/

La consommation problématique d'alcool chez 10 % des Belges

  • Session : 2016-2017
  • Année : 2017
  • N° : 489 (2016-2017) 1

2 élément(s) trouvé(s).

  • Question écrite du 31/01/2017
    • de PREVOT Patrick
    • à PREVOT Maxime, Ministre des Travaux publics, de la Santé, de l'Action sociale et du Patrimoine

    En Belgique, on estime que 10 % des Belges consomment de l’alcool de façon problématique. En d’autres termes, cela signifie que les femmes consommeraient plus de 14 verres d’alcool par semaine, plus de 21 du côté des hommes.

    Au boulot, la consommation excessive d’alcool a été démontrée pour 14 % des travailleurs belges. Un travailleur belge sur sept consomme plus de dix boissons alcoolisées par semaine, selon une enquête de Securex.

    Monsieur le Ministre connaît-il les chiffres pour les Wallons ?-

    Un plan national alcool devrait voir le jour cette année. Où en est-il dans ce projet ? Quelles sont les positions des différentes entités intervenantes ?
  • Réponse du 16/02/2017
    • de PREVOT Maxime

    Les données sur la consommation d'alcool en population générale (pour les plus de 15 ans) proviennent de l’Enquête de santé par interview réalisée par l’ISP. En 2013, la proportion de la population wallonne ayant une consommation excessive, c'est-à-dire plus de 14 verres par semaine pour les femmes et plus de 21 pour les hommes, était estimée à 7 %. Les Wallonnes en 2013 étaient nettement moins nombreuses (3 %) que les hommes wallons (9 %) à consommer de façon excessive.

    Ce seuil de consommation excessive a été fixé par l'OMS. Mais, selon la pratique clinique des professionnels de terrain, pour que l’usage soit considéré à faible risque, il faut non seulement se situer sous ces seuils, mais également veiller à maintenir au moins un jour d’abstinence par semaine et s’abstenir totalement en cas de situations particulières (grossesse, conduite automobile, utilisation de machines au travail, etc.). De même, les comportements d’hyper-alcoolisation (6 verres ou plus en deux heures) doivent être pris en compte.

    Je rappelle que la Wallonie soutient de nombreuses initiatives pour lutter contre les conséquences nocives de la consommation d’alcool.

    Ainsi, sur le plan de la prévention, la Région soutient le travail de l'ASBL Univers Santé qui déploie des activités autour de la consommation d'alcool par les jeunes. L'ASBL réunit, au sein d'un réseau appelé « Jeunes, Alcool et Société », 12 associations actives auprès des jeunes. Au sein de ce groupe se définissent des stratégies et des actions visant à faire connaître le problème et à proposer des solutions.

    En matière de réduction des risques, la Région subventionne l'ASBL Modus Vivendi ainsi que différents services qui bénéficient du soutien logistique de cette association, notamment dans le cadre du label Quality Nights. Ce label fait partie d'un projet qui vise à améliorer le bien-être des personnes qui sortent dans les lieux de fête. Grâce à ce label, divers services préventifs sont assurés, dont : la distribution d'eau gratuite pour limiter la consommation de bière ou d'alcool, des brochures d'informations sur la santé, et la présence de personnel sensibilisé à la réduction des risques et aux premiers secours.

    D'autres projets, provenant du fonds fédéral de lutte contre les assuétudes, sont également soutenus par la Wallonie, tels que le projet Freedom, qui offre un sevrage à domicile pour les personnes alcoolo-dépendantes ; l’ASBL Alfa, qui développe un site d'aide en ligne pour les personnes alcooliques et leur entourage ou encore la Société scientifique de médecine générale (SSMG) qui soutient le dépistage des consommations problématiques par les médecins généralistes.

    Par ailleurs, plusieurs associations actives en matière d'assuétudes et soutenues par la Wallonie (comme Infor-Drogues ou Citadelle) offrent aux institutions qui en ont besoin (écoles et maisons de quartier par exemple) des formations, un accompagnement de projet et des outils pour travailler la question des consommations avec les jeunes.

    De manière plus structurelle, la Région wallonne a agréé 27 services d’aide et de soins spécialisés en assuétudes qui offrent un accompagnement spécifique pour les personnes sujettes à des problèmes d'assuétudes, notamment à l’alcool. Ces services sont répartis sur l’ensemble du territoire wallon.

    Cependant, une approche multisectorielle impliquant différentes autorités est nécessaire pour lutter contre les conséquences nocives de la consommation de boissons alcoolisées. Selon l'OMS, dans sa "Stratégie mondiale visant à réduire l'usage nocif de l'alcool", une action nationale doit concerner 10 domaines d'actions :
    1) leadership, prise de conscience et engagement ;
    2) action des services de santé ;
    3) action communautaire ;
    4) politiques et mesures de lutte contre l’alcool au volant ;
    5) offre d’alcool ;
    6) marketing des boissons alcoolisées ;
    7) politiques de prix ;
    8) réduction des conséquences néfastes de la consommation d’alcool et de l’intoxication alcoolique ;
    9) réduction de l’impact sur la santé publique de l’alcool illicite ou produit par le secteur informel ;
    10) suivi et surveillance.

    Une partie de ces actions dépassent les compétences de la Région, notamment les actions 5, 6 et 7 qui sont du ressort du Gouvernement fédéral. L'emplacement idéal pour construire un plan Alcool se situe dès lors dans la Cellule générale de Politique Drogues qui réunit les 17 cabinets des entités fédérées et de l’État fédéral ayant des compétences en matière de substances psychoactives, licites ou illicites.

    Mon Cabinet participe d'ailleurs activement à cette Cellule, qui tente d'élaborer un plan Alcool sur base de la stratégie recommandée par l'OMS.

    Dans ce cadre, de nombreuses mesures ont été proposées par les entités fédérées pour réduire l'accessibilité des boissons alcoolisées, en suivant les recommandations de l'OMS. Mais ces mesures, qui ont déjà fait la preuve de leur efficacité, ont été en grande partie rejetées par les Cabinets fédéraux. Le Gouvernement fédéral a en effet choisi de privilégier des intérêts économiques, ceux des producteurs et vendeurs de boissons alcoolisées, aux dépens d'intérêts économiques à plus long terme, ceux liés à la santé et à la productivité de la population.

    Suite à ce manque d'accord entre le Fédéral et les entités fédérées, le plan Alcool n'a pas été approuvé lors de la dernière Conférence interministérielle Santé publique du 24 octobre 2016.

    Pourtant, avec mes collègues en charge de la santé, les Ministres bruxellois et la Ministre de la Fédération Wallonie-Bruxelles, nous avions proposé des pistes de solution en vue d'aboutir sur ce dossier important. Nous demandions au Fédéral d’implémenter dans un premier temps, trois mesures qui, selon moi, sont nécessaires pour protéger les mineurs :
    * Tout d'abord, la clarification de la loi sur l'interdiction de la vente de spiritueux aux moins de 18 ans. La définition d'un spiritueux est en effet trop complexe pour être comprise par les vendeurs, les serveurs ou les clients, ce qui rend cette partie de la loi inapplicable.
    * Nous avions également demandé l'interdiction de la vente de boissons alcoolisées dans les distributeurs automatiques parce que cette accessibilité de l'alcool sans contrôle est évidemment incohérente avec l'interdiction de la vente d'alcool aux moins de 16 ans et de spiritueux aux moins de 18 ans.
    * La dernière mesure demandée était l'interdiction du marketing. Chacun se souviendra de la polémique à l'époque en marge des 24 heures de Louvain-la-Neuve, avec une grande société internationale de brasserie qui incitait à la consommation. Pour prendre un autre exemple plus récent, une application pour smartphone a été développée par des entreprises commerciales pour avertir les jeunes des endroits où obtenir des boissons alcoolisées à tarif réduit. À certaines heures et certains endroits, une bière est même offerte à chaque arrivant.

    Les alcooliers agissent en effet exactement comme leurs confrères, les cigarettiers, qui cherchent à recruter de nouveaux consommateurs parmi les jeunes. Les intérêts financiers rendent certains secteurs volontairement aveugles aux conséquences de la consommation de leurs produits. L'autorégulation est un leurre, car il est un moment où les intérêts commerciaux et ceux de la santé publique ne peuvent se rejoindre. Ce type de secteur doit donc impérativement être strictement contrôlé.

    Avec mes collègues des entités fédérées, nous avons cependant décidé de continuer les discussions pour obtenir un plan Alcool, certes moins ambitieux que ce que nous aurions souhaité au départ, mais qui comprendrait néanmoins les mesures minimales que j'ai citées et auxquelles nous tenons.

    Le Gouvernement fédéral espère également arriver à ce qu'il appelle un compromis d'ici le mois de mars 2017. Mais, ces trois mesures étaient déjà le résultat d'un compromis.

    Le plan Alcool sera donc normalement rediscuté lors de la prochaine Conférence interministérielle en mars 2017.

    Néanmoins, je n'ai pas attendu ces discussions pour avancer sur mon plan de prévention et de promotion de la santé, dans lequel un axe important est constitué par la prévention des conséquences nocives de la consommation d'alcool.