 derniers mois par 3,4 % des jeunes Belges interrogés et au moins une fois sur les 30 derniers jours par 1 % d'entre eux. Les jeunes belges interrogés semblent cependant conscients des risques qu'ils encourent : 89 % estiment qu'il est risqué pour la santé de consommer ces substances même une ou deux fois et 98 % estiment qu'il est risqué d'en consommer de manière régulière.

    Comme on le voit, la Wallonie n'a pas attendu cet afflux de nouvelles drogues pour mettre des actions en place. Je continuerai bien sûr à soutenir ces actions en restant attentif aux besoins particuliers de ce secteur afin de parer au mieux aux risques que représentent ces consommations pour la santé de la population.

    Ces actions très spécifiques ne doivent pas faire oublier que la prévention de l'usage de substances psychoactives doit être abordée de manière générale : tous les usages de substances psychoactives légales ou illégales représentent un danger plus ou moins grand pour la santé. J'aborderai d'ailleurs cette prévention dans mon prochain Plan de prévention et de promotion de la santé.