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Le décret du 6 février 2014 relatif à la voirie communale

  • Session : 2016-2017
  • Année : 2017
  • N° : 439 (2016-2017) 1

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  • Question écrite du 06/02/2017
    • de DAELE Matthieu
    • à DI ANTONIO Carlo, Ministre de l’Environnement, de l’Aménagement du Territoire, de la Mobilité et des Transports et du Bien-être animal

    Le décret voirie du 6 février 2014 stipule en son article 1er qu’il a « pour but de préserver l’intégrité, la viabilité et l’accessibilité des voiries communales, ainsi que d’améliorer leur maillage. »

    Ce cadre bien précis veille donc à ce que l’autorité publique (commune ou gouvernement) œuvre en faveur de la voirie communale dont la notion a été bien cernée. Il s’agit d’ « une voie de communication par terre affectée à la circulation du public indépendamment de la propriété de son assiette, y compris ses dépendances qui sont nécessaires à sa conservation, et dont la gestion incombe à l’autorité communale. » (article 2,1°-)

    L’usage du public (circulation du public) a aussi été cerné comme suit par le même décret (article 2 ,8°) : « Passage du public continu, non interrompu et non équivoque, à des fins de circulation publique, à condition qu’il ait lieu avec l’intention d’utiliser la bande de terrain concerné dans ce but et ne repose pas sur une simple tolérance du propriétaire ». Cette dernière définition de l’usage du public est directement tirée de la jurisprudence de la Cour de cassation en matière de création de voiries publiques par l’usage trentenaire. Les articles 27 à 29 établissent par ailleurs une procédure administrative de création de voiries par prescription trentenaire sur cette base.

    En présence de demandes de création, de modification ou de suppression de voirie par les autorités publiques ou les particuliers, ou par l’usage du public (articles 7 à 29 du décret ) les autorités appelées à se prononcer (commune, collège provincial pour certains cas spécifiques, gouvernement wallon en cas de recours dans le cadre des articles 7 à 20) sont tenues de se conformer strictement aux dispositions du décret et plus particulièrement aux dispositions évoquées ci-devant de l’article 1er, article 2 ,1° et 8°) sans faire prévaloir d’autres considérations. Telle est la volonté du législateur.

    Ce dernier a certes, comme en matière de recours relatifs à des permis d’urbanisme ou d’environnement ou comme en matière de recours en annulation de décisions prises par les pouvoirs subordonnés, prévu une disposition , en l’occurrence l’article 19 du décret du 6 février 2014, qui règle le cas où le gouvernement ne s’est pas prononcé sur un recours dans le délai requis par le décret.

    Cet article 19 stipule : «  dans les 60 jours à dater du 1er jour suivant la réception du recours, le Gouvernement notifie sa décision par envoi, à l’auteur du recours et au Conseil communal, au demandeur et à l’autorité ayant soumis la demande. À défaut, la décision du conseil communal est confirmée ».

    Cette disposition a été prévue ici comme ailleurs pour éviter que l’absence de décision ne crée le vide juridique et afin qu’il y ait une décision administrative qui soit applicable. Elle n’a évidemment pas pour but de permettre au gouvernement de négliger la protection des voiries communales ou l’amélioration de leur maillage.

    Elle ne dispense donc nullement le membre du Gouvernement appelé à statuer par l’article 19 dans le délai de 60 jours de le faire effectivement si le dossier qui lui est présenté a pour objet une voirie répondant aux critères des articles 1, 2,1° et 8° du décret ou à tout le moins de démontrer dans sa décision, le cas échéant, que les critères de l’article 2,8° ne seraient pas réunis malgré les allégations des demandeurs.

    Il n’est pas permis à une autorité administrative de s’abstenir ou de refuser de prononcer une décision dans un dossier litigieux qui lui est soumis (article 258 C.p.)

    Dans un cas particulier, concernant une commune dépourvue d’atlas de chemins vicinaux car rattachée à la Belgique seulement en 1925, l’absence de décision du ministre a amené de facto à confirmer une décision d’un conseil communal refusant de créer officiellement un chemin où les habitants du petit village voisin ont circulé depuis toujours en toute liberté sur cette servitude publique de passage sans qu’aucun panneau d’interdiction ne vienne contrarier ce passage. Ce n’est qu’au changement de propriétaire de la parcelle traversée par cette servitude publique, en 2012, que des entraves ont été dressées sur le chemin par les nouveaux propriétaires, très influents auprès des autorités locales.

    Il nous revient que Monsieur le Ministre a justifié son abstention à statuer dans un SMS envoyé aux auteurs du recours par le simple fait que « le Conseil communal unanime a décidé de ne pas créer (reconnaitre) le chemin concerné ». Il nous semble pourtant que le Ministre aurait dû se prononcer en se tenant strictement aux critères d’appréciation fixés par les articles 1, 2,1°et 8° du décret du 6.2.2014 (d’ailleurs invoqués par les auteurs du recours) et non au refus unanime d’un conseil communal. Le respect de l’autonomie communale n’est pas un critère fixé par le décret du 6.2.2014.

    Il nous revient aussi que les auteurs du recours ont sollicité ensuite une entrevue au cabinet de Monsieur le Ministre et qu’au cours de celle-ci, il leur fut répondu que ni l’administration ni le cabinet n’ont les moyens humains de traiter les recours qui seraient adressés au Gouvernement pour « créer une voirie » alors qu’il s’agit de faire confirmer par celui-ci l’existence juridique de voiries sur base des articles 7 à 20 du décret après un refus communal d’en reconnaitre l’existence pourtant avérée. Le Gouvernement se cantonnerait, faute de moyens, à ne traiter que les recours portant sur la suppression de chemins figurant à l’atlas qui nécessitent moins de temps pour leur examen.

    Monsieur le Ministre pourrait-il me dire :

    - combien de recours il a reçu en matière de voirie depuis l’entrée en vigueur du décret du 6.2.2014;
    - combien de recours visant à créer une voirie sur base des articles 7 à 20 du décret figurent parmi ces recours;
    - s’il envisage de continuer, comme ce fut le cas dans le dossier évoqué ci-devant, à ne pas statuer (en ignorant dès lors les articles 1, 2,1° et 8° du décret quand ceux-ci sont concernés) mais en se fiant aux seules décisions des conseils communaux quelles qu’elles soient, même si elles violent elles aussi le décret du 6.2.2014 ou d’autres législations comme l’article 11 § 2 des lois linguistiques (dans le cas évoqué : absence d’affichage de l’enquête publique dans les deux langues comme l’exige pourtant cet article);
    - s’il est bien conscient que si la réponse à la question 3 consiste à laisser jouer l’autonomie communale, les recours seront vides de sens et qu’en conséquence, le décret du 6.2.2014 sera tombé sous la coupe de la seule autonomie communale, alors que l’intérêt de la préservation et du développement de la voirie locale dépasse largement le seul cadre communal;
    - s’il manque effectivement de moyens humains pour traiter les dossiers de création de voiries sur recours, ne serait-il pas opportun de dégager au sein de l’administration et du cabinet les moyens requis pour atteindre l’objectif fixé par le décret ?
  • Réponse du 22/02/2017
    • de DI ANTONIO Carlo

    Le décret du 6 février 2014 relatif à la voirie communale prévoit, notamment, deux types de procédure qui doivent être clairement distingués.

    La première, consiste en la création d’une voirie qui n’existait préalablement pas. La demande doit être motivée au regard des objectifs du décret, ainsi que des compétences de la commune. La décision du Conseil communal est susceptible de recours devant le Gouvernement wallon.

    La seconde procédure n’est pas une création de voiries, mais la reconnaissance de l’existence d’une voirie par le Conseil communal ; c’est l’acte de constat. Le décret prévoit que la création de voiries puisse s’opérer par l’usage du public. La procédure de constat par le Conseil communal permet à la commune de prendre latitude sur l’existence ou non d’une voirie et d’assurer la publicité de sa position.
    Le constat opéré par le Conseil communal s’opère sans préjudice du droit des tiers. En cas de litige, seule l’interprétation d’un juge pourra lier les parties.
    Dans le cas d’espèce, la procédure employée fut celle de la création de voiries. Cependant, la demande était motivée au regard d’une prescription acquisitive et donc de l’existence de la voirie.

    Il s’agit donc d’un mauvais usage des procédures du décret. En effet, la procédure de création de voiries ne doit pas être utilisée afin d’éluder l’acte de constat et/ou la compétence des juridictions civiles. Si une voirie est effectivement existante, c’est la procédure d’infraction administrative prévue par le décret précité qui doit être employée.

    Il ne serait pas cohérent que le ministre décide en recours de la création de voiries déjà existantes alors que la procédure de reconnaissance de l’existence par l’acte de constat n’a pas été utilisée.

    Cette manière de faire serait contraire aux objectifs du décret qui prévoit une importante participation locale dans la reconnaissance des voiries avec la mise à jour de l’atlas. Cela reviendrait à demander au ministre de statuer en recours depuis Namur sur l’existence de milliers de sentiers parcourant la Wallonie.
    C’est en substance ce qui a été précisé à un administrateur d’une association qui s’est spécialisée dans ces recours.

    Nonobstant cela, les dossiers de recours introduits en vertu du décret sont analysés, qu’il s’agisse d’une création, d’une modification ou d’une suppression de voirie.

    À la date du 17 février 2017, le nombre total de dossiers de recours introduits est de 75, parmi lesquels 36 concernaient des créations de voiries. Il convient de préciser que ces créations ont essentiellement lieu dans le cadre d’une demande d’un permis d’urbanisme ou d’urbanisation.