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L’ouverture d’un centre de consommation d’héroïne en Wallonie

  • Session : 2016-2017
  • Année : 2017
  • N° : 444 (2016-2017) 1

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  • Question écrite du 19/01/2017
    • de DURENNE Véronique
    • à PREVOT Maxime, Ministre des Travaux publics, de la Santé, de l'Action sociale et du Patrimoine

    Le bourgmestre de Liège demanderait une dérogation à la ministre Maggie De Block pour l’ouverture d’un centre de consommation d’héroïne dans la cité ardente.

    Cela n’est pas sans faire écho à notre visite parlementaire en suisse de Quai 9, un centre de consommation qui, nous l’avons vu, fonctionne.

    Le bourgmestre de la ville de Liège justifie sa demande comme la suite du projet TADAM élaboré avec l’Université de Liège et dont le rapport final est paru en octobre 2013.

    La Région dispose désormais de compétences en matière de lutte contre les assuétudes.

    Monsieur le Ministre peut-il nous dire quelle est sa position par rapport à cette demande  ?

    Quelle sera la position du gouvernement dans le cas où la ministre De Block autoriserait la mise en place de ce centre  ?

    Le gouvernement entend-il y participer pleinement ou au contraire regarder ça de plus loin ?
  • Réponse du 30/01/2017
    • de PREVOT Maxime

    En ce qui concerne les salles de consommation à moindres risques, l'honorable membre est la cinquième parlementaire à m'interroger sur ce même sujet en ce mois de janvier. Je reprends donc dans ma réponse les éléments que j'ai déjà formulés.

    Je le rappelle encore une fois, les salles de consommation à moindres risques sont des concepts que je soutiens, de même que le traitement assisté par diacétylmorphine, c'est-à-dire par héroïne pharmaceutique. Ces deux offres d'aide et de soins, bien distinctes, restent des éléments importants dans la panoplie possible des soins offerts en Wallonie.

    D'une manière générale, à l’instar de mes collègues bruxellois en charge de la santé, je confirme être favorable à une politique de réduction des risques, destinée à protéger, non seulement les consommateurs, et particulièrement les publics les plus vulnérables comme les jeunes ou les personnes sévèrement dépendantes, mais également l’ensemble de la société. Il faut en effet protéger ceux-ci des dommages liés à la consommation de substances psychoactives.

    N'oublions pas que les consommateurs aussi désinsérés qu'ils le paraissent ont toujours des relations avec d'autres personnes : des amis, une famille, une compagne ou un compagnon, parfois des enfants. Bref, s'ils contractent une infection grave comme l'hépatite C ou le HIV, leurs relations risquent d'en souffrir également d'une manière ou d'une autre. Toute la société est dès lors concernée par cet enjeu de la réduction des risques.

    Dans ce domaine, je soutiens particulièrement les projets qui ont fait la preuve de leur efficacité. Ce sont d’ailleurs les projets les plus controversés qui ont dû le plus faire leurs preuves, tels que les salles de consommation à moindres risques, le traitement assisté par diacétylmorphine ou l'échange de seringues.

    Il faut par contre veiller à ne pas confondre les différents projets. Les salles de consommation à moindres risques n'ont pas encore été testées en Belgique et le projet TADAM, qui s'est déroulé à Liège de 2011 à 2013, était un traitement assisté par diacétylmorphine. Ce projet consistait à prescrire de l'héroïne pharmaceutique à des personnes sévèrement dépendantes qui continuaient à consommer de l'héroïne de rue malgré un ou plusieurs essais de traitement par méthadone.

    La prescription médicale et l'auto-administration de ce produit pharmaceutique, la diacétylmorphine, n'ont lieu que dans un centre spécifique, sous la surveillance attentive d'une équipe composée de médecins et d'infirmiers. Ce traitement, très contrôlé et planifié, n'est réservé qu'à un groupe cible particulièrement dépendant de l'héroïne de rue.

    Les salles de consommation à moindres risques ne sont pas destinées uniquement à ce public, mais également, par exemple, à des consommateurs de cocaïne. La cocaïne est un produit qui peut induire une consommation très compulsive ce qui, bien sûr, multiplie les risques liés à cette consommation, surtout en cas d'injection.
    Les salles de consommation à moindres risques doivent, selon moi, être basées sur une concertation avec les différents acteurs impliqués – intervenants de l'aide et du soin, riverains, autorités communales et police notamment – et offrir des garanties de sécurité suffisantes pour les consommateurs en impliquant des intervenants professionnels de la santé, formés aux usages des consommateurs de drogues de rue.

    Même s'il ne s'agit pas d'une salle de consommation, le projet TADAM a déjà répondu avec succès à ces différentes conditions. Indépendamment de ses aspects très contrôlés, du protocole scientifique et de l'évaluation conduite de façon rigoureuse par l'Université de Liège, deux raisons peuvent expliquer qu'il se soit si bien inséré dans le tissu urbain : l'attitude très proactive d'un éducateur de rue expérimenté tant vis-à-vis des riverains que des patients et la proximité du commissariat de police dont les agents avaient été sensibilisés au projet.

    Je soutiens a priori dès lors la demande du Bourgmestre de Liège et j'essayerai de soutenir le projet au niveau budgétaire au moins en partie, mais je ne peux pas me prononcer sur un budget en l'absence d'un projet concret, d'une date de début du projet et, évidemment, d'un accord du Gouvernement wallon.

    Au niveau légal, comme le Gouvernement fédéral refuse de modifier la loi du 24 février 1921 et qu'un changement de loi est nécessaire pour avancer, il appartient maintenant aux parlementaires fédéraux soucieux de soutenir les propositions de loi déjà déposées ou désireux d'en faire de nouvelles de se mettre en action.

    Le Bourgmestre de Liège demande cependant une autorisation de la Ministre fédérale de la Santé. J'attends donc l'avis de ma collègue, la Ministre Maggie DE BLOCK. Mais, dans l'intérêt des intervenants et des usagers, je ne soutiendrais ce projet que s'il est légal et s'il est destiné à durer sur le long terme.

    L'arrêt de ce type d'expérience est en effet très préjudiciable à tous les niveaux : pour les usagers qui se sont investis dans une démarche de réduction des risques, pour les intervenants qui ont développé un savoir-faire, mais aussi pour les pouvoirs publics qui ont subventionné le projet.

    Pour le reste, le Bourgmestre de Liège sait – et je le répète à nouveau grâce aux questions – qu'il pourra compter sur mon soutien y compris budgétaire, le moment venu.